Ressource en eau, ZAN : les Pyrénées-Orientales peuvent-elles encore accueillir de nouveaux habitants ?

La sécheresse qui touche les Pyrénées-Orientales et la mise en tension des ressources d’eau potable vient percuter l’histoire. Attractif, le département peut-il continuer à accueillir de nouveaux habitants ? L’eau est-elle le seul enjeu ?
Le département des Pyrénées-Orientales risque-t-il un phénomène de côte d’azurisation, une gentrification avec des prix immobiliers qui sélectionneraient les arrivants en fonction de leur richesse ?
Le département des Pyrénées-Orientales risque-t-il un phénomène de "côte d’azurisation", une gentrification avec des prix immobiliers qui sélectionneraient les arrivants en fonction de leur richesse ? (Crédits : Yann Kerveno)

« À vrai dire, on ne peut pas empêcher les gens de venir s'installer s'ils ont envie... »

Maire de Sainte-Marie-de-la-Mer et de l'association des maires des Pyrénées-Orientales, Edmond Jorda estime que le département peut accueillir de nouveaux habitants. À condition de s'engager dans une mutation rapide.

« La meilleure chose à faire, c'est d'abord, comme nous l'avons fait pour l'énergie, de réaliser des économies d'eau, plaide-t-il. La meilleure eau, c'est celle qu'on n'utilise pas. Cela passe par une gestion améliorée, plus d'économie par la réfection des réseaux et le développement de la réutilisation. Pour procéder à cette mutation nous avons besoin du soutien de l'État. »

La gestion de l'eau, une question très politique

L'élu estime également qu'il faut également revoir les outils de gestion de la ressource, créer une sorte de syndicat de l'eau : « J'ai toujours pensé que la question de l'eau serait, avant celle de la protection contre les risques, la question pyramidale du modèle de développement de notre département. Avec cette crise, nous nous sommes aperçus qu'il y avait une multitude d'acteurs pour gérer l'eau, c'est trop compliqué, nous devons aujourd'hui nous poser la question de comment nous pouvons parvenir à maîtriser le cycle de l'eau et son utilisation. Comment faire pour moins tirer sur les nappes et laisser plus d'eau au milieu naturel et à l'agriculture... Au-delà d'une question de techniques, c'est une question très politique ».

Cette idée de créer un organisme de gestion de la ressource à l'échelle départementale n'est pas neuve. Elle est portée depuis longtemps par Nicolas Garcia, maire d'Elne et vice-président du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales. Pourquoi n'a-t-elle toujours pas abouti ? L'élu expliquait, en 2022, qu'il fallait chercher du côté des ego des élus...

« L'eau, c'est un peu le dernier pouvoir qui reste dans les mains des maires puisqu'ils ont transféré une grande partie de leurs compétences aux intercommunalités, c'est un pouvoir qu'ils ont du mal à lâcher... », affirme-t-il.

Limiter l'extension de la conurbation

En filigrane de cette discussion sur l'eau, c'est bien aussi d'aménagement du territoire dont il est question. Président du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la plaine du Roussillon (77 communes, 341.000 habitants), Jean-Pierre Billès a un long recul sur la question. Il peut tirer le bilan de dix ans de développement.

« Avant 2010, nous avions entre 15 et 20 logements à l'hectare, rappelle-t-il. Avec le premier SCOT en 2013, nous avons imposé 30 logements à l'hectare, et avec le prochain, nous sommes à 35 logements... Ce premier exercice a aussi permis de limiter grandement le développement des zones commerciales et nous déclassons des réserves foncières pour les rendre à la nature ou à l'agriculture. Cela a permis entre autres, de limiter l'extension de la conurbation. »

Le nouveau SCOT doit, en plus, prendre en compte deux nouvelles données, fortement contraignantes : la loi zéro artificialisation nette (ZAN) et le durcissement des conditions de constructibilité dans les zones inondables par les nouveaux plans de gestion des risques. Le département peut-il donc accueillir nouveaux habitants ?

« Nous tablons sur une progression de la population de 0,7 % par an, explique Jean-Pierre Billès, par ailleurs maire de Pézilla-la-Rivière. Cela représente 35.000 personnes à accueillir pour les quinze prochaines années. Alors oui nous avons intérêt à freiner, mais comment ? »

Il cite les deux facteurs les plus limitants : « L'eau bien sûr, qui nous posera des problèmes de dimensionnement au niveau de l'urbanisme, et la loi ZAN qui va raréfier drastiquement le foncier disponible au détriment des populations locales ».

Le risque de « côte d'azurisation »

Le risque que pointe du doigt Jean-Pierre Billès, c'est une espèce de « côte d'azurisation », la gentrification des Pyrénées-Orientales avec des prix immobiliers qui sélectionneront davantage les nouveaux arrivants en fonction de leur richesse.

« Il y a, dans ce pays, une guerre qui ne dit pas son nom, tant que les collectivités n'auront pas les moyens financier de maîtriser le foncier pour lequel nous sommes en concurrence avec de nombreux autres opérateurs » lance encore Edmond Jorda.

Les pistes ? Edmond Jorda estime qu'il faut « densifier, refaire la ville sur la ville, mais il faut nous donner des moyens de faire cela ». Le SCOT prévoit que 30% des constructions devront se faire à l'intérieur du tissu urbain existant, et l'élu rappelle qu'« il y a plusieurs moyens de densifier : réhabiliter les dents creuses, occuper les logements vacants, changer la destination de locaux ou le "build in my backyard" ». Ce dernier consistant à construire dans les jardins en divisant les parcelles héritées d'un autre temps.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 26/06/2023 à 10:42
Signaler
Ben oui si elle bride chaque année un peu plus les pratiques aberrantes agro-industrielles. Maintenant elle peut faire les deux également, encore plus vertueux !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.