« Dans l'IA en santé, les modèles d'affaires ne sont pas encore complètement aboutis » (Franck Mouthon, France Biotech)

INTERVIEW - Le président de France Biotech, à la tête d'une association composée de plus de 600 entreprises adhérentes à travers la France, était invité, le 6 septembre, dans le cadre d'une conférence de la MedVallée à Montpellier. Il évoque le modèle encore balbutiant de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé.
Franck Mouthon, président de France Biotech.
Franck Mouthon, président de France Biotech. (Crédits : DR)

Tous les quatre mois, la Banque Populaire du Sud réunit les Entrepreneurs de la MedVallée. Initié et porté par la Métropole de Montpellier, le projet MedVallée fédère entreprises, écoles, universités et laboratoires dans un pôle d'excellence en santé globale autour de trois piliers : santé, environnement et alimentation. Le premier Club des entrepreneurs avait évoqué la santé des dirigeants, le 2e l'international, et le 3e, le 6 septembre dernier, se concentrait sur l'intelligence artificielle (IA) dans le milieu de la santé. Parmi les invités, Franck Mouthon, président de France Biotech, qui rassemble les entrepreneurs français de l'innovation dans la santé (plus de 600 adhérents).

LA TRIBUNE - Comment le tissu des biotechs s'approprie-t-il l'outil intelligence artificielle ?

Franck MOUTHON, président de France Biotech - Il y a un foisonnement d'outils IA plus ou moins sophistiqués utilisés par nos entreprises, qui vont de l'utilisation des statistiques pour faire tourner les algorithmes au deep-learning, en passant par les logiciels auto-apprenants. Il y a une utilisation extrêmement large. On parle d'outils d'optimisation de diagnostic autour de l'imagerie, de l'anatomopathologie, de la génomique, d'outils d'aide à la décision médicale et au suivi notamment thérapeutique. Certaines IA aident à la chirurgie avec, par exemple,  l'utilisation du jumeau numérique dans la programmation et la personnalisation de l'opération. Sur la partie essais cliniques, les bras synthétiques et tests in silico permettent d'accélérer et de dérisquer les phases de R&D. Il faut cependant se mettre d'accord sur ce que l'on met derrière le terme d'IA qui est aujourd'hui très en vogue.

La crise qui frappe le financement des biotech touche-t-elle avec la même violence les entreprises de l'IA de ce secteur ?

Ces entreprises n'échappent pas à cette tension du financement. Je dirai même que pour certains actifs immatures, c'est peut-être pire que des domaines où les modèles économiques sont plus établis. Or, dans l'IA, les modèles d'affaires en santé ne sont pas encore complètement aboutis et stabilisés. Dans le système de soins français, qui doit prendre en charge en fonction de ce qu'apporte la solution ? Est-ce le patient ? L'assurance maladie et/ou bien les mutuelles? L'employeur ? Tout cela est encore récent, aussi les investisseurs se concentrent-ils sur les projets les plus avancés ou bien, de façon défensive, sur les entreprises dans lesquelles ils ont déjà investi. Il est moins difficile de lever des fonds pour une entreprise en phase de commercialisation que pour une entreprise en R&D... Cela s'est amplifié ces deux dernières années.

Y-a-t-il aujourd'hui une éthique des intelligences artificielles en santé ?

C'est un point crucial et de nombreux travaux sont publiés sur le sujet. Je pense notamment au travail de David Gruson, le fondateur d'Ethik-IA. Il faut un contrôle de ces solutions par la garantie humaine. L'homme doit conserver le mot final sur la décision.

Que pensez-vous des formations des étudiants en matière d'IA ?

Il y a clairement un manque et une tension qui n'est pas neuve dans les métiers de la data. Les initiatives "Compétences et Métiers d'avenir" de France 2030 sont là pour répondre à ce déficit. Il y a aussi un problème d'acculturation croisée entre industriels et corps médical. Le milieu des soignants doit nous aider à co-développer les produits. L'objectif est de faire en sorte que ces derniers répondent aux besoins du corps médical d'une part, et qu'ils soient le plus ergonomiques et interopérables possible avec les outils déjà utilisés d'autre part. L'IA ne va pas remplacer les soignants. Ces solutions vont pouvoir faire évoluer leur pratique médicale, les aider dans leur décision et leur libérer du temps avec les patients et les aidants pour un soin plus efficient.

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