En Occitanie, un tourisme social et solidaire dynamique mais des publics cibles encore trop peu informés

En Occitanie, il représente 200 établissements dont 52% de villages-vacances, 35.000 lits et 600.000 vacanciers accueillis chaque année. Le tourisme social et solidaire se fraie un chemin dans ce secteur très concurrentiel, pour permettre au plus grand nombre de partir en vacances. L’Occitanie revendique une vraie dynamique sur ce segment. En cette fin d’été et dans un contexte de pouvoir d’achat en berne, le bilan est mitigé : une fréquentation des établissements préservée mais un panier de dépenses qui se réduit. Au regard du nombre de familles qui ne peuvent pas partir en vacances faute de moyens, les opérateurs du secteur soulignent la complexité d’un système encore trop méconnu des publics concernés.
Cécile Chaigneau
Le village-vacances de Saint-Lary-Soulan, dans le Hautes-Pyrénées.
Le village-vacances de Saint-Lary-Soulan, dans le Hautes-Pyrénées. (Crédits : DR)

« 40% des Français ne partent pas en vacances, et ce taux de non-départs ne varie pas, se désole Jean Pinard, le directeur du Comité régional du tourisme et des loisirs (CRTL) Occitanie. Ce taux est aussi très bas au Portugal, contrairement à l'Europe du Nord où plus de 70% des gens partent, 80% en Scandinavie. »

Dans un contexte d'érosion du pouvoir d'achat, la question du départ (ou plutôt du non-départ) en vacances révèle de manière édifiante les inégalités qui persistent sur le sujet en France. Selon les sondages IFOP pour Paris Première et CSA pour Cofidis, publiés en juin, entre 35 % et 40 % des Français ne prévoyaient en effet pas de partir cet été. Et selon l'enquête de l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT), Alliance France Tourisme et la Fondation Jean-Jaurès, 60% déclarent avoir renoncé à partir en vacances lors des cinq dernières années, en majorité pour des raisons financières (voir encadré).

C'est notamment pour les personnes qui n'ont pas les moyens (et parfois pas la culture) de partir en vacances que s'est tissé un réseau de structures d'accueil d'un tourisme d'un autre genre (sous statut associatif, coopératif ou de SAS le plus souvent) et souvent méconnu : un tourisme social et solidaire. Elles s'appellent UCPA, VVF, Villages club du Soleil, Miléade, Cap France, Eternelia ou l'association nationale de jeunesse et d'éducation populaire UFCV...

« Ce n'est pas un tourisme des pauvres ! »

« C'est une filière du tourisme à gestion désintéressée, c'est à dire à but non lucratif, insiste Georges Glandières, vice-président de l'UNAT Occitanie. Le tourisme social et solidaire n'est pas un tourisme des pauvres ! L'objectif est de faire en sorte qu'il y ait le plus grand nombre de personnes qui partent en vacances. Ces établissements ne reçoivent pas de subventions de fonctionnement mais peuvent percevoir des aides à l'investissement. Et il n'y a pas de recherche d'excédents pour rémunérer des actionnaires, l'objectif est d'arriver à l'équilibre et s'il y a excédent, il est réinvesti dans l'outil de travail. »

L'UNAT regroupe des opérateurs et organisateurs de séjours et des établissements tels que des centres de vacances (pour les enfants), des villages-vacances (pour des familles mais aussi des groupes scolaires, sportifs, séniors ou séminaires d'entreprises), des refuges, des auberges de jeunesse et quelques campings.

« Ce qui distingue les acteurs du tourisme social et solidaire, c'est qu'ils mettent en place des politiques tarifaires qui proposent des tarifs différenciés en fonction des revenus des familles, et le complément est pris en charge par les aides de la CAF et des collectivités, rappelle Laurent Orlay, délégué régional UNAT Occitanie. En Occitanie, cela représente 200 établissements dont 52% de villages-vacances, 35.000 lits et 600.000 vacanciers accueillis chaque année. Parmi les acteurs régionaux, on compte par exemple Vacances Evasion, Altia ou le Club Aladin en Aveyron... Ils sont répartis un peu partout dans les départements, à l'exception du Tarn-et-Garonne, y compris dans les métropoles de Montpellier et Toulouse, avec quand même trois départements en pole-position : les Pyrénées-Orientales, les Hautes-Pyrénées et l'Aveyron. »

Des vacances pour 2.000 enfants

Les structures du tourisme social et solidaire se sont développées juste après le Front Populaire et l'envie de vacances, notamment de vacances au soleil. Le grand sud de la France, de la Nouvelle-Aquitaine à la région PACA en passant par l'Occitanie, concentre la grosse majorité du parc national de tourisme social et solidaire, comme le rappelle Laurent Orlay : « L'ex-Région Midi-Pyrénées a beaucoup œuvré dans le tourisme social et solidaire et sa politique sociale a fait qu'il a réussi à se développer davantage. Quand les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ont fusionné, ça a créé un appel d'air vers la Méditerranée et a gonflé les rangs de l'UNAT. Depuis nous avons en moyenne entre cinq et huit nouvelles demandes d'adhésions par an ».

« La filière est un élément de l'économie sociale et solidaire et au sein de l'UNAT, l'Occitanie est l'une des régions les plus dynamiques, ajoute Georges Glandières. En raison de ce dynamisme des opérateurs, la filière s'est organisée et propose des actions à ses adhérents. Notamment, l'UNAT Occitanie porte une opération emblématique baptisée "Premier départ en vacances" et qui permet, depuis 1996, de faire partir chaque année 2.000 enfants de familles fragilisées en colonies de vacances. Nous sommes la seule région en France à le faire, avec des partenaires comme la Région Occitanie, les CAF et les Mutualités sociales agricoles. Et les opérateurs qui consentent un tarif particulier, le reste à charge étant de 70 euros pour les familles, quelle que soit le séjour et la durée, en général onze à douze jours. »

« Les gens sont venus moins longtemps »

Selon une note de conjoncture provisoire sur l'été 2023, Laurent Orlay note que « même si la fréquentation a été identique à l'an passé, la durée moyenne des séjour a diminué, et même si les tarifs n'ont augmenté que de 4 à 5% au lieu des 8 à 10% auxquels on aurait pu les voir monter, le chiffre d'affaires a reculé, car les gens sont venus mais moins longtemps ». Ce qui apparaît surtout, c'est que ce sont les consommations annexes (bars, restaurants, activités) qui ont fait les frais de l'inflation et de la baisse du pouvoir d'achat.

« Les centres de vacances sont légèrement à la traîne, ce qui s'explique par les budgets des comités d'entreprises (des grands groupes comme Airbus, Orange, etc., NDLR) qui sont verrouillés, ajoute Georges Glandières. L'arrière-saison devrait faire mieux que l'été. Un bon tiers de nos adhérents s'attendent à une activité supérieure à l'an dernier. »

Actuellement, l'UNAT agit, avec la Région Occitanie et le CRTL Occitanie, pour la promotion des classes découverte, comme l'explique Laurent Orlay : « Ça représente une activité non négligeable pour élargir les ailes de saison des structures d'accueil mais on s'est aperçu que, pour des raisons réglementaires essentiellement, de moins en moins de groupes scolaires partent. L'objectif est donc de revaloriser ces classes et de faciliter les démarches des enseignants pour leur permettre de partir davantage ».

Le Fonds Occ'ygène, fonds en mécénat régional créé par la Région Occitanie et destiné à soutenir des projets d'intérêt général pour le tourisme et les loisirs sur le périmètre régional, « réservera 300.000 euros par an pour l'accompagnement de projets portés par des structures comme le Secours Populaire, ATD Quart Monde, un CCAS ou une MJC dont le public est concerné par les aides », indique Jean Pinard au CRTL Occitanie.

« Une assignation à résidence »

Mais au-delà des problématiques de pouvoir d'achat des familles, subsistent des problèmes plus structurels qui empêchent le tourisme social et solidaire de profiter au plus grand nombre : la structuration des aides et l'information des publics concernés.

« Heureusement, certains dispositifs d'aides sociales fonctionnent mais pour les plus précaires qui n'y recourent pas, c'est une assignation à résidence et une inégalité flagrante, analyse Jean Pinard. Il existe beaucoup d'aides et donc beaucoup d'intervenants comme les CAF, les CCAS, mais aussi les comités d'entreprises ou l'ANCV (Agence nationale pour les chèques-vacances, NDLR), mais il y a un réel manque de concertation entre eux. Par ailleurs, il faut repenser l'information et l'accompagnement des personnes qui n'ont pas la culture des vacances, et c'est sûrement là le plus important. Dans la dernière enquête de la Fondation Jean Jaurès, même si la première raison des non-départs est financière, on voit que ¼ des Français concernés par les aides de la CAF ne les utilisent pas. »

Ainsi, la Région Occitanie finance-t-elle également le dispositif "Sac à dos" pour accompagner de jeunes majeurs à partir en vacances en leur donnant une bourse, « mais il faut aussi leur donner un maximum d'informations », pointe Jean Pinard.

« Le point majeur du tourisme social, c'est l'accompagnement, notamment parce qu'on connaît très bien les mécanismes du système de reproduction sociale : quand on n'est pas parti en vacances enfant, on ne part pas adulte, souligne-t-il. C'est pourquoi nous devons être davantage dans l'information que la communication : par exemple, le billet de train à 1 euro ou les billets gratuits pour les jeunes est un avantage pour les familles, c'est même le point de départ des vacances, mais il faut accompagner ceux qui ne prennent jamais le train, leur suggérer des sorties et leur donner les informations pratiques pour qu'elles osent. »

Ardent défenseur du tourisme social et solidaire comme du tourisme de proximité, Jean Pinard martèle aussi un autre argument : « On a tort de penser que la croissance du secteur du tourisme ne viendra que des gens qui viennent de loin ».

Non-départs en vacances : une enquête édifiante

Le deuxième volet d'une enquête menée par l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT), Alliance France Tourisme et la Fondation Jean-Jaurès a livré ses résultats en juillet dernier, décryptant les déterminants du comportement des Français dans une période de grandes difficultés économiques. Et les Français sont loin d'être égaux devant ce sujet. Quelques chiffres révélés par l'enquête :

  • 60% d'entre eux déclarent avoir renoncé à partir en vacances lors des cinq dernières années et 36% déclarent que cela leur est arrivé « souvent » de renoncer.
  • 52% des Français ayant des enfants de moins de 18 ans déclarent avoir déjà renoncé à faire partir leurs enfants en vacances d'été pour des raisons financières. 70% des Français vivant dans le Nord-Est n'ont pas pu faire partir leurs enfants contre 35% des Français habitant l'Île-de-France.
  • 67% des employés et 76% des ouvriers ont déjà renoncé à partir en vacances pour des raisons financières, contre 45% des cadres.
  • Les dispositifs institutionnels d'aide financière au départ en vacances sont assez peu utilisés : 26% des Français disent avoir déjà utilisé les chèques-vacances, 10% disent avoir déjà reçu des aides des comités d'entreprise et 3% des aides de la Caisse d'allocations familiales (CAF). Le faible recours à ces aides est en premier lieu un déficit de notoriété de certains dispositifs. Seuls 49% disent avoir entendu parler des aides proposées par les associations et 29% des aides des Régions et des Départements. Le non-recours aux dispositifs d'aide aux vacances est un enjeu central de politique publique : seulement 25% des personnes dont le revenu par personne du foyer est inférieur à 900 euros ont déjà eu recours aux aides des caisses d'allocations familiales, alors qu'elles y sont évidemment éligibles.

Cécile Chaigneau

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