Aides modiques, marché engorgé, arrivants en difficulté : la viticulture bio en crise

La forte augmentation des volumes de production en 2022 a déstabilisé la filière viticole bio en Occitanie. Si les vignerons bio bien établis, qui vendent en bouteille, s’en sortent plutôt bien, la partie est plus compliquée pour les nouveaux arrivants. Et ce n’est pas le fonds d’urgence qui va changer la donne…
En Occitanie, le volume de surfaces de vigne en première année de conversion bio était de 3.558 hectares en 2022, contre 6.958 hectares en 2021.
En Occitanie, le volume de surfaces de vigne en première année de conversion bio était de 3.558 hectares en 2022, contre 6.958 hectares en 2021. (Crédits : Patrice Thebault - Région Occitanie)

Les chiffres viennent de tomber. Parmi les produits bio, le vin est le seul qui poursuit sa croissance. Sur l'année 2022, les ventes sont en croissance de 2,2%, alors que les fruits affichent une baisse de 7%, les légumes de 5% et la viande de 13%.

Tout n'est cependant pas rose pour la filière viticole bio, car les évolutions diffèrent selon les circuits. Si les ventes directes, qui représentent 29% des ventes globales, sont en hausse de 5% et les cavistes de 8%, les ventes s'essoufflent dans la grande distribution et dans les magasins spécialisés bio, tous deux en recul de 7%. Côté production, la dynamique très forte de conversion observée en 2021, avec 24.800 hectares de vignes en première année de conversion, s'est tarie en 2022 avec moins de 13.000 hectares nouvellement engagés.

Le risque de déconversion

L'Occitanie n'échappe pas à cette tendance : les surfaces en première année de conversion en 2022 (3.558 hectares) diminuent quasiment de moitié par rapport à 2021 (6.958 hectares). Et il semble peu probable que la dynamique des conversions reprenne en 2023. Car le marché peine à absorber les nouveaux volumes produits en 2022 suite à la belle récolte et à la forte augmentation des surfaces certifiées (+ 39.000 hectares). En 2022, il s'est produit 1,5 à 1,6 million d'hectolitres de vin bio en Occitanie contre 1 million d'hectolitres en 2021, année du gel. Cet afflux provoque un engorgement du marché avec des prix à la baisse sur le marché des vins en vrac.

Alerté sur les difficultés tant structurelles que conjoncturelles de la filière bio, le gouvernement vient d'accorder un fonds d'urgence doté de 10 millions d'euros au niveau national pour accompagner les exploitations en agriculture biologique risquant la déconversion, voire la faillite.

Ramené à l'échelle de la région, cette aide s'élève à 135.000 euros pour l'Hérault, 146.000 euros pour l'Aude, et 159.000 euros pour le Gard. Des sommes qui paraissent bien limitées, d'autant que les aides sont plafonnées à 4.000 ou 5.000 euros par exploitation, selon les départements.

« Toute aide est bonne à prendre mais ces montants sont une goutte d'eau, s'inquiète Nicolas Richarme, président de SudVinbio. Cela peut aider temporairement une exploitation mais ce n'est pas ça qui va convaincre le viticulteur de rester en bio s'il envisage de revenir au conventionnel. »

« Je n'ai pas aucun mal à vendre ma production »

Sur le terrain, la situation des vignerons bio apparaît très variable selon l'ancienneté de la conversion et les modes de commercialisation. Vigneron à Durban-Corbières (Aude), Maxime Magnon est certifié bio sur ses 20 hectares de vignes depuis 2007. Il commercialise l'intégralité de sa récolte en bouteilles.

« Franchement, je ne me plains pas., je vends sur réservation, confie-t-il. La demande est peut-être un peu moins tonique mais je n'ai aucun mal à commercialiser ma production. »

Pour Joan Fournil, en bio depuis quinze ans sur ses 10 hectares à Laure-Minervois (Aude), la situation est un peu plus tendue : « Je vends les deux-tiers de ma récolte en bouteilles, essentiellement en vente directe et dans la restauration locale. Ces ventes se maintiennent mais c'est sur le marché du vrac que la demande s'est effondrée. Heureusement, cela ne présente que 10% de mon chiffre d'affaires », témoigne-t-il.

A Montpeyroux, Pascale Rivière, qui exploite un vignoble de 11 hectares certifiés bio depuis 2008, souffre : « C'est difficile au niveau trésorerie. Pendant le covid, j'ai eu recours au PGE pour payer mes salariés alors que mes ventes étaient à l'arrêt. Aujourd'hui, je dois rembourser. Qui plus est, j'ai un gros client, qui me prenait sept à huit palettes à l'année, qui est en redressement judiciaire. C'est une période compliquée », lâche-telle.

« Mon chiffre d'affaires a plongé de 40% en 2022 »

Plus récemment venu au bio puisque ses 30 hectares de vigne ont été certifiés en 2021, José Mancheno est lui, en grave difficulté : « J'ai demandé à bénéficier de cette aide d'urgence car je ne sais pas comment je vais finir l'année. Mais je ne suis pas sûr de pouvoir toucher quoi que ce soit ».

Coopérateur aux Vignobles de Vendéole (Aude), il a vu son chiffre d'affaires plonger de 40% en 2022 du fait de la baisse de valorisation de sa production bio et s'est inscrit dans une cellule de crise pour être accompagné.

« Les acomptes versés sur la récolte 2022 ne me permettront pas de passer l'année, souligne-t-il. C'est triste car le bio est quand même plus vertueux. Mais si ça ne permet pas d'en vivre, que faire ? »

Il n'a pas pour autant l'intention de repasser en conventionnel. La coopérative qui, autrefois, accordait des aides pour encourager ses adhérents à passer en bio, a mis un terme à cette mesure et freine désormais les conversions. La partie s'annonce rude pour les nouveaux arrivants sur le marché du bio.

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