En Occitanie, le tourisme fluvial s’organise pour ne pas naviguer à vue

Les Assises du tourisme fluvial en Occitanie ont réuni, en format digital, plus d’une centaine de professionnels pour aborder les perspectives du tourisme de demain et en particulier la question de la mutation de l’offre. Car il s’agit maintenant de trouver des nouvelles pistes de relance après une saison fluviale chahutée par la crise sanitaire.
La région Occitanie compte 900 km navigables et flottables, répartis sur 21 voies (10 canaux, 3 rivières, 6 fleuves et 2 branches secondaires) traversant 9 départements.
La région Occitanie compte 900 km navigables et flottables, répartis sur 21 voies (10 canaux, 3 rivières, 6 fleuves et 2 branches secondaires) traversant 9 départements. (Crédits : CRTL Occitanie)

La 4e édition des Assises du tourisme fluvial en Occitanie devait se tenir le 17 novembre dans la cité portuaire gardoise de Saint-Gilles, en bordure du Canal du Rhône à Sète. Mais crise sanitaire oblige, c'est en format digital que cette journée d'échanges a réuni, autour d'une centaine de professionnels du tourisme fluvial, les représentants du Comité régional du tourisme et des loisirs (CRTL) Occitanie, de l'Union des villes portuaires d'Occitanie, des voies navigables de France (VNF) et de la préfecture de région.

Les objectifs de cette nouvelle édition étaient clairement affichés, comme l'a souligné Philippe Berto, directeur général délégué au CRTL : « Ces Assises visent à soutenir la reprise de l'activité des entreprises de la filière, à mettre en réseau les professionnels des 21 voies navigables de l'Occitanie avec les prestataires et entreprises des territoires versants, et à accompagner les destinations afin de répondre aux nouvelles attentes des clientèles ».

Un tourisme fluvial amputé de sa clientèle étrangère

Avec près de 900 km de voies navigables et flottables, réparties sur 21 voies (10 canaux, 3 rivières, 6 fleuves et 2 branches secondaires) et traversant 9 départements (Aude, Aveyron, Gard, Haute-Garonne, Gers, Hérault, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne), le tourisme fluvial représente, en Occitanie, un enjeu majeur pour les trois segments de la navigation : bateaux promenade, bateaux de location et péniches-hôtels.

En 2019, les retombées économiques de la plaisance fluviale sur le réseau géré par VNF en Occitanie s'élevaient à plus de 50 M€.

Mais depuis, la filière, particulièrement tributaire de la clientèle étrangère (57 % des locations de bateaux sans permis et 75 % de la clientèle des bateaux promenade) subit de plein fouet les effets de la crise sanitaire. D'après VNF, seulement 5 % d'étrangers ont navigué cette année sur le canal latéral à la Garonne, et 20 % sur le Canal du Midi. Du jamais vu.

« Le trafic fluvial a souffert mais il a résisté, tempère Henri Bouysses, directeur territorial de VNF Sud-Ouest. Nous avons enregistré 30 000 passages de bateaux aux écluses sur l'ensemble du Canal des Deux Mers : c'est 50 % de moins qu'une année normale. Cependant, sur les mois de juillet, août et septembre, nous sommes revenus à un trafic de l'ordre de 70 % grâce à la clientèle nationale, voire régionale. »

Les dernières enquêtes du CRTL vont dans le même sens, faisant état d'une saison estivale difficile certes, mais dans l'ensemble plutôt satisfaisante au regard de la situation et malgré ce décrochage de la clientèle étrangère.

Succès de la carte Occ'Ygène

Face à ce contexte inédit, la Région et le CRTL ont déployé un plan de relance de 3 M€, avec 25 mesures-phares, dont la carte dématérialisée Occ'Ygène qui a permis d'encourager les jeunes et les familles à revenus modestes de consommer du loisir.

Au total, 35 000 cartes ont été distribuées, générant 1 M€ de chiffre d'affaires chez quelque 300 prestataires.

« Alors que nous avons souffert de l'absence de la clientèle de groupe, la mise en place de cette carte a été un beau succès puisque 80 familles l'ont utilisée chez nous », précise Meddahi Khadija, dirigeante de la société Les bateaux du Soleil à Agde.

Le dispositif Occ'Ygène devrait prochainement être étendu aux seniors ainsi qu'aux touristes individuels.

« Cet outil, qui connaît un succès certain, doit être intégré à de nouveaux prestataires, affirme Philippe Berto. Nous sommes en négociation avec des comités d'entreprises et des mutuelles pour les encourager à monétiser cette carte qui encourage la pratique de loisirs bénéfiques à la santé. »

300 000 € de soutien sur le domaine public fluvial

Président de l'union des villes portuaires d'Occitanie, Serge Pallarès a annoncé officiellement la création d'une commission fluviale visant à impulser une dynamique forte au-delà des frontières régionales.

« Le but de cette commission est de proposer des actions concrètes pour que la destination Occitanie soit un territoire d'avenir pour l'ensemble des structures économiques, précise-t-il. Le Canal du Rhône à Sète et le Canal du Midi doivent apporter une vraie valeur ajoutée à la région. Je me réjouis de la présence aujourd'hui de l'ensemble des ports maritimes qui vont aider à apporter des solutions. »

De son côté, le directeur territorial de VNF Sud-Ouest a rappelé les deux mesures de soutien mises en œuvre sur le domaine public fluvial : le péage de navigation forfaitaire à la journée et l'annulation (pendant trois mois) de la redevance domaniale, ainsi qu'une remise de 50 % sur la part fixe de cette redevance pour les 3e et 4e trimestre 2020.

« Quelque 140 professionnels ont pu bénéficier de ce soutien pour un montant financier de 300 000 €, affirme Henri Bouysses. Un nouveau conseil d'administration se tiendra en décembre et sera amené à réexaminer la situation économique dans son ensemble. »

Slow tourisme

« La crise agit comme un accélérateur des tendances de fond : celui d'un nouveau tourisme qui se dessine et va générer des réflexions autour de la mutation de l'offre, analyse Philippe Berto. Je pense par exemple à la nécessité de travailler la sécurisation et la digitalisation du parcours client. Mais aussi à l'émergence d'une sensibilité écologique. Ce contexte amène à réfléchir à un nouveau tourisme plus respectueux, plus durable. C'est une vraie opportunité pour les professionnels du tourisme fluvial. »

Un constat que partage Alfred Carignant, directeur des Canalous (chantier naval, agence de voyage, location de bateaux, maintenance), qui gère une flotte de 300 bateaux habitables. Face à la conjoncture, il a destructuré son produit pour cibler la clientèle de proximité, en développant la location de bateaux à la journée.

« L'investissement, accessible, peut être complémentaire avec une autre activité, déclare-t-il. En opposition au tourisme de masse, la location de bateaux est la plus adaptée pour la distanciation sociale et représente une valeur forte du "slow tourisme". Elle rime avec nature, convivialité, dépaysement. »

Ça tient, mais pour combien de temps ?

En vallée du Lot, Sylvain Ginier, président de l'association pour la voie verte, estime ses pertes d'activités entre 20 à 60 %. Directeur de Quercy Découvertes, il a fait le choix de mettre à l'arrêt l'un de ses deux bateaux. Mais il a pu réorienter la clientèle sur des départs tout au long de la journée.

« Au final, la chute de mon chiffre d'affaires - 280 000 € au lieu de 850 000 € - a été amortie par une marge beaucoup plus importante. Nous avons tenu grâce à la polyvalence de mes salariés et aux aides de l'État, notamment le dispositif du chômage partiel. Mais mon inquiétude porte sur l'an prochain. Le dispositif sera-t-il maintenu ? Car pour l'heure, nous n'avons aucune demande de réservation de groupes. Or ce tourisme sera l'un des enjeux du futur. »

Mise en place de séjours hors saison, réorientation de l'offre vers des agences de tourisme français, communication autour des loisirs, mise en œuvre d'un contrat Occitanie ciblant la clientèle internationale, partenariat avec les régions Nouvelle Aquitaine et PACA... Les pistes évoquées lors de ces Assises ont été nombreuses. Elles sont autant d'opportunités à saisir pour que le tourisme fluvial devienne le fer de lance de cette mutation.

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Commentaire 1
à écrit le 20/11/2020 à 9:00
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Le confinement pousse les gens à aller vers plus de nature, je pense donc que c'est une activité touristique qui n'est pas menacée mais il est toujours bon de revoir ses bases et de se remettre en question.

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