Philippe Saurel met fin au musée de l'Histoire de la France en Algérie

Promis à une ouverture imminente depuis des années, le musée de l'Histoire de la France en Algérie a été stoppé net par Philippe Saurel, le 14 mai. Le maire de Montpellier veut le transformer d'ici deux ans en un centre d'art contemporain.  

L'annonce, officialisée mercredi 14 mai, est tombée comme un couperet, sans même avoir été débattue en conseil d'Agglomération. Sans que les principaux concernés (au premier rang desquels la conservatrice en chef du musée, Florence Hudowicz) en aient été apparemment informés.

Mais la décision de Philippe Saurel, le nouveau maire et président de l'Agglomération de Montpellier, est irrévocable : le musée de l'histoire de la France en Algérie, qui devait ouvrir ses portes fin 2014 à l'hôtel de Montcalm à côté de la gare de Montpellier, est abandonné, au profit d'un musée d'art contemporain.

L'élu a entériné cette décision lors d'une visite de presse mercredi 14 mai, prenant à témoin les journalistes devant l'ampleur des travaux inachevés.

« Le gros œuvre n'est pas fini, ce lieu n'est pas disposé dans l'immédiat à recevoir une quelconque exposition, affirme Philippe Saurel. J'ai voulu vous montrer l'état du lieu dans son jus, et non les discours que les uns et les autres ont resservis plus ou moins réchauffés. »

Une situation que le nouveau maire dit avoir découvert « au lendemain de son élection », malgré les promesses, faites par ses prédécesseurs, d'ouverture imminente du site.

Le chantier du musée, initié en 2009 et qui a déjà englouti 10 M€ sur les quelque 20 M€ prévus, jugé encore « réversible », s'oriente désormais vers la création d'un centre d'art contemporain.

« Ce changement de destination ne fera pas gonfler la facture. En réorientant le site aujourd'hui, on élimine toute une série de coûts annexes », fait valoir Philippe Saurel, qui compte ainsi libérer la ZAC Pagésy et l'ancienne mairie, initialement dévolue à l'implantation d'un espace culturel.

Ce projet plus consensuel devrait voir le jour dans les 3 500 m2 de l'hôtel Montcalm en juin 2016. Pour le mettre en route, Philippe Saurel envisage de constituer un fonds d'œuvres en renouant les contacts abandonnés avec le Centre Pompidou, ou sur la base d'une convention de partenariat avec le Fonds Régional d'Art Contemporain, « trop à l'étroit dans ses locaux », qui pourrait prêter des pièces.

Pour le nouveau maire, qui avait inscrit la création d'un musée d'art contemporain dans son programme électoral, ce « premier avis de principe sur le changement de destination du lieu » est validé, de fait, par la récente « consultation électorale » (37,54 % des voies aux dernières municipales).

Mais chez ses opposants, cette volte-face précipitée est jugée irrecevable.

« Le musée était en cours de finalisation, un comité scientifique avait été mis en place en 2012, une nouvelle scénographie avait été imaginée, nous confie Jean-Pierre Moure, ex-président de l'Agglo. Rayer d'un coût de plume tout ce qui a été fait ces trois dernières années sur le plan intellectuel, ce qui a été investi sur le plan financier, est irrecevable. Cette décision, j'en laisse la responsabilité à son auteur »,

Quelque 3 M€ ont déjà été investis pour la constitution d'un fonds riche de 3 000 objets et 5 000 livres et qui comprenait des tableaux de Fromentin, de Chassériau, des albums lithographiques et photographiques du XIXe siècle et de rares manuscrits du XVIe au XIXe siècles.

Dans une lettre ouverte à Monsieur Philippe Saurel, en date du vendredi 16 mai, les membres du comité scientifique, qui travaillaient depuis trois ans à ce projet de musée, ont exprimé leur franc désaccord, dénonçant une décision prise sans aucune concertation.

Objectif Languedoc-Roussillon s'est procuré ce courrier, qui est consultable ici. (PDF)

Consulté par téléphone, son directeur, Jean-Robert Henry, directeur de recherche émérite au CNRS d'Aix-en-Provence, se dit proprement scandalisé.


« Le nouveau patron fait comme si ce chantier intellectuel n'avait jamais existé, indique-t-il. Que l'on puisse balancer ainsi aux oubliettes un projet muséal sans aucune concertation avec l'équipe qui y a travaillé, ce sont des méthodes irresponsables. »

Ces collections pourraient être revendues à d'autres villes ayant accueilli des pieds-noirs et disposant elles-mêmes de fonds importants, notamment Marseille et Perpignan. Autre solution envisagée, « les collections pourraient être abritées au musée de l'infanterie de l'EAI », propose Philippe Saurel, qui souhaite que « l'Histoire en elle-même soit préservée ».

Idelette Fritsch

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