BedyCasa rachetée par le Montpelliérain LSF

Magali Boisseau-Becerril, l’emblématique fondatrice et dirigeante de l’entreprise montpelliéraine BedyCasa, concurrente frontale de AirBnB, a créé la surprise le 30 novembre : alors qu’elle avait réuni plus de 150 personnes pour célébrer les 10 ans de l’entreprise, elle a annoncé que Bedycasa venait d’être rachetée.
Cécile Chaigneau
Magali Boisseau-Becerril, fondatrice de Bedycasa, et Marc Lavigne Delville, dirigeant de LSF à Montpellier et repreneur de Bedycasa.

Magali Boisseau-Becerril lâche dans un soupir : « J'ai l'impression d'être en apnée depuis trois ans ! ».

Le 30 novembre, alors qu'elle avait réuni quelque 160 personnes au Marché du Lez à Montpellier pour célébrer les 10 ans de son entreprise BedyCasa, la jeune femme, lâche une nouvelle qui crée une immense surprise : BedyCasa a été rachetée à la barre du tribunal de commerce le 10 novembre dernier.

Rien n'avait filtré de l'ampleur des difficultés auxquelles la fondatrice de l'entreprise, spécialisée dans la location d'hébergement chez l'habitant, dit avoir été confrontée. Elle résume les trois dernières années, passées à sauver ce qui pouvait l'être et à chercher un repreneur, par une « traversée de l'enfer ».

Que s'est-il passé pour que, malgré des apparences sauvegardées, l'entreprise finisse à la barre du tribunal ?

Plus que 3 salariés

Ce n'est pas tant le modèle économique initial qui est remis en cause que des divergences importantes au sein de l'actionnariat.

« En 2014, nous avons signé avec un fonds d'investissement parisien qui n'a pas réinvesti comme prévu, explique Magali Boisseau-Becerril. Il s'agissait d'un accord oral pour 2 M€ et il a investi 1 M€... Mais entre temps, j'avais engagé du personnel et des dépenses publicitaires, qui ont d'ailleurs porté leurs fruits. »

Les relations avec cet actionnaire, dont elle préfère taire le nom, se dégradent rapidement. S'en suivent une vingtaine de départs de salariés en quinze mois, quelques ruptures conventionnelles mais surtout des licenciements économiques. La dirigeante parle de « quelque chose de violent »... En octobre 2015, ils ne sont plus que trois à travailler chez Bedycasa.

« Comme par ailleurs, l'entreprise était en forte croissance, il était impossible de satisfaire la demande. À partir de 2016, j'ai commencé à reconstituer l'équipe et je suis repartie sur la segmentation voyage avec le seul développeur qui restait pour développer un logiciel B2B. Mais comme je n'avais pas les ressources en personnel, je m'épuisais à tout faire ! J'éteignais des feux tout le temps. Et je devais en même temps chercher des repreneurs. J'ai vu 23 industriels, ainsi que des fonds d'investissement. J'ai fait une levée de fonds de 300 000 € en crowdfunding, que j'ai préféré rembourser car ça ne résolvait pas mon problème principal d'être toujours avec ce même actionnaire. »

11 offres au tribunal de commerce

Le tour-opérateur Verdier Voyages approche alors l'entreprise montpelliéraine. Un « deal » est proche d'être conclu mais finalement n'aboutit pas.

« L'entreprise a été placée en redressement judiciaire le 21 août 2017, déclare Magali Boisseau-Becerril. Il y a eu 11 offres déposées au tribunal de commerce, dont une de Verdier Voyages, et une dernière un mois avant la clôture de cession. C'était celle de Langue Sans Frontières et c'était la bonne ! »

Créée à Montpellier en 1996, l'entreprise Langue Sans Frontières (LSF) est dirigée depuis 2016 par Marc Lavigne Delville (ancien fondateur et dirigeant de Adthink Media, à Lyon). École de « français langue étrangère », elle propose l'apprentissage du français à des étrangers qui en ont besoin pour leurs études, dans un cadre professionnel ou simplement pour le plaisir (2 500 apprenants dans 80 pays).

« Nous proposons une prestation complète qui inclut l'accueil à l'aéroport, le placement chez des hébergeurs, des cours et des activités diverses, précise Marc Lavigne Delville. J'envisage de développer LSF ailleurs en France ou à l'étranger, comme au Canada ou aux États-Unis. Mon autre axe possible de développement était d'aller vers l'intermédiation pour mettre en relation les hébergeurs et les apprenants. Le rapprochement avec BedyCasa prenait alors tout son sens. »

Pas sans elle

Depuis le 10 novembre, LSF est donc l'actionnaire majoritaire de la nouvelle société Bed & Learn, aux côtés entre autres de deux business angels, dont Yves Peïs, actionnaire des débuts de BedyCasa (et primo-actionnaire de Price Minister) qui a souhaité revenir au capital.

Magali Boisseau-Becerril, quant à elle, a obtenu du tribunal de pouvoir reprendre 10 % des parts de sa société. Elle s'occupera des volets opérationnel, communication digitale, business développement et projets web, tandis que Marc Lavigne Delville prendra en charge la gestion et les finances.

« Je n'envisageai pas l'aventure sans elle », ajoute ce dernier.

Bed & Learn exploitera les deux marques BedyCasa et BedyLingua. La fondatrice de BedyCasa détaille le projet : « Nous allons continuer l'activité mais plus largement, et développer l'économie collaborative adossée à l'apprentissage linguistique. L'idée, c'est de mettre en relation voyageurs et hébergeurs sur une plate-forme d'intermédiation. BedyLingua existe déjà, c'est le projet que je voulais développer avec l'opération de crowdfunding, et qui finalement n'avait pas abouti... »

« L'apprenant doit devenir l'acteur de son séjour et notamment choisir son hébergeur, ajoute Marc Lavigne Delville. Nous mettons aussi en relation apprenants et écoles, professeurs de langue et apprenants qui  ne sont pas forcément mobiles. Nous allons donner des outils de personnalisation des séjours. »

Montpellier, Madrid et Dublin

Le projet démarre dès maintenant, avec le lancement d'une version-pilote sur Montpellier, Madrid et Dublin, dont le modèle économique reposera également sur le principe du commissionnement.

« Nous allons construire brique par brique, indique Marc Lavigne Delville. Nous ne sommes pas inquiets car nous connaissons bien le marché et les besoins. Les écoles de langues ont des problématiques sur l'hébergement des apprenants. Or c'est un métier à part entière. Par ailleurs, Bedylingua sera apporteur d'affaires pour les écoles certifiées. »

Chacune des deux entreprises restent dans ses locaux. LSF (1,25 M€ de CA en 2015-2016, 1,8 M€ en 2016-2017) emploie 15 personnes et jusqu'à 40 professeurs vacataires en période de forte activité. Bed & Learn emploie désormais 8 personnes, et des passerelles seront établies entre les deux sociétés pour trois salariés de LSF.

Magali Boisseau-Becerril sort du tunnel. Elle témoigne avoir toutefois reçu beaucoup de soutien dans les temps les plus difficiles.

« J'écrirai un livre sur cette histoire, plutôt pour la fin 2018, pour raconter et partager tout ça. »

Cécile Chaigneau

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