« Bercy n’est pas conscient de cette bombe sociale du logement qui va nous exploser au visage ! » (Patrick Vignal)

Le 12 juin, la FFB de l’Hérault avait convié tous les parlementaires du département pour une opération de sensibilisation en urgence. Une action de lobbying pour sauver le secteur du bâtiment, englué dans la crise du logement. Dégainant chiffres et perspectives inquiétants, la FFB annonce qu’elle va constituer « un véritable commando » pour mobiliser les députés et sénateurs, et les envoyer au combat avec le gouvernement.
Cécile Chaigneau
Le 12 juin 2023, la FFB de l'Hérault conviait les parlementaires du département à une réunion de crise à Montpellier.
Le 12 juin 2023, la FFB de l'Hérault conviait les parlementaires du département à une réunion de crise à Montpellier. (Crédits : Cécile Chaigneau)

Parce que l'heure est grave selon eux, les dirigeants de la FFB de l'Hérault avaient convié les neuf députés et les quatre sénateurs de l'Hérault ce 12 juin au matin. Une sorte de réunion de crise dont la vocation était de sensibiliser les parlementaires à la situation afin qu'ils aillent plaider leur cause dans les hautes sphères gouvernementales. Etaient finalement présents les députés Emmanuelle Ménard (non-inscrite), Aurélien Lopez Liguori (RN) et Patrick Vignal (Renaissance), ainsi que le sénateur Jean-Pierre Grand (groupe Les indépendants-République et Territoires). Les autres parlementaires étaient représentés ou excusés, « à l'exception du député Sébastien Rome et du sénateur Henri Cabanal qui n'ont pas répondu », souligne Thierry Ducros, le président de la FFB Hérault, amer. L'Association des maires de France avait également répondu présente.

« Dans le bâtiment, il y a urgence, la situation se dégrade quotidiennement, du fait d'une politique du logement inadaptée et même d'une absence de politique du logement : le CNR (Conseil national de la refondation, qui a rendu ses conclusions sur le volet logement le 5 juin dernier, NDLR) a accouché d'une souris ! », lâche-t-il en préambule.

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« Il faut que ça aille vite »

Le président de la FFB de l'Hérault, Thierry Ducros, s'appuie sur les chiffres du logement neuf à fin avril 2023 (glissement annuel sur 12 mois) pour évoquer une conjoncture morose, voire inquiétante : -18,1% de mises en chantier dans l'Hérault (-10,4% en Occitanie, -8,9% au national), -24,8% d'autorisations dans l'Hérault (-19,4% en Occitanie, -14,3% au national), -16,% de surfaces commencées dans le non résidentiel neuf dans l'Hérault (-6,2% en Occitanie, -9,6% au national), une activité amélioration-entretien qui stagne à +0,7% en Occitanie au 1e trimestre 2023 vs 2022 et des perspectives en baisse de 12% au 2e trimestre.

« Nous avions beaucoup d'espoir que l'activité amélioration-entretien se substitue à la construction de logements, mais on est en baisse sensible, loin des sommets atteints en 2021, commente-t-il. Quant à l'emploi, il stagne, et si rien n'est fait dans les deux ans, les perspectives de pertes d'emplois sont d'ordre 150.000 au niveau national et de 4.000 dans l'Hérault... Les défaillances d'entreprises, elles, sont toujours en augmentation par rapport à l'année de référence 2019 : -5% mais par rapport aux +43% de l'an dernier, c'est catastrophique... Selon le tribunal de commerce, le secteur du bâtiment est celui où les défaillances d'entreprises augmentent le plus. »

Céline Torres, présidente du Pôle Habitat de la FFB Occitanie, avertit : « Les promoteurs ou les constructeurs de maisons individuelles ont déjà baissé leurs prix et aujourd'hui, ils ne baisseront plus, donc en plus d'une crise économique, on aura une crise sociétale. On est sur une crise de manque de soutien du gouvernement pour accompagner l'inflation, et il faut que ça aille vite ».

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L'exemple du Pinel breton

« Ce que demande la FFB, c'est un assouplissement des règles en matière de crédit immobilier dans cette période d'inflation, la prolongation du prêt à taux zéro (PTZ, ndlr) jusqu'à fin 2024 et le rétablissement du PTZ, remettre en place le dispositif Pinel dans sa version 2022 dans l'attente d'un travail collégial sur le statut de bailleur privés, ou l'abondement du budget actuel de MaPrimeRenov' d'un milliard d'euros supplémentaires par an sur les cinq prochaines années, énumère Thierry Ducros, en écho des propositions faite à l'échelon national par la FFB. D'autant que lorsque l'Etat investit 1 euro, ça lui rapporte, en TVA ou sur les transactions, 3,7 euros, donc on ne comprend pas pourquoi il met des freins, notamment le PTZ ou le Pinel. »

Le président veut créer, dans les prochaines semaines, « un véritable commando », « une task force », comme savent très bien le faire les agriculteurs, pour faire entendre leur voix.

Les professionnels du bâtiment héraultais aimeraient notamment que l'Etat s'inspire de l'expérimentation du Pinel breton (expérimentation apportant un changement dans l'éligibilité des communes, mais aussi dans les plafonds de loyer et les modalités d'action du Pinel) « qui fonctionne très bien et donne 24 mois de visibilité aux entreprises régionales du bâtiment quand chez nous, elle se réduit comme peau de chagrin », se désole Thierry Ducros.

« Il s'agit de faire du sur-mesure et non plus de construire en fonction d'un bassin de population ou de zones tendues, explique Emmanuelle Ménard. Béziers est classée en B2 et a perdu son statut Pinel. En 2018, on enregistrait 790 ventes dans le neuf, et on est passé à 197 ventes en 2019 après la perte du Pinel. J'avais réclamé un statut dérogatoire pour Béziers pour bénéficier des avantages des zones B1 mais on ne l'a pas eu... Et aujourd'hui, on voit que le gouvernement ne croit plus au Pinel mais on voit aussi que lorsqu'on fait du sur-mesure, c'est vertueux pour les communes, pour les entreprises mais aussi pour la population. »

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« Une bombe sociale »

Aurélien Lopez Liguori pointe une situation critique sur sa circonscription (Sète, zone littorale, zone humide autour étang de Thau), « zone la plus touchée par la crise du logement car déjà très contrainte dans la construction », évoquant l'explosion du prix de l'immobilier et la disponibilité du foncier réduite à néant.

« J'ai déposé un amendement pour exempter les zones de revitalisation rurale du ZAN (zéro artificialisation nette, NDLR) pour favoriser la dé-métropolisation et que les gens puissent se loger en zones rurales, déclare-t-il. il faut aider les campagnes à s'urbaniser. »

Le député de la majorité Patrick Vignal joue la carte de la proximité et de l'empathie avec les parties engagées : « Ma majorité réfléchit au PTZ et à un nouveau Pinel. Clairement, ne vous battez pas sur le Pinel, il est fini, mais on réfléchit à un nouveau dispositif... L'autre débat, c'est la transition écologique et le ZAN, mais on ne peut pas vouloir une société du plein emploi et réindustrialiser la France, mais ne plus pouvoir loger les gens ! On aurait besoin, dans ce département, d'une réflexion sur un schéma d'aménagement du territoire et des mobilités pour prévoir ce qui se passera dans 30 ou 50 ans. Même si on ne doit pas opposer la métropole au rural ».

Interrogé sur les propos du ministre de l'Economie Bruno Le Maire, qui a déclaré que « le Pinel [n'avait] pas fait la preuve de son efficacité au cours des mois passés et que [c'était] un dispositif coûteux et inefficace », Patrick Vignal répond : « On a 3.000 milliards de dettes, on a mis 260 milliards pour le quoi qu'il en coûte, très bien... Le jeu de Bercy, c'est le tableau Excel mais je pense qu'on peut trouver l'argent : il y a des leviers à aller chercher notamment chez les très riches qui ne sont imposés qu'à 2% aujourd'hui... Les gens n'ont plus accès au crédit. Or 6.000 euros du m2 à Montpellier, c'est indécent. Bercy n'est pas conscients que les gilets jaunes, ce ne sera rien à côté de cette bombe sociale du logement qui va nous exploser au visage ! Ce n'est pas un tableau Excel qui doit commander ! On a un système administratif qui nous empêche d'avancer, c'est la raison pour laquelle je plaide pour une décentralisation plus importante : donner le pouvoir au préfet, aux administrations, aux maires des communes, avoir un schéma de réflexion sur les grands bassins. Qu'on mette du sens ! ».

« Terre de mission »

« Il faut construire rapidement sinon il n'y aura bientôt plus d'entreprises pour construire, conclut Thierry Ducros. Nous avons peu de visibilité sur 2024 et rien sur 2025, donc c'est inquiétant. C'est pourquoi nous sensibilisons nos élus nationaux sur les risques à court et moyen terme. Le dossier est entre les mains de nos parlementaires... Une des idées fortes, c'est la mise en place de cette task-force bâtiment dans les semaines à venir. »

Le président de la FFB, qui se défend toutefois de vouloir descendre dans la rue, veut mobiliser les parlementaires et les envoyer défendre des propositions concrètes face au gouvernement.

« Il faut réfléchir sur Nîmes, Béziers, Narbonne, Perpignan.... L'ancien Languedoc-Roussillon pourrait devenir une terre de mission d'aménagement de territoire ! », s'emballe Patrick Vignal...

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