La Botte Gardiane décroche une indication géographique pour protéger la botte « made in Camargue »

Labellisée "Entreprise du Patrimoine Vivant", la Botte Gardiane est l’un des derniers fabricants français de chaussures. La PME camarguaise a œuvré, seule, à la création d’une Indication Géographique (IG) pour les objets manufacturés afin de protéger la fabrique de la botte camarguaise. C’est chose faite, avec l’homologation par le Journal Officiel, ce 28 juin, de cette nouvelle IG.
Cécile Chaigneau
(Crédits : Maïté Galloux)

Terminé, les « bottes camarguaises » fabriquées en Chine. Ce 28 juin, l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) homologue l'indication géographique « bottes camarguaises » par la publication de l'avis au Journal officiel. Il s'agit de la 19e IG homologuée par l'INPI et la deuxième de l'industrie de la chaussure. Une victoire pour une petite PME gardoise, La Botte Gardiane, qui a porté seule le dossier.

La Botte Gardiane, installée à Aigues-Vives, est aujourd'hui l'un des derniers fabricants français de chaussures (bottes camarguaises, bottes, bottines, sandales et chaussures et accessoires en cuir). Comme son nom l'indique, l'entreprise est intimement liée à la Camargue et s'est attachée, tout au long de son histoire, à transmettre son savoir-faire de bottier de génération en génération. Labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant » depuis 2007, elle renforce l'ancrage de son savoir-faire avec cette nouvelle indication géographique.

Créé en 1958, le petit atelier en liquidation judiciaire avait été repris par Michel Agulhon qui créait un modèle de botte camarguaise et quelques modèles de sandales,... En 2002, il partait présenter sa collection sur un salon à Paris. De nombreux Japonais flashaient sur ces chaussures « made in Camargue », lançant la notoriété de la marque.

En dehors de la fast-fashion

Depuis un an, ce sont Antoine Agulhon et sa sœur Fanny qui pilotent la petite entreprise familiale de 25 salariés. La marque compte deux boutiques à Paris, ouvertes en 2012 rue de Charonne et en 2014 dans le Marais. Outre la boutique adossée à son atelier à Aigues-Vives, les dirigeants ont ouvert un nouveau point de vente aux Saintes-Maries-de-la-Mer en 2023.

Aujourd'hui, une vingtaine de salariés travaillent à l'atelier, avec du cuir arrivant principalement de la tannerie Haas en Alsace, et dans une démarche volontairement en dehors de la fast-fashion, prônant la qualité et la longévité des chaussures qui peuvent être ressemelées ou réparées.

« Nous ne sommes que quatre ou cinq en France à fabriquer des chaussures sans faire de sous-traitance, souligne Antoine Agulhon. Chaque paire nécessite un minimum de 60 opérations. En comptant les sacs et les ceintures, nous fabriquons environ 10.000 pièces par an, des modèles qui peuvent être personnalisés ou faits sur-mesure. »

Et cette botte camarguaise, alors ?  Antoine Agulhon raconte son histoire : « Elle a été créée après la Seconde guerre mondiale par le marquis de Baroncelli qui a voulu créer le vestiaire des gardians (les éleveurs de chevaux et de taureaux de la région, NDLR) et des ouvriers agricoles, en s'inspirant des cowboys américains du spectacle Wild West Show lors de son passage dans le Midi de la France. Ce vestiaire comprenait la Botte camarguaise, avec sa coupe droite, deux baguettes sur le côté, plutôt sobre et au bout affiné ou rond, avec talon de deux ou trois cm. »

Le modèle est devenu une pièce de mode appréciée par les amateurs de cuirs, et La Botte Gardiane est la seule à encore les fabriquer en France.

La Botte Gardiane

Antoine Agulhon et sa sœur Fanny dirigent la petite entreprise familiale de 25 salariés (© La Botte Gardiane).

Une aire géographique de 58 communes

La création de l'IG Botte camarguaise remonte à un peu avant le Covid, avec l'objectif de protéger ce produit de contrefaçons ou copies chinoises notamment...

« L'objectif de l'IG est d'apporter une protection aux objets manufacturés, par exemple le couteau Laguiole ou la Charentaise, explique Antoine Agulhon. L'Espadrille de Mauléon a tenté de l'obtenir mais il y a eu opposition car les semelles sont fabriquées en Chine... La particularité de notre démarche, c'est que nous avons été la seule entreprise à porter le dossier, alors qu'habituellement, il y en a plusieurs. A cet effet, nous avons créé l'association Bottes Camarguaises. Nous avons donc été les seuls à établir le cahier des charges, mais aussi les seuls à supporter le coût. »

L'indication géographique « bottes camarguaises » couvre toutes les opérations de fabrication des bottes (coupe des pièces, piquage, assemblage, montage et finitions), qui doivent être réalisées dans l'aire géographique définie dans le cahier des charges, soit 30 communes du Gard, 18 communes de l'Hérault et 10 communes des Bouches-du-Rhône.

C'est l'Association Bottes Camarguaises qui est désormais l'organisme en charge de la défense et de la gestion de l'indication géographique éponyme, ce qui lui donnera le droit d'attaquer en justice en cas de vente de bottes camarguaises "fabriquées en Chine" notamment.

« La perspective de monter au créneau est en réflexion, probablement que nous privilégierons d'abord un dialogue car je ne souhaite pas forcément entrer dans des batailles juridiques, mais plutôt inciter les contrevenants à rapatrier leur atelier dans la zone Camargue », déclare aujourd'hui Antoine Agulhon.

« Une histoire de mode »

Aujourd'hui, si elle reste un produit d'appel, la botte camarguaise et ses variantes représentent un peu moins de 10% du chiffre d'affaires de l'entreprise gardoise.

« C'est une histoire de mode dans les années 1970 jusqu'au début des années 1980 où il s'en vendait vraiment beaucoup, raconte le dirigeant. Puis l'effet de mode est un peu passé... »

Même si la mode est un éternel recommencement, Antoine Agulhon n'espère pas vraiment pouvoir la remettre au goût du jour mais il compte néanmoins sur le regain de visibilité que pourrait apporter cette Indication géographique pour redonner un petit coup de boost au marché habituel.

La Botte Gardiane ne va plus sur les salons, sa réputation est faite « et le bouche-à-oreille fonctionne bien », remarque Antoine Agulhon... Aujourd'hui, 30% de son chiffre d'affaires (1,6 million d'euros au 31 mars 2023) se réalise à l'export, principalement au Japon et en Corée du Sud, et les premières commandes pour la Chine sont tombées il y a quelques semaines. Outre ses boutiques, où elle réalise 15% de ses ventes, La Botte Gardiane est aussi référencée dans des magasins comme Le Bon Marché. Mais le gros des ventes, entre 50 et 60%, se réalise à la boutique d'Aigues-Vives, largement soutenues par les visites d'atelier organisées toute l'année, et sur internet, notamment aux Etats-Unis.

Préférant s'affranchir des intermédiaires, trop gourmands, La Botte Gardiane a joué la carte de la collaboration avec des créateurs de renom : Vanessa Bruno (2015), Jérôme Dreyfus (2016), Agnès.B (2019) ou encore Bonpoint et De Bonne Facture (2021).

« Nous allons travailler avec la marque de vêtements française Roseanna pour la collection hiver 2024-2025 et nous avons fait des échantillons de santiags multicolores pour Maison Cléo », annonce Antoine Agulhon.

19e Indication géographique

L'Indication Géographique (IG) est un droit de propriété intellectuelle qui vise à protéger le nom d'un produit ou objet ayant une qualité, des caractéristiques ou une réputation liée à son origine géographique. Elle est une garantie d'authenticité pour les consommateurs et un moyen de valoriser les savoir-faire.

Les 19 autres IG existantes sont : le siège de Liffol, le granit de Bretagne, la porcelaine de Limoges, la pierre de Bourgogne, le grenat de Perpignan, le tapis d'Aubusson, la tapisserie d'Aubusson, la charentaise de Charente-Périgord, les pierres marbrières de Rhône-Alpes, l'absolue Pays de Grasse, le linge basque, la pierre d'Arudy, les poteries d'Alsace Soufflenheim/Betschdorf, le couteau Laguiole, les argiles du Velay, la pierre du Midi, la dentelle de Calais-Caudry, la pierre de Vianne et les bottes camarguaises.

Cécile Chaigneau

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