Crise du logement : « Soit nous mettons ce sujet à l’agenda démocratique, soit nous allons vers de grandes tensions » (Michaël Delafosse)

Le congrès de l’Union sociale pour l’habitat s’est ouvert ce 3 octobre à Nantes, mettant sous les feux des projecteurs la situation critique du logement en France, et notamment du logement social. A Montpellier, après avoir voté un plan d’urgence pour le logement en juillet dernier, la Métropole passe aux travaux pratiques. Le conseil métropolitain a ainsi voté, ce 3 octobre, des délibérations permettant de mettre en œuvre plusieurs mesures de ce plan d’urgence, notamment l’augmentation de l’aide à la pierre pour les bailleurs sociaux.
Cécile Chaigneau
Le maire (PS) de Montpellier rappelle que pour la première fois, la production de logement social sera la plus basse depuis la 2e guerre mondiale.
Le maire (PS) de Montpellier rappelle que "pour la première fois, la production de logement social sera la plus basse depuis la 2e guerre mondiale". (Crédits : ACM Habitat)

(Mise à jour le 4 octobre 2023 à 10h30)

Le marché du logement est entré, en France, dans une crise sévère. Alors que s'ouvrait ce 3 octobre le 83e congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH) à Nantes, les acteurs du monde HLM s'inquiètent d'une production de logements en berne et revendiquent un sentiment de ne plus être soutenus par l'Etat. En cause, une situation polarisée : 2,42 millions de ménages étaient en attente d'un logement social fin 2022 (dont 1,63 million pour une première attribution) et à l'inverse, un nombre d'autorisations dans l'Hexagone qui devrait être en-deçà des 95.000 de 2022, déjà « une très mauvaise année », selon la présidente de l'USH, Emmanuelle Cosse.

Dans toutes les métropoles, la situation se tend. Sur le périmètre de la métropole de Montpellier, la crise est aigüe : des besoins de logements qui vont croissant avec une dynamique annuelle démographique de +1,8% par an, 19% des ménages de la Métropole (et 26% à Montpellier) qui vivent sous le seuil de pauvreté (contre 14% au niveau national) et 75% des locataires du parc privé de la Métropole qui sont éligibles au logement social. A ces éléments s'ajoute une dynamique des prix qui perdure et place la métropole au 3e rang du loyer médian le plus élevé, après Paris et Nice.

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Soutenir la production de logements sociaux

Alors que la Métropole de Montpellier a déjà activé plusieurs leviers (la création de 8.000 nouveaux logements neufs en deux ans au sein de ZAC, le développement d'une offre en accession abordable, une régulation du développement des meublés de tourisme, l'encadrement des loyers ou encore le permis de louer dans le quartier de Celleneuve), le conseil métropolitain de Montpellier avait voté, le 11 juillet dernier, un plan d'urgence pour le logement comprenant 14 mesures et doté d'une enveloppe de 100 millions d'euros.

Lors du conseil métropolitain du 3 octobre, la collectivité est passée aux travaux pratiques. Elle a notamment voté le soutien à la création de logements en accession abordable sociale durable par la modification du règlement intérieur des garanties d'emprunts de Montpellier Méditerranée Métropole, permettant à l'Office foncier solidaire (OFS) d'accéder aux prêts spécifiques accordés par la Banque des Territoires pour financer l'acquisition de foncier. Elle a aussi adopté le quintuplement des aides à la pierre pour les bailleurs sociaux, qui passent de 20 millions d'euros en 2023 et 2024 « contre 2 millions actuellement », précise la vice-présidente Claudine Vassas-Mejri, déléguée à l'Habitat, Logement et Parcours résidentiels, « et 1 million d'euros pour les opérations de réhabilitation en bail réel solidaire pour des projets dans les centres villages et les faubourgs de la ville ». La collectivité a également doublé l'Aide Plan Climat de la Métropole pour la rénovation énergétique des logements qui passe de 1.300 à 2.600 euros pour les propriétaires, copropriétaires, habitants ou bailleurs, d'un logement individuel ou en copropriété. Enfin, pour soutenir la production de logements abordables via le dispositif de bail réel solidaire (BRS) à hauteur de 700 logements par an, l'OFS mobilise 6 millions d'euros sur 2023 et 2024 la métropole montpelliéraine met en place un droit de préemption au travers d'une convention-cadre. La collectivité instaure une aide de 5.000 euros pour les ménages les plus modestes, qui s'engagent dans l'acquisition en BRS, soit 10 millions d'euros sur trois ans.

Le permis de louer est étendu au quartier Figuerolles depuis le 1e octobre, avant une extension à d'autres quartiers de la Ville de Montpellier et de la Métropole.

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« Pas de diplomatie de risette »

Un ordre du jour qui donnait l'occasion aux élus de reprendre la parole, déjà bien exprimée pourtant en juillet au moment du vote du plan d'urgence, sur un sujet de préoccupation grandissante pour les Français.

« Nous sommes face à une crise du logement majeure, qui vient en partie de la hausse des taux d'intérêt mais qui est surtout liée à des prix astronomiques de l'immobilier dans notre territoire, qui font que personne ne peut accéder à la propriété, notamment les classes moyennes, s'indigne René Revol, maire (LFI) de Grabels et vice-président de la Métropole délégué à la Gestion raisonnée, écologique et solidaire de l'eau et de l'assainissement. Aujourd'hui, on voit des gens qui refusent des emplois car ils ne peuvent plus se loger sur le territoire. Certains découvrent qu'ils sont désormais éligibles au logement social. Tout est bloqué aujourd'hui, et la situation va créer des listes d'attentes et des situations d'urgence... Le projet de loi de finances du gouvernement est une catastrophe ! Ils diminuent massivement les financements publics dans deux secteurs : l'emploi et le logement. Rien à la place du dispositif Pinel, la quasi suppression du prêt à taux zéro, et les bailleurs sociaux ponctionnés depuis 2017, raison pour laquelle on est obligés d'augmenter notre contribution... Dans ce contexte, j'ai deux propositions : pas de diplomatie de risette, il faut que les associations des maires ou des intercommunalités tapent le poing sur la table, et il faudrait mettre ensemble tous les acteurs du logements pour faire des états généraux de l'habitat sur notre territoire. »

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« La question du logement devrait être réglée par l'Etat »

Son homologue Clara Gimenez, vice-présidente déléguée à la Politique de la Ville et à la Cohésion sociale, renchérit : « Nous votons aujourd'hui des délibérations majeures, peut-être les plus importantes de notre mandat. Il ne devrait pas y avoir débat ici, mais la question du logement devrait être réglée par l'Etat au travers d'une vraie politique ambitieuse en matière de logement. (...) Alors qu'on est dans une situation d'inflation, la hausse des demandeurs de logements sociaux est importante car l'habitat social peut protéger de la baisse du pouvoir d'achat ».

Michaël Delafosse, le maire (PS) de Montpellier et président de la Métropole, qui s'était déjà longuement exprimé sur la situation du logement lors du salon de l'immobilier le 22 septembre dernier, a enfoncé le clou sur son ambition de prendre la parole au niveau national sur ce sujet insuffisamment traité selon lui par le gouvernement.

« La crise du logement est là et aucune métropole n'est épargnée, martèle l'élu. Aujourd'hui, notre programmation urbaine se grippe car la conjoncture nationale se tend. On peut déplorer la suppression de la niche Pinel, 800 millions d'euros, mais on pourrait affecter ces 800 millions dans le budget de l'Etat pour soutenir et compenser les effets des organismes bancaires qui ont mis bon nombre de projets en grande tension. Au bureau de l'AMF (association des maires de France, NDLR) il y a quinze jours, j'ai interpellé sur cette question du logement pour qu'au Congrès de l'AMF, elle soit au rendez-vous... Nous allons organiser des Assises du logement à Montpellier, à la fois pour le territoire mais aussi pour que cette question du logement entre dans le débat national. Car pour la première fois, la production de logement social sera la plus basse depuis la 2e guerre mondiale ! Donc soit nous mettons ce sujet à l'agenda démocratique, soit nous allons vers de grandes tensions... »

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Cécile Chaigneau

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Commentaires 2
à écrit le 04/10/2023 à 9:07
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"et revendiquent un sentiment de ne plus être soutenus par l'Etat" Tout ces gens du secteur privé grassement subventionné par l'argent public, qui ne se sont jamais demandé s'il ne serait pas un minimum productif de renvoyer de temps en temps l'ascen...

à écrit le 04/10/2023 à 6:00
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"agenda démocratique" : Hehe ! Il serait temps de se rendre compte que notre démocratique a basculé vers l'eurocratie.

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