Autour de Montpellier, Sète ou Uzès, l’immobilier haut de gamme ne connaît pas la crise

La rengaine inquiétante qui raconte un marché de l’immobilier en crise en France ne vaut pas pour tous les segments de marché… Indéniablement, et en dépit du contexte général, le très haut de gamme ne connaît pas la tempête. A la faveur de la ré-installation de la franchise Coldwell Banker à Montpellier, La Tribune fait le point.
Cécile Chaigneau
Sur son portail internet, l’agence Barnes Immobilier affiche l’annonce d’une bastide de 318 m2 dans les environs de Montpellier, au prix de 2,5 millions d’euros.
Sur son portail internet, l’agence Barnes Immobilier affiche l’annonce d’une bastide de 318 m2 dans les environs de Montpellier, au prix de 2,5 millions d’euros. (Crédits : DR)

Evidemment, ce n'est pas la Côte d'Azur. Néanmoins, un marché de l'immobilier de luxe existe bel et bien sur le Languedoc-Roussillon, qui fait volontiers valoir ses 200 kilomètres de littoral du Gard à la frontière espagnole, son arrière-pays préservé, ses villes au riche patrimoine historique, sa culture de la vigne et de l'olivier, ou ses montagnes pyrénéennes à la frontière catalane. Les biens dits « d'exception » y sont des villas contemporaines, des appartements haussmanniens, des hôtels particuliers, des appartements neufs avec roof-top, des châteaux dans l'arrière-pays, ou des mas viticoles. Les principaux opérateurs immobiliers sur ce segment de marché s'accordent à dire « qu'ici, on est sur du luxe moins bling-bling, avec des clients qui recherchent le calme et la discrétion »...

Et si la tempête souffle sur le secteur de l'immobilier en général, l'immobilier haut de gamme semble, quant à lui, épargné et paraît prospérer sous des cieux relativement sereins, porté par des investisseurs fortunés disposant de liquidités importantes.

« Un marché moins saturé »

Trois places en particulier se distinguent sur ce marché en Languedoc-Roussillon : Montpellier (Hérault), le littoral et Uzès (Gard). Quelque sept ou huit agences immobilières se partagent le gâteau. Aux historiques Montpelliérains comme Sotheby's International Realty, Barnes Occitanie et Poncet & Poncet (affilié Christies) vient s'ajouter un nouveau venu : la franchise Coldwell Banker, reprise par deux agents immobiliers montpelliérains Arnaud Blazy et Jérémy Hollingworth. La franchise, qui compte 54 agences en France, avait déjà fait une tentative d'implantation à Montpellier en 2017, qui s'était soldée par un échec.

« L'agent immobilier est sorti de la franchise car il avait du mal à monter une équipe et à se développer commercialement, croit savoir Arnaud Blazy aujourd'hui. Pour notre part, nous démarrons avec quatre personnes, et l'objectif est de monter à huit ou dix. Et nous avons choisi de nous installer à Port Marianne (quartier récent de Montpellier, mixte avec bureaux et logements, NDLR) et non dans l'Ecusson (cœur de ville de Montpellier, NDLR). Nous avons opté pour l'immobilier haut de gamme car c'est un marché de niche moins impacté par la crise actuelle. »

Un marché qui est aussi « moins saturé que le marché immobilier conventionnel à Montpellier qui compte plus de 600 cartes professionnelles », ajoute son associé Jérémy Hollingworth. Le réseau compte un autre franchisé sur le périmètre catalan Perpignan, Canet-en-Roussillon et Collioure. Plus à l'est, l'agence de Saint-Rémy-de-Provence a fermé avant Noël, et le réseau n'en compte aucune sur l'aire toulousaine.

« Assez de business pour tout le monde »

Eric Perenchio travaille depuis cinq ans sous licence « Barnes Propriétés et Châteaux » en Occitanie et dirige depuis deux ans l'agence Barnes Occitanie à Montpellier : « Nous couvrons le Gard, l'Hérault, l'Aude et les Pyrénées-Orientales, avec une équipe d'une dizaine de personnes, et un back-office de trois personnes à Paris ».

Quant au réputé réseau Sotheby's International Realty, il compte environ 800 agences en France et à Monaco, et dispose en Occitanie d'un franchisé à Montpellier depuis douze ans, Bruno Zermati (qui couvre également depuis Uzès dans le Gard), de deux agences Terres d'Oc Immobilier à Perpignan et Narbonne, et d'une agence à Toulouse.

Patrick Poncet, fondateur et dirigeant de l'agence Poncet & Poncet à Montpellier et Uzès (15 collaborateurs dont quatre salariés), lui, brandit son affiliation Christie's International Real Estate comme un argument (ils sont neuf affiliés en France) auprès d'une clientèle très « sélect », ainsi qu'une expérience de 33 années dans la transaction de biens d'exception en Occitanie. En 2024, il devrait ouvrir une agence à Toulouse.

« Il y a assez de business pour tout le monde », assure Eric Perenchio chez Barnes Occitanie, qui aimerait recruter deux agents commerciaux à Béziers et dans l'Aude mais indique avoir du mal à trouver en raison de ses exigences professionnelles mais aussi du peu de volatilité existant d'une agence à l'autre.

Une différence de prix « attractive » avec la Côte d'Azur

Pour l'agence récemment franchisée Coldwell Banker, dont l'activité n'a vraiment démarrée qu'en début d'année, le contexte de crise du marché immobilier est une réalité. Arnaud Blazy observe que « la crise est valable pour tout le monde, même si nos clients ont en général moins de difficultés financières et ne sont pas soumis à l'obtention d'un crédit... Mais nous restons vigilants, car il y a quand même moins de transactions en raison d'une concurrence sur les biens à la vente avec, en face, moins d'acheteurs. Concernant les prix, on arrive sur un phénomène de stabilisation des prix dans la région, avec une baisse de 5 à 8% sur le haut de gamme ».

L'agent immobilier annonce 25 biens en mandats actuellement, dont trois biens « exceptionnels » : « une villa contemporaine de 850 m2 sur les hauteurs du Cap d'Agde, vendue 8,7 millions d'euros, et deux villas l'une à Sète sur le Mont Saint-Clair, de 250 m2 avec vue, à 2,1 millions d'euros, et l'autre à Montferrier, de 330 m2 affichée à 2,49 millions d'euros ». Les autres biens se situent « plutôt entre 1 et 2 millions d'euros ».

L'agent parle d'une clientèle française venant de la région parisienne, lyonnaise ou bordelaise, ainsi que d'une clientèle étrangère surtout européenne.

« La Côte d'Azur est très prisée mais la différence de prix est importante avec Montpellier, qui apparaît ainsi plus attractive, à cheval entre l'Italie et l'Espagne, observe-t-il. On attire de jeunes chefs d'entreprises ou des retraités. »

Arbre blanc : une vente en visio à des Américains

« Notre atout, c'est le pourtour méditerranéen qui attire, mais certains clients préfèrent Uzès au conglomérat de la Côte d'Azur ! », souligne Bruno Zermati, chez Sotheby's International, qui évoque une clientèle nouvelle, celle du monde de l'entreprise, « des startuppers, des capitaines d'industrie avec des budgets de plusieurs millions d'euros, globalement des acheteurs qui ne sont pas du tout soumis à la conjoncture ».

Constatant « des prix qui ne bougent pas », l'agent immobilier raconte avoir récemment vendu « à un milliardaire anglo-saxon le château de la Banquière au prix de 5 millions d'euros, une Folie montpelliéraine qu'il va rénover à coups de plusieurs millions pour en faire un hôtel 5 étoiles ». Ou encore un appartement de 110 m2 dans une résidence grand standing de Montpellier, « vendu 680.000 euros en 24 heures ».

« Le front de mer est toujours hors de prix et on y trouve par exemple une villa 250 m2 à démolir ou à restaurer, vendue 2,5 millions d'euros, ajoute-t-il. A Montpellier, l'Ecusson est toujours très demandé, et on peut y trouver un appartement donnant sur l'esplanade vendu 2 millions d'euros. Un appartement de caractère de 240 m2 à Nîmes s'est vendu 1,2 millions d'euros à des Américains. Et nous venons de vendre un appartement de 109 m2 au 10e étage de l'Arbre blanc au prix de 900.000 euros à des professeurs d'Harvard : l'Arbre blanc est très connu aux Etats-Unis et la vente s'est faite en visio, sans que les acheteurs aient visité le bien... ».

« Un investissement alternatif en temps difficiles »

Bruno Zermati n'est ni inquiet, ni euphorique : « Sur notre marché, c'est difficile de faire du pronostic, mais la demande reste forte ».

Sur l'année 2023, l'ensemble du réseau Sotheby's International France-Monaco a annoncé avoir conclu plus de 800 ventes de prestige, soit une baisse de 17% par rapport à 2022 mais une hausse de 12% du prix moyen (1,87 million d'euros contre 1,67 million d'euros en 2022). Avec un volume total de ventes de quelque 1,5 milliard d'euros, le bilan s'inscrit en baisse de 7% par rapport à 2022 mais en hausse de 2% par rapport à 2021.

« Ces chiffres sont révélateurs de la tendance observée depuis début 2023 : la qualité se vend encore, le très haut de gamme a le vent en poupe, déclarait à la presse Alexander Kraft, P-dg de Sotheby's International Realty France-Monaco, fin janvier dernier. Ces bons résultats au vu de la conjoncture actuelle, immobilière et plus générale, démontrent que le marché de l'immobilier de prestige reste une valeur refuge et un investissement alternatif en temps difficiles. »

« La clientèle de la Côte d'Azur reste sur la Côte d'Azur »

Chez Poncet & Poncet, Patrick Poncet affirme lui aussi ne pas être affecté par la crise : « Nous avons fait une belle année 2023 et nous continuons à très bien travailler. La clientèle pour la résidence secondaire n'est pas touchée. Côté prix, je ne parlerais pas de baisse, plutôt de réajustement ». Une clientèle qui se compose « pour 25% de Français, et plus de la moitié des étrangers mais pas de Russes, quelques Américains, et 25% d'Européens de Suisse, Belgique, Norvège, Suède et Grande-Bretagne ». L'agent immobilier indique avoir ainsi récemment vendu, en un mois et demi, le Château du Baron de Castille à Uzès pour un prix... non communiqué.

« La clientèle de la Côte d'Azur reste sur la Côte d'Azur, et ceux qui viennent ici ont moins de moyens, concède Eric Penrenchio chez Barnes Occitanie, indiquant que dans la région, les maisons commencent à 500.000 euros et peuvent monter à 3 millions d'euros. La clientèle parisienne cherche des biens en bord de mer, comme à Sète par exemple. Nous avons une clientèle régionale mais aussi allemande ou suisse qui cherche des domaines viticoles. Et des Français, des Hollandais et des Belges qui cherchent des biens à la campagne pour y faire des chambres d'hôtes. Quant aux rares Anglais et Américains, ils cherchent plutôt des résidences secondaires de campagne ou dans petits villages. »

« Certains vendeurs ne sont pas réalistes »

Récemment, Barnes Occitanie a vendu au prix de 980.000 euros un hôtel particulier style Art déco à Béziers, un petit château en cœur de village dans l'arrière-pays biterrois au prix de 1,4 million d'euros, une maison moderne à Agde au prix de 1,4 million d'euros, un domaine viticole près de Pézenas à 5,7 million d'euros, ou encore « un hôtel-restaurant près d'Uzès, mais qui pourrait redevenir une maison familiale, à 3,8 million d'euros ».

Pour autant, Eric Penrenchio estime, comme les franchisés Coldwell Banker, que son agence « n'est pas à part » dans le contexte de crise : « Nous avons démarré notre activité au début de la crise, donc nous sommes optimistes, nous savons qu'il y a un marché dans la région. Toutes les belles enseignes y sont, ce n'est pas pour rien... C'est un mauvais moment à passer ! Les crises sont cycliques et nous pensons qu'il va y avoir peut-être encore un an difficile. Le marché est très attractif et n'a fait que monter depuis dix ans, les prix de transactions ont peu baissé et même si une baisse significative est attendue dans l'année, de l'ordre de 10%, on reste sur des niveaux de marché très élevés et favorables aux vendeurs... Mais on observe une baisse du nombre de ventes car certains vendeurs ne sont pas réalistes sur les prix demandés ! On sort d'années plutôt euphoriques, avec des hausses de prix significatives dans la région et les vendeurs ne réalisent pas qu'il faut baisser. Mais il est vrai que pour ce segment de marché, la question des taux d'intérêt n'est pas un sujet ! ».

Cécile Chaigneau

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