Santé et IA : digitaliser le cancer pour améliorer la prise en charge des patients

SERIE Intelligence artificielle (3/3) - A l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM), une équipe de chercheurs, pilotée par le médecin radiologue Stéphanie Nougaret, développe un outil de biopsie virtuelle combinant IRM et intelligence artificielle. Soutenu par des bourses européennes, cet ambitieux programme de recherche vise à améliorer le suivi des cancers de l’ovaire et du pancréas dans un premier temps, et pourrait ensuite être étendu à d’autres formes de cancer.
A Montpellier, la radiologue et chercheuse Stéphanie Nougaret porte un ambitieux programme de recherche visant à développer un outil de biopsie virtuelle combinant IRM et intelligence artificielle afin d'améliorer le suivi des cancers de l’ovaire et du pancréas.
A Montpellier, la radiologue et chercheuse Stéphanie Nougaret porte un ambitieux programme de recherche visant à développer un outil de biopsie virtuelle combinant IRM et intelligence artificielle afin d'améliorer le suivi des cancers de l’ovaire et du pancréas. (Crédits : DR)

Certains cancers, comme celui de l'ovaire ou du pancréas, sont caractérisés par de nombreuses lésions cancéreuses hétérogènes, rendant difficile le suivi des patients. Médecin radiologue spécialisée en abdomino-pelvien et chercheuse sur le campus de l'Institut du Cancer de Montpellier (ICM), Stéphanie Nougaret développe un programme de recherche intégré en imagerie visant à digitaliser le cancer, notamment ses caractéristiques génétiques, immunologiques et histologiques à partir de l'image.

Après un parcours prestigieux (voir encadré) en France, au Canada et aux Etats-Unis, Stéphanie Nougaret a décroché, fin 2022, l'une des bourses les plus convoitées accordées par le Conseil Européen de la Recherche (ERC), d'un montant de 1,5 million d'euros pour cinq ans. Une première à Montpellier.

«  En tant que médecin chercheur, je ne pouvais espérer meilleure reconnaissance de mes travaux, c'est un tremplin dans ma carrière et cela m'a permis de créer ma propre équipe », déclare la chercheuse.

Depuis, elle est également lauréate d'une seconde bourse européenne (THCS) d'un montant de 1 million d'euros, et s'est vue attribuer 780.000 euros par le fonds Bertrand Kamal, dédié à la recherche sur le cancer du pancréas et géré par la fondation ARC.

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Une cartographie 3D grâce à l'IA

A la tête d'une équipe d'une quinzaine de personnes comprenant des radiologues, physiciens, oncologues, data-scientists et étudiants, Stéphanie Nougaret veut faire de l'imagerie de précision une nouvelle clé dans le traitement du cancer.

« Notre projet est de faire de la biopsie virtuelle, c'est-à-dire qu'à partir de l'image, nous essayons d'avoir des données suffisamment précises pour prédire ou diagnostiquer le profil d'agressivité ou le profil moléculaire de la tumeur sans qu'on ait besoin d'avoir recours à une biopsie, acte redouté par les patients qui, de surcroît ne permet qu'une photo ponctuelle et très partielle de la situation du cancer, vulgarise la chercheuse. Comme dans le film Matrix avec la matrice, nous décodons ce qu'il se passe dans l'image et grâce à l'IA, les données mathématiques sont corrélées avec les données histologiques. Dans le cas du cancer de l'ovaire ou du pancréas, l'IA permet de faire la segmentation complètement automatisée de toute la tumeur, sans intervention. Cette cartographie 3D va permettre au chirurgien de disposer d'un bilan plus précis et plus exhaustif pour mieux appréhender la réponse thérapeutique à apporter à son patient. »

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Etude clinique sur 600 patients

C'est sur un IRM 9.4T très puissant de la faculté des Sciences que l'équipe évalue ces nouveaux traitements non invasifs. Le projet s'intéresse à tous les stades de la maladie, du dépistage précoce jusqu'au suivi individualisé et personnalisé du patient. Un protocole en cours inclus 600 patients atteints de cancers de l'ovaire et du pancréas, deux formes très évolutives avec peu de possibilités thérapeutiques (taux de récidive de 50% pour le cancer de l'ovaire, un pronostic effroyable de 3% de survie pour le cancer du pancréas), mais aussi du cancer du rectum dont le taux variable de rémission est estimé entre 50 et 90%. Mais à terme, l'objectif est de dupliquer la technique à d'autres formes de cancer.

« Nous sommes au début du projet, prévient Stéphanie Nougaret. Nous espérons avoir de bons résultats d'ici quatre à cinq ans. »

Déjà, d'ici 2027, les premiers résultats préliminaires seront décisifs pour la suite. Les données génomiques étant très onéreuses et l'IRM de la faculté des sciences vieillissant, la chercheuse pourrait alors postuler pour une nouvelle demande de bourse.

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Une pionnière engagée

Après des études de médecine à Montpellier et un internat de radiologie, Stéphanie Nougaret a complété son parcours à la prestigieuse Université Mc Gill de Montréal, puis à New York où elle a repassé l'ensemble des examens universitaires américains avant d'être nommée chef de clinique au Memorial Sloan Kettering Cancer Center, premier centre anticancéreux des Etats-Unis. De retour en France, après avoir quitté le CHU de Montpellier, elle partage son activité entre médecine à l'ICM et recherche en imagerie des cancers gynécologiques et digestifs dans l'équipe INSERM, codirigée par le Dr Jean-Pierre Pouget et le Pr David Azria, à l'Institut de Recherche en Cancérologie de Montpellier (IRCM). Elle a également été professeur associée à Harvard.

Considérée comme une pionnière dans la digitalisation des cancers, Stéphanie Nougaret affirme néanmoins avoir eu du mal « à s'imposer dans un univers encore très machiste ». Grâce à la bourse ARC, elle a fondé le PINKCC Lab, hébergé à l'IRCM : « Rose car la couleur m'a toujours servi de source d'inspiration dans mes présentations mais aussi pour couper court aux clichés de la chercheuse. Je suis blonde, j'ai 40 ans, j'ai beaucoup bataillé face aux remarques sexistes mais je continue à surmonter les obstacles pour forger un avenir plus inclusif et équitable pour tous ».

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