Heta-Uma : "Sale, mais beau"

Première mondiale que cette exposition consacrée à l’avant-garde graphique japonaise. Du 18 octobre 2014 au 1er mars 2015 au Miam à Sète, Heta-Uma réunit 92 artistes de la contre-culture nippone, sur trois générations. Une exposition choc, couplée avec celle de Marseille (Mangaro), à la Friche de la Belle de Mai.

« Si vous ne l'avez pas remarqué c'est la plage de Sète », précise l'artiste et co-fondateur du Musée International des Arts Modestes, Hervé Di Rosa, à l'intention des premiers visiteurs de « Heta-Uma ». Le dessin qui signe l'affiche de cette exposition inédite, maladroitement griffonné, est celui de Yumura Teruhiko alias Terry Jonson, King Terry... Rien moins que le pionnier au Japon du style Heta-Uma, une forme de pop art brut créé dans les années 70 en rébellion contre la perfection et l'esthétique glacée de la culture japonaise.

« La culture manga est aujourd'hui célèbre mais comme toujours, il y a l'interface, la périphérie, la réponse, ici délirante et énergique, à un monde esthétique un peu trop policé », prévient Hervé Di Rosa, qui s'est associé avec la Friche de la Belle de Mai pour coproduire cette exposition.

À Sète, le style Heta-Uma - qui signifie littéralement l'art du « mal fait bien fait », du « sale mais beau » -, est représenté à travers les œuvres de 46 artistes japonais (la plupart publiés par le magazine underground Garo entre 1964 et 2002) et 46 artistes européens édités chez Dernier Cri, à Marseille.

« L'expo du Miam, c'est le pendant live et immersif de l'exposition Mangaro présentée à Marseille », confie Pakito Bolino, co-commissaire d'exposition avec Ayumi Nakayama (librairie Taco Ché à Tokyo) et fondateur de la maison d'édition indépendante Dernier Cri, hébergée à la Friche de la Belle de Mai.

Du manga onirique à l'érotique grotesque

Au Miam à Sète, point d'esthétisme sublimé mais du trash, de l'érotique grotesque, du manga d'horreur, de l'onirique parfois... À l'image de l'installation du mangaka et peintre japonais Sakabashira Imiri, imaginée spécialement pour le Miam : une boîte bleue figurant un enfant et formulant la critique, très « scato », de la société de surconsommation.

Exposition Heta-Uma

« C'est un délire, explique Sakabashira Imiri, connu au Japon pour ses mangas oniriques mais dont le style évolue à l'évidence vers des genres très différents. Le Japon est traumatisé par les catastrophes qui ont rythmé son histoire : la guerre, le nucléaire, les séismes. La société de consommation est venue panser ces plaies, en voulant les faire oublier. Mais au même titre que la culture Kawaii où tout est rose et beau, c'est encore et toujours l'arbre qui cache la forêt... Beaucoup d'artistes expriment dans leurs œuvres ce profond traumatisme ».

Co-commissaire d'exposition, Ayumi Nakayama nuance ce propos, pour ramener le style Heta-Uma à une autre définition, plus formelle.

« Pakito et moi avons un goût très différent, deux façons d'explorer le genre Heta-Uma. Pour moi le style Heta-Uma, c'est avant tout un dessin maladroit, très simple, presque sauvage », précise l'éditrice qui a sélectionné des œuvres davantage empruntes d'art naïf.

En définitive, ce qui se dégage de l'exposition du Miam, c'est le foisonnement, la vitalité du style Heta-Uma. « On retiendra l'énergie face à une culture délirante, d'autant plus surprenante qu'on n'a pas tous les codes pour la comprendre complètement », conclut Hervé Di Rosa.

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