Les commerçants de Montpellier ne veulent plus de manifestations le samedi en centre-ville

« Ne gâchons pas la fête, laissez-nous travailler ». Le 3 décembre, la CCI de l’Hérault et les associations de commerçants de Montpellier sont venir dire leur désarroi et demander aux manifestants de ne pas manifester dans le centre-ville le samedi pour sauver le mois de décembre. Un cri de colère qui cache chez certains une vraie détresse.
Cécile Chaigneau
Les commerçants du centre-ville de Montpellier demandent aux organisateurs de manifestations de changer l'itinéraire de manière à éviter l'Ecusson le samedi.
Les commerçants du centre-ville de Montpellier demandent aux organisateurs de manifestations de changer l'itinéraire de manière à éviter l'Ecusson le samedi. (Crédits : Cécile Chaigneau)

MAJ du 4 décembre, à 14h15Dans un tweet émis le 4 décembre en fin de matinée, le préfet de l'Hérault annonce l'interdiction, par arrêté, de "toute manifestation samedi 5 décembre à Montpellier, entre 14h et 18h, dans l'hyper centre-ville, l'Esplanade Charles de Gaulle, place de la Comédie".

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Elle est arrivée un peu en retard, et a difficilement retenu ses larmes quand elle a pris la parole. Chantal Bouscary-Rolland est commerçante dans le centre-ville de Montpellier et membre de l'association de commerçants Foch Préfecture. Samedi dernier 28 novembre, comme partout, elle a rouvert son commerce.

« On a dû fermer pendant 3 heures à cause de la manifestation en cours, raconte-t-elle ce 3 décembre, lors d'une conférence de presse organisée par la CCI Hérault et les associations de commerçants du centre-ville de la capitale languedocienne. Il est impératif d'interdire une bonne fois pour toutes les manifestations en centre-ville. Ils ont le droit de manifester mais nous avons celui de travailler et aujourd'hui, ce droit est bafoué. »

Entre 3.800 et 5.000 manifestants le 28 novembre

Samedi 28 novembre en effet, une nouvelle mobilisation contre la loi de Sécurité globale avait réuni entre 3.800 et 5.000 manifestants (1.300 le samedi précédent) dans le centre-ville de Montpellier. Selon France Bleu Hérault, « dans l'ensemble, la manifestation s'est déroulée dans le calme », « les forces de l'ordre [ayant] dû intervenir à deux reprises, en fin de mobilisation, place de la Comédie : un homme, qui avait placé une poubelle sur la voie de tramway, et une femme, qui avait mis le feu à une poubelle avant de la jeter au pied du sapin de Noël, selon la police ».

Après la manifestation, une partie des manifestants est restée pour discuter de la manière de poursuivre la mobilisation tout au long du mois de décembre...

Près de 90 millions d'euros de chiffre d'affaires perdus

Et c'est bien ce qui inquiète les 800 commerçants du centre-ville montpelliérain : une répétition des manifestations qui rendrait le centre-ville moins fréquentable et viendrait fragiliser encore plus les commerces, malmenés depuis de longs mois par des mobilisations diverses et nombreuses (retraites, gilets jaunes).

Car selon André Deljarry, président de la CCI Hérault, les conséquences des différentes manifestations qui ont émaillé 2019 et 2020 sont lourdes pour les commerces : « Le chiffre d'affaires global annuel des commerces du centre-ville de Montpellier est habituellement de 600 millions d'euros, incluant ceux du Polygone. Les manifestations des gilets jaunes ont fait perdre 30 millions d'euros en 2019, les retraites 20 millions d'euros et le premier confinement 40 millions d'euros. Et c'est sans compter l'impact du 2e confinement, qui en cours d'évaluation... Or 30 % du chiffre d'affaires annuel se réalise sur cette période. Novembre a déjà été rayé, ne faisons pas pareil en décembre ».

« Un cri de désespoir »

Le président de la CCI Hérault prend bien garde de dire, à plusieurs reprises, qu'il ne s'agit pas de contester le droit à manifester, mais propose des alternatives aux manifestations en centre-ville.

« L'heure est à la gravité : manifestations sur manifestations, ça devient intenable, et nous craignons une grosse problématique entre manifestants et commerçants, plaide André Deljarry. Les manifestations qui tournent mal dissuadent les consommateurs de venir en centre-ville en famille. Nous sommes à un seuil d'alerte. Malgré la réouverture récente des commerces, l'état d'esprit est loin d'être à la fête. Cet appel à ne pas manifester en centre-ville que lancent les commerçants aujourd'hui est un cri de désespoir... Pourquoi ne pas changer l'itinéraire de la manifestation ? Ou changer de jour ? Mais surtout, laissez nos commerçants travailler durant les quatre samedis qui restent en décembre. D'autant que nous lançons le 4 décembre l'opération City Foliz (opération de relance du commerce héraultais portée par l'ensemble des collectivités du territoire, NDLR) visant à soutenir les commerçants de l'Hérault. »

« Aujourd'hui, il reste des rescapés »

Cendrine Simark, membre de l'association des commerçants de la grand-rue Jean Moulin, est claire : « Depuis deux ans, on n'a plus de samedi ! Aujourd'hui, il reste des rescapés. Si décembre ne se fait pas, ce sera des rideaux baissés en janvier. Ce mois de décembre est notre survie ».

« A chaque fois qu'on rouvre, il y a une manifestation qui donne le "la" le samedi et les gens sont découragés, alors que c'est notre plus grosse journée de la semaine, renchérit Odette Daudé, elle aussi membre de l'association des commerçants de la grand-rue Jean Moulin. Ça fait deux ans que le commerce est impacté. On veut travailler. »

Le président de la CCI assure que les organisateurs des manifestations vont être contactés et que la demande a officiellement été faite au préfet. Contactés par la rédaction de La Tribune, la préfecture confirme en effet que « le préfet a demandé aux organisateurs de changer leur itinéraire et d'éviter l'Écusson, et que cette demande est en cours ». Comprendre dans l'attente d'une réponse. Au moment où nous publions, la rédaction n'avait pas réussi à joindre les organisateurs des prochains rassemblements à Montpellier.

Cécile Chaigneau

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