« Supprimer le commissaire aux comptes ira à l’encontre du besoin de confiance et de sécurité de l’économie »

Le projet de loi PACTE promet une simplification des règles qui régissent l’entreprise. Si les commissaires aux comptes souscrivent à cette ambition, ils s’inquiètent néanmoins du volet du projet de loi qui menace leur champ d’intervention. Steve Amat, expert-comptable et commissaire aux comptes chez Axiome Audit et Stratégie à Montpellier, et président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Montpellier, se fait le porte-voix de la profession.
Steve Amat, président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Montpellier.

Bruno Lemaire s'apprête à porter le projet de loi PACTE ayant pour objectif de simplifier la vie des entreprises françaises et de les aider à aborder la transformation de l'économie. En ma qualité de Président régional des commissaires aux comptes (CAC), je ne peux que souscrire à l'ambition de cette loi et l'ensemble de mes confrères sont dans cet état d'esprit. La Compagnie Nationale a d'ailleurs fait plusieurs propositions allant dans le sens de l'objectif poursuivi.

Mais les CAC ont eu la désagréable surprise d'apprendre que leur champ d'intervention était menacé dans le cadre de cette loi au prétexte qu'ils représentent une complexité administrative et un coût supplémentaire pour les petites entreprises françaises, au regard notamment de leurs voisins allemands. Cette « contrainte » est d'autant plus injustifiée selon l'inspection générale des finances, que les CAC ne font que très peu de réserves ou de refus de certification des comptes dans le cadre de leurs mandats.

« On ne retire pas l'arbitre »

Il s'agit là de deux erreurs d'analyse majeures qui démontrent la méconnaissance à la fois de notre métier et de la mission que nous a confiée le législateur, mais également des spécificités du tissu économique français.

Le CAC en France joue un rôle essentiel de sécurité financière au service de l'intérêt général. Ses trois missions (certification des comptes, prévention des difficultés des entreprises et révélation des faits délictueux), uniques en Europe, lui permettent d'être un véritable arbitre de l'économie. En ce sens, nous discutons avec les chefs d'entreprise pour faire modifier les comptes en amont de leur arrêté formel et ainsi ne pas être un simple censeur mais bien un partenaire au service de l'entreprise et de son environnement.

Alors oui, nous soutenons la simplification des règles qui pèsent sur les entreprises mais soutenons également que nous sommes le seul tiers indépendant avec une mission légale garantissant l'application des lois. Quand on simplifie les règles d'un sport pour fluidifier le jeu, on ne retire pas l'arbitre, sinon il n'y a plus de match !

Le seuil européen

Le gouvernement veut remonter les seuils d'intervention du CAC au prétexte d'un seuil européen indicatif de 8 M€ de chiffre d'affaires, correspondant aux seuils allemands. Mais nous savons bien que le tissu économique allemand est diamétralement différent de celui de la France. Nous ne sommes pas sûrs que l'économie du coût annuel du CAC, évalué à 4 000 € pour une entreprise qui réalise un chiffre d'affaires de plus de 3 M€, permette aux entreprises françaises d'investir ou d'embaucher.

Nous sommes sûrs, en revanche, que supprimer le CAC ira à l'encontre du besoin de confiance et de sécurité de l'économie. Dans un contexte où la croissance française est de retour, et alors que le gouvernement annonce vouloir réorienter l'épargne des Français vers les PME, est-ce du bon sens que de supprimer le CAC ?

L'exemple de l'Italie et de la Suède, qui avaient suivi les préconisations du seuil européen, est marquant puisqu'ils font aujourd'hui machine arrière, s'apercevant que cette mesure était néfaste pour leur économie. L'Italie a d'ailleurs choisi un seuil (2 M€) plus bas que celui appliqué par la France aujourd'hui.

Cataclysmique

Je ne serais pas complet dans mon propos si je n'évoquais pas le cataclysme sur notre profession de l'impact d'une remontée brutale des seuils au niveau européen qui ferait perdre en région plus de 80 % des mandats. Un plan massif de licenciements, évalué à plus de 10 000 collaborateurs en France et 500 en région, et une destruction de la filière étudiante financière seraient les principales conséquences directes d'une telle réforme.

Alors Monsieur le Ministre de l'Économie, nous sommes prêts à discuter avec vous des nécessaires évolutions de notre métier mais absolument pas dans le cadre que vous avez défini qui est à la fois extrêmement dangereux pour notre économie et cataclysmique pour notre profession.

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