Empreinte carbone du vin : Verréo cible la concentration solaire pour hybrider la fusion du verre

Réduire l’empreinte carbone du vin, à commencer par son conditionnement. La nouvelle entreprise Verréo, créée à l’automne dernier, s’attaque à la bouteille en verre, notamment autour d’un projet de R&D sur l’hybridation de la fusion du verre en recourant à la concentration solaire, ainsi qu’au bouchon.
Cécile Chaigneau
François Rey, fondateur de Verréo dans les Pyrénées-Orientales, veut décarboner le conditionnement de la filière viticole en agissant sur la fabrication des bouteilles de vin et de bière.
François Rey, fondateur de Verréo dans les Pyrénées-Orientales, veut décarboner le conditionnement de la filière viticole en agissant sur la fabrication des bouteilles de vin et de bière. (Crédits : Verréo)

Il se dit « biberonné au réchauffement climatique depuis trente ans »... François Rey, ancien directeur administratif et financier chez Diam Bouchage (à Céret dans les Pyrénées-Orientales) a été témoin de l'impact climatique sur la vigne. En novembre 2023, il a créé l'entreprise Verréo à Céret.

« L'objectif est de chercher des solutions pour baisser l'empreinte carbone sur les conditionnements, annonce-t-il. Et dans le conditionnement, le principal problème, c'est la bouteille en verre en raison du procédé de fusion du verre, alimentée par des combustibles fossiles principalement. Des efforts sont faits aujourd'hui, notamment par les verriers qui électrifient progressivement les fours mais à un rythme trop lent... L'ambition de Verréo, c'est de promouvoir des solutions durables existantes et d'en concevoir de nouvelles. »

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Verrier 2.0

La toute jeune entreprise cible deux axes de recherche pour réduire l'empreinte carbone du vin : les bouteilles et les bouchons.

« Il existe aujourd'hui des verriers qui décarbonent leur four avec de l'électricité pour remplacer une partie du gaz, mais il subsiste un problème de disponibilité et de prix, ce qui laisse de la place pour un modèle de verrier 2.0 sur la conception de la bouteille, imagine François Rey. L'idée est de développer un procédé de fusion hybride à l'électricité et à concentration solaire. Le four solaire d'Odeillo (dans les Pyrénées-Orientales, NDLR) n'a pas eu le succès commercial escompté mais on a des compétences locales, et c'est probablement le procédé le plus light en empreinte carbone. Nous sommes sur le point de signer un accord avec un laboratoire de recherche (dont il tait le nom pour le moment, NDLR). On sait que ça marche mais il faut ajuster les paramètres et travailler le volet économique. Ensuite nous ferons des tests sur de plus grandes quantités de matière, et en parallèle, nous lançons des travaux de recherche sur les fours électriques, avec l'idée de l'hybridation derrière. »

L'entrepreneur cible un autre axe de recherche sur la bouteille : « le 100% verre recyclé, contre 70% aujourd'hui, avec un réseau de fours plus petits et de proximité pour diminuer le transport du verre en se rapprochant des bassins de distribution du verre ». Avec comme cible l'horizon 2028-2029 pour les premières ventes de bouteilles.

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Trier et tracer les bouchons

Quant au bouchon, la problématique n'est pas leur fabrication, qui reste, selon François Rey, relativement sobre et peu émettrice de CO2, mais « la fin de vie du bouchon qui n'est pas gérée ».

« Des initiatives existent, prises par deux industriels en France et par des associations qui font de la collecte de bouchons par exemple, mais on n'est pas encore à des niveaux importants : il doit y avoir environ 5.000 tonnes de bouchons par an à récupérer en France, et aujourd'hui, au maximum 5% le sont... La grande majorité finit donc à l'incinérateur ou à l'enfouissement ! L'idée de Verréo : une solution de tri et de valorisation permettant d'encourager et de valoriser le geste de collecte. Il s'agira d'une machine de tri-bouchons dopée à l'intelligence artificielle, à destination des gens qui font de la collecte, pour leur permettre de les trier et de produire de la traçabilité. Ainsi, les metteurs en marché de bouchons pourront faire valoir que les bouchons sont recyclés. »

Une première collecte de plusieurs milliers de bouchons vient d'être opérée par Verréo sur le Festival  Bacchus, qui s'est déroulé du 6 au 9 juin à Argelès-sur-Mer : « Nous allons aussi proposer un diagnostic à chacun des vignerons, faire un test de lavage de bouteilles, principalement pour mesurer la problématique de l'étiquette, expérimenter la machine de tri-bouchons, et récupérer les bouteilles pour expérimenter la fusion par concentration solaire ».

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Une éco-cuvée

L'entreprise s'appuie sur le réseau existant d'associations. Verréo développe ainsi un partenariat avec certaines, comme Oc'Consigne en Occitanie, pour mettre en place un double geste de récupération bouteille et bouchon : « L'axe final sera probablement de jeter le bouchon avec la bouteille, d'équiper le trieur de verre pour séparer le bouchon et la bouteille et de lancer un geste supplémentaire de tri sur le bouchon pour éviter qu'il soit jeté. C'est aussi dans cette optique que nous travaillons également sur la valorisation du liège avec le CEA-Tech (à Toulouse, NDLR) pour mettre sur le marché des produits éco-conçus à base de bouchons ».

Pour joindre le geste à la parole, l'action à l'ambition, Verréo vient de lancer, le 12 juin dernier, une éco-cuvée avec le vigneron Damien de Besombes, du Château Saint-Michel.

« Cette cuvée a réussi à réduire de 40% son empreinte carbone. Elle utilise une bouteille d'occasion, en partenariat avec Oc'Consigne, un bouchon traditionnel en liège plus facile à recycler, une étiquette de l'imprimeur lyonnais Stic Image, monochrome et qui se décolle facilement au lavage, et sans sur-capsule qui utilise en général de l'étain ou de l'aluminium. »

Favoriser l'écosystème local

François Rey, qui teste et expérimente auprès des vignerons catalans, vise rien de moins que le marché mondial de la bouteille et entend bien, le jour venu, implanter son outil industriel dans les Pyrénées-Orientales.

Créée sur fonds propres, Verréo compte aussi sur les soutiens financiers de Bpifrance, notamment de la bourse French Tech Emergence. Elle est triplement incubée par l'incubateur du Vallespir, l'incubateur UPVD In'Cube et le BIC Plein Sud. L'entreprise emploie deux personnes à ce jour. Elles seront trois en septembre et devraient être cinq supplémentaires en 2025. « Nous visons une levée de fonds en 2025 pour recruter des chercheurs et des ingénieurs », annonce le dirigeant.

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Cécile Chaigneau

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