Le ras-le-bol généralisé des viticulteurs du Languedoc-Roussillon

Très présents dans les cortèges de manifestants qui bloquent les autoroutes, les viticulteurs du Languedoc-Roussillon expriment un ras-le-bol généralisé, au diapason de la colère qui gronde dans le monde agricole en général depuis le 16 janvier dernier.
Ce 25 janvier 2024, 1.000 manifestants et près de 600 tracteurs selon les organisateurs, ont répondu à l'appel des syndicats et sont venus bloquer les autoroutes A9 et A54, à Nîmes dans le Gard.
Ce 25 janvier 2024, 1.000 manifestants et près de 600 tracteurs selon les organisateurs, ont répondu à l'appel des syndicats et sont venus bloquer les autoroutes A9 et A54, à Nîmes dans le Gard. (Crédits : CDJA 30)

La colère paysanne s'enflamme en Occitanie. Enclenchée le 16 janvier par un blocage des rues à Toulouse, le mouvement se répand dans toute la région et toute la France...

Lundi 22 janvier, c'est au péage sud de l'autoroute A9 à Perpignan que se sont regroupés 150 à 200 agriculteurs et une cinquantaine de tracteurs. Autoroute bloquée, gravats déversés devant la préfecture et la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM)...

Ce jeudi 25 janvier, la mobilisation s'étend à Béziers (Hérault) et Nîmes (Gard). A Béziers, devançant l'appel des syndicats qui mobilisent leurs troupes pour une manifestation le vendredi 26 janvier, des viticulteurs en colère sont passés à l'action, ciblant négoce et grandes surfaces. Du lisier a été déversé dans la cour du négociant Castel Vin, avec mises à feu de palettes. Les manifestants s'en sont pris ensuite aux supermarchés Lidl et Intermarché. A Nîmes, 1.000 manifestants et près de 600 tracteurs selon les organisateurs, ont répondu à l'appel des syndicats et sont venus bloquer les autoroutes A9 et A54. Les manifestants, parmi lesquels les viticulteurs sont légion, expriment un ras-le-bol généralisé.

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« La viticulture est la grande oubliée »

Pierre Hylari, viticulteur à Estagel et président des Jeunes Agriculteurs des Pyrénées-Orientales, ne mâche pas ses mots : « Ça suffit ! Nous ne vivons plus de notre métier et nous sommes constamment pointés du doigt et traités de pollueurs. En Occitanie, le revenu moyen en viticulture est de 600 euros par mois, selon l'étude de CER France. En 1980, mon père vendait 1.000 francs l'hectolitre de vin doux naturel. Aujourd'hui, on nous en propose 160 euros l'hectolitre, c'est-à-dire le même prix, alors que nos charges n'ont cessé d'augmenter. Ce n'est plus tenable. La viticulture est en train de disparaître et c'est tout un pan de l'économie du département, notamment le tourisme, qui est en péril », s'enflamme-t-il.

« La viticulture du département est la grande oubliée, enchaîne David Drilles, président des vignerons du Roussillon, tout aussi remonté. Depuis quatre ans, nous subissons une succession d'aléas climatiques : échaudage, gel, sécheresse, grêle. Nos récoltes fondent et personne ne s'en soucie. On nous laisse mourir à petit feu. Les arboriculteurs et maraîchers ont obtenu une aide de 6 millions d'euros en compensation de la sécheresse de 2023. Nous demandons la même chose. »

Présidente des Jeunes Agriculteurs du Gard, Ludivine Verlaquet, dénonce la pression normative : « Tout le monde a l'air de tomber des nues, mais ça fait des années qu'on alerte sur la crise viticole qui nous étrangle. Nos trésoreries sont à sec. Les prix de nos vins s'effondrent et notre rentabilité avec. On nous colle des normes environnementales qui nous coûtent cher sans qu'on bénéficie de la moindre valorisation en contrepartie. Et nous avons à peine le temps d'intégrer ces contraintes que de nouvelles normes sont édictées. Trop, c'est trop. Nous demandons une pause normative. Nous vivons une crise inédite qui s'installe dans le temps. C'est la sinistrose dans la viticulture de notre département ! ».

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« Depuis 2020, je ne me verse plus de salaire »

Installé en 2010 sur le domaine familial de 27 hectares à Sabran, dans le Gard, Pierre Vidal, 33 ans, illustre bien le désarroi de ces jeunes viticulteurs secoués par cette crise.

« Suite au gel en 2020 et 2021 et à la sécheresse en 2022, j'ai perdu 30% de ma récolte chaque année, raconte-t-il. En 2023, les rendements ont été corrects mais le syndicat des Côtes-du-Rhône a diminué de 10% le rendement autorisé pour rééquilibrer offre et demande. Malgré cela, le cours des vins a chuté de 25 euros/hl. En Côtes-du-Rhône, notre prix de revient, calculé par CER France, est de 147 euros/hl alors qu'on nous en offre 120 euros/hl. Depuis 2020, je ne me verse plus de salaire... La raison voudrait que je vende le domaine mais je m'accroche car je suis la 4e génération aux commandes de ce vignoble. Je n'imagine pas mettre un terme à cette histoire familiale. »

Le jeune vigneron fait le dos rond, négocie avec sa banque le gel de crédit pour cette année, mais sent bien que sa situation n'est pas durable : « Nous les jeunes, nous avons des prêts à rembourser. Nous serons les premiers à disparaître alors que nos aînés, qui approchent de la retraite, se sont délestés de la plupart de crédits et sont donc mieux armés pour surmonter cette crise ».

La balle est dans le camp du gouvernement dont les réponses sont attendues avec fébrilité. « On ne se contentera pas de promesses, cette fois, il nous faut des actes », somme le jeune viticulteur gardois.

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