Cyberguerre : « Le risque fait fondre la frontière entre civil et militaire car on peut tous être concernés » (Clément Saad, Pradeo)

INTERVIEW - La cybersécurité était un sujet. La cyberguerre le devient. Dans le contexte géopolitique tendu à l’extrême autour de la guerre en Ukraine, le risque grandit, notamment dans le monde économique, cible de choix possible d’une agression numérique russe. Trois questions à Clément Saad, CEO de Pradeo (experte en cybersécurité, spécialisée dans la sécurité des applications et terminaux mobiles) à Montpellier, et président de la French Tech Méditerranée.
Cécile Chaigneau
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Qu'observe-t-on sur le front des cyberattaques depuis le début de la guerre en Ukraine ?

Clément SAAD, CEO de Pradeo (experte en cybersécurité, spécialisée dans la sécurité des applications et terminaux mobiles) - Pour le moment l'ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, NDLR) a déclaré un niveau d'alerte très élevé et nous demande de relever le niveau de sécurité... Mais il faut souligner que la première offensive de Poutine, avant même les opérations militaires, a été une offensive cyber : la veille, il a lancé des cyberattaques pour paralyser les communications d'un certain nombre de structures ukrainiennes. Ce n'est pas neutre, ça montre qu'aujourd'hui, l'arme numérique fait partie des composantes de la guerre. Quand Poutine attaque militairement parlant, ça se voit et on sait que c'est lui, mais quand il s'agit d'une cyberattaque, les auteurs peuvent se cacher, et on n'est jamais sûr de la provenance de l'attaque, c'est plus facile à masquer. C'est majeur car cela fait fondre la frontière entre civil et militaire : on peut tous être concernés. Tous nos terminaux, nos outils numériques, nos smartphones sont connectés donc une sécurité garantie à 100% est impossible. Il faut aujourd'hui que la prise de conscience du risque cyber se fassent aussi chez les particuliers, sinon il y aura toujours des trous dans la raquette. Le milliard d'euros débloqué par Emmanuel Macron l'an dernier (un plan dédié à la cybersécurité, annoncé en février 2021, NDLR) est une bonne chose mais il faut aujourd'hui que la culture cyber rentre chez tout le monde. Et il faut combattre le sentiment "moi, ça ne me concerne pas"...

La riposte européenne à l'agression militaire russe en Ukraine se traduit par des mesures de rétorsions essentiellement financières et économiques à l'encontre de la Russie. En cas de cyberguerre, le monde économique est une cible de choix. L'Europe est-elle prête à faire face à une cyberguerre ?

La France est plutôt bien préparée, comparé à il y a dix ans, l'Allemagne aussi. En France, il y a de la compétence. Les efforts sont-ils suffisants ? Probablement jamais assez... Il est évidemment impossible de dire qu'on ne risque rien. Même si les leviers ne seront pas que cyber, on peut s'attendre à des cyberattaques qui visent certains secteurs en particulier comme les acteurs bancaires, l'assurance, le secteur public. Donc oui, on perçoit une inquiétude réelle du monde économique. La crise sanitaire avait déjà déclenché des actions de digitalisation, et aujourd'hui, on voit que la guerre augmente d'un cran les besoins de sécurisation digitale. Les outils de base sont ceux pour la détection de malwares et la protection des communications, que ce soit pour la navigation internet, l'envoi de SMS ou de mails. Sans surprise, les grosses entreprises sont préparées, les petites moins...

On ne se protège bien que contre une menace qu'on connaît déjà. Alors comment faire face à un cyber-risque dont on ignore quelle forme il prendra ?

Dans notre métier, on s'attend toujours à quelque chose d'inconnu, on est obligé de réfléchir comment les cyber-pirates pourraient s'y prendre. Je compare souvent ça au dopage dans le sport : celui qui veut tricher a toujours un temps d'avance. Il faut être capable de ne plus être en mode réactif mais de basculer nos solutions en mode proactif en repérant des signaux. C'est un gros challenge technique.

Cécile Chaigneau

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Commentaires 2
à écrit le 08/07/2022 à 12:34
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de nos jours il est primordiale de sécuriser tous ces équipements et de se sensibiliser régulièrement voir mon site en tapant mon nom et prénom

à écrit le 18/03/2022 à 17:22
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En effet mais au moins pas de morts civils ni même militaire dans les cyber guerre, j'espérais d'ailleurs que dorénavant les guerres se cantonnent à ce terrain là mais hélas ce n'est pas le cas.

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