« Ne brisez pas la dynamique du solaire en France » (Jules Nyssen, SER)

Le 9e colloque photovoltaïque, organisé par le Syndicat des énergies renouvelables, se déroulait ce 30 mai à Montpellier. Un fil rouge a traversé les débats mais aussi les conversations en marge de l’événement : à l'aube d'une nouvelle ère en termes de déploiement et s'estimant coincée dans un paradoxe créé par le gouvernement, la filière du photovoltaïque implore de la clarté réglementaire.
Cécile Chaigneau
La filière photovoltaïque, qui s'est réunie le 30 mai 2024 à Montpellier pour son 9e colloque organisé par le SER, réclame un cadre réglementaire lisible pour accélérer son développement.
La filière photovoltaïque, qui s'est réunie le 30 mai 2024 à Montpellier pour son 9e colloque organisé par le SER, réclame un cadre réglementaire lisible pour accélérer son développement. (Crédits : Stephanie Limongy)

« Photovoltaïque : anatomie d'une nouvelle ère ». Tel était la thématique donnée au 9e colloque photovoltaïque organisé, le 30 mai à Montpellier, par le Syndicat des énergies renouvelables (SER). De là à filer la métaphore cinématographique, il n'y avait qu'un pas, que le président du SER, Jules Nyssen, a volontiers et sans surprise franchi.

« On peut entrer dans la nouvelle ère des énergies renouvelables en en faisant une composante essentielle de l'aménagement du territoire. Tous les acteurs publics ont démontré que dans les territoires, il y a de la volonté, de l'énergie et des moyens, et l'Etat n'est pas en reste... Mais tout cela contraste avec le contexte national : nous avons d'un côté, beaucoup d'ambition et de l'autre, des actes qui tardent à venir puisque nous attendons toujours la loi de programmation énergie-climat, le décret de la programmation pluriannuelle de l'énergie (le gouvernement a fait le choix de faire adopter la feuille de route définissant les grandes orientations énergétiques de la France pour 2035 par décret et non pas par la loi, pour éviter « une guerre de religion » entre pro-nucléaire et pro-renouvelables, un choix que le SER critique, NDLR) et une stratégie nationale bas carbone.... On est à 1,2 TW installés, l'an dernier la Chine a installé plus de panneaux solaires que l'Europe en trente ans, l'Allemagne a quadruplé son équipement en panneaux solaires. Les atouts de cette énergie photovoltaïque sont connus : elle est abondante, disponible partout, bien répartie, facilement déployable. Mais attention que dans cette belle dynamique mondiale, l'exception culturelle française ne nous amène pas à l'anatomie d'une chute. »

Et le dirigeant d'évoquer « une certaine inertie » du pays, 6e en Europe avec 3 GWc installés en 2023 contre 14 MWc en Allemagne, affichant un ratio de 300 MW solaires par habitant contre 1.000 au Pays-Bas...

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« Incohérences gouvernementales »

« On peut se féliciter que 93,6% des objectifs nationaux 2023 soient atteints, mais il y a encore 20 GW de projets dans les files d'attente, ajoute-t-il. En France, la dynamique porte surtout sur les petits projets, entre 100 et 500 kWc, soutenues par un tarif de rachat, mais nous avons appris il y a quelques jours que le gouvernement souhaitait raboter significativement ce tarif de rachat, au nom des économies budgétaires. Le signal qu'on veut envoyer, c'est ne touchez pas à ce tarif, ne brisez pas cette dynamique du solaire en France. »

Le président de SER évoque là l'arrêté tarifaire S21 qui fixe les conditions d'achat de l'électricité produite par les centrales de moins de 500 kWc. Dans ce contexte de dynamique photovoltaïque, le colloque a vu son ambiance plombée par un mail tombé dans les boites des syndicats Enerplan et le SER il y a une semaine... Le 23 mai, ils recevaient ainsi un courrier de la Direction Générale de l'Énergie et du Climat (DGEC) « demandant avis sur deux options radicales visant à réduire les dépenses publiques induites par la mise en œuvre du S21 ». La DGEC propose deux options : passer du guichet ouvert jusqu'à 500 kWc en guichet fermé, ou baisser le seuil d'éligibilité de l'arrêté tarifaire à 100 kWc et faire démarrer les appels à projets photovoltaïques bâtiment à 100kWc (revenant à la situation d'avant 2021). Pour Jules Nyssen comme pour Daniel Bour, le président d'Enerplan, aucune de ces options, qui « signent les incohérences gouvernementales », n'est recevable ni envisageable.

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Solaire au sol et agrivoltaïsme : des arrêtés imminents

Un an après la publication de la loi d'accélération des EnR qui visait à planifier, simplifier et mobiliser le territoire sur le déploiement des énergies renouvelables, et alors que le gouvernement ne cesse de clamer son ambition de souveraineté énergétique et son soutien aux énergies renouvelables, avec un l'objectif affiché de déployer 100 GW de photovoltaïque en 2035, la filière du photovoltaïque critique globalement le manque de stabilité et de visibilité de la part de Bercy. Et attend un cadre clair et lisible.

« Certes il n'y a pas encore de loi de programmation énergie-climat ni de PPE, mais le projet de stratégie française énergie-climat a été mis en consultation fin 2023, confirmant la nécessité d'accélérer sur les énergies renouvelables, avec notamment pour le photovoltaïque une fourchette basse d'installation de 75 GW et une fourchette haute de 100 GW en 2035, répond Hermine Durand, sous-directrice du système électrique et des énergies renouvelables à la DGEC. Pour le guichet tarifaire S21 sur les bâtiments, nous avons obtenu un rehaussement important des objectifs début 2024. Aujourd'hui, il n'y a pas d'autres arbitrages pris sur ce dispositif et nous continuons de soutenir le développement de petits et moyens projets photovoltaïques sur les bâtiments. Il n'y a pas de remise en cause du S21, je vous rassure, mais nous sommes en attente des éléments techniques et économiques de la filière, nous aurons des réunions d'échange dans les prochaines semaines... Concernant les petits et moyens projets au sol, nous avons un arrêté tarifaire en gestation depuis plusieurs années et nous le présenterons normalement en juin au Conseil supérieur de l'énergie pour disposer d'un guichet tarifaire pour les petites installations, avec introduction d'une prime bas carbone pour les projets qui s'approvisionneraient auprès d'usines européennes et françaises.... Et sur le décret sur l'agrivoltaïsme (paru en avril dernier, NDLR), nous sommes en train de rédiger l'arrêté associé que nous espérons publier dans les prochaines semaines. »

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« Une PPE fin 2024, début 2025 »

Ces propos rassurent-ils les professionnels de la filière ? Daniel Bour, le président d'Enerplan, nuance : « C'est un discours rassurant mais j'espère qu'il n'y a qu'une incompréhension sur le S21. En tout cas, cela prouve que la concertation ne marche pas bien... La filière solaire est dynamique, les entreprises recrutent et investissent, mais on n'a toujours pas le phare de la PPE. Ne nous laissez pas dans le brouillard ! »

« Nous avons un projet de PPE en consultation, une dernière concertation va démarrer en juin après les élections européennes, et nous entrerons ensuite dans la dernière ligne droite pour la rédiger, faire les consultations officielles et avoir une PPE fin 2024, début 2025 », promet Hermine Durand.

Ce qui n'empêche pas Xavier Daval, vice-président du SER, d'enfoncer le clou sur le retard pris par la France : « Nous avons besoin d'un cap clair, le moins de changement possible et un peu plus de concertation pour anticiper des modifications. Pour passer d'un ancien monde carboné à un nouveau monde décarboné, il y a un transitoire et chacun n'est pas chahuté de la même manière. Cette mutation du système énergétique mélange les temps longs et les temps courts et il faut veiller à garder toute cette flotte synchrone, ce qui passe par de la discussion ».

« A propos de cette notion de temps, je rappelle qu'Enedis fait un très gros travail pour cartographier le foncier qui est accessible très vite, souligne Christian Buchel, membre du Directoire et directeur Clients et Territoires chez Enedis. Nous sommes là sur une chaîne de valeur complète qui va de la production aux usages, et l'un des maillons, ce sont les compétences qui s'inscrivent aussi sur un temps long. C'est pourquoi nous avons créé, avec la filière et le ministère de l'Education nationale, les écoles des réseaux pour attirer des jeunes. »

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« Une ambition industrielle »

Le colloque a aussi été l'occasion d'évoquer les enjeux industriels, en particulier autour du retour de la fabrication de panneaux solaires en France qui permettrait d'éviter un approvisionnement en Chine.

« On a du mal à imaginer qu'on puisse avoir une ambition sur le déploiement du solaire sans une ambition industrielle derrière », assène Jules Nyssen.

A l'occasion du récent Sommet Choose France, Holosolis a annoncé qu'elle allait investir 710 millions d'euros pour bâtir une méga-usine de panneaux photovoltaïques en Moselle. Un projet qui serait le 2e en France avec celui de la startup lyonnaise Carbon qui veut bâtir une gigafactory de lingots, galettes, cellules et modules photovoltaïques à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Et non en Occitanie comme un temps pressenti. Ce qui n'empêche pas Marie-Thérèse Mercier, conseillère régionale, de convoiter pour l'Occitanie « deux acteurs industriels, sur la fabrication de panneaux et sur le recyclage industriel de panneaux ».

Cécile Chaigneau

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Commentaires 4
à écrit le 01/06/2024 à 11:21
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Après la propagande, voici la vérité: le solaire est intermittent et est déjà arrivé à saturation en europe. Les opérateurs du réseau sont obligés de mettre des parcs à l'arrêt quasiment tous les jours pour juguler la surproduction.

à écrit le 31/05/2024 à 9:26
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Les mêmes lobbystes affirment à la fois que le solaire est devenu hyper-compétitif et qu'il faut absolument garder le même niveau de subventions.

à écrit le 30/05/2024 à 21:19
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Enlever la tva sur le solaire pour que les gens s'equipent...

le 31/05/2024 à 9:34
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Quel est l'intérêt pour le système électrique français ou la baisse des émissions de CO2 ? La production solaire nationale et européenne est proche de la saturation, d'où des prix négatifs en milieu de journée. A ce rythme, il faudra bientôt que les ...

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