Après une décennie à tirer la sonnette d'alarme sur les inégalités d'accès aux soins, l'association UFC-Que choisir vient d'annoncer sa décision de déposer un recours devant le Conseil d'Etat pour « défendre le droit constitutionnel à la santé ».
« Partout en France, la situation s'aggrave mais nous nous heurtons au refus systématique du gouvernement de mettre en place les mesures fortes visant à résorber les inégalités d'accès à la médecine, déclare Claude Gaubert, correspondant montpelliérain pour les campagnes UFC-Que choisir. Face à cet immobilisme, l'UFC-Que Choisir a décidé d'agir ! »
Une situation dégradée dans l'arrière-pays
Concomitamment à cette annonce, l'association de consommateurs a réactualisé sa cartographie de la fracture sanitaire dans l'Hérault, croisant critères géographiques et financiers. Pour les quatre spécialités étudiées - médecins généralistes, ophtalmologues, pédiatres, gynécologues -, l'étude a calculé l'offre de soins disponible en retenant un temps de trajet maximal entre le domicile et le cabinet du médecin de 30 minutes pour les généralistes, et de 45 minutes pour les spécialistes, les déserts étant caractérisés par une densité 60% inférieure à la moyenne.
Sans surprise, la région montpelliéraine et le littoral concentrent le plus de médecins généralistes et de spécialistes, alors que l'arrière-pays, notamment les hauts cantons de l'Hérault, connaît un accès aux soins dégradé.
« Notre analyse montre que 6,5% des habitants du département résident dans un désert médical pour l'ophtalmologie, indique Claude Gaubert. La situation est également très préoccupante pour les femmes qui sont 16,9% à ne pas trouver de gynécologues à proximité de chez elles. »
A Lodève, la situation est accrue par les difficultés que connaît l'hôpital : pour des raisons financières, l'Agence Régionale de Santé propose de réduire à douze heures l'amplitude horaire des urgences.
« Ce service est la colonne vertébrale du système de santé du lodévois Larzac, avertit Claude Gaubert. Le réduire conduit à abandonner la population et cela peut être assimilé à un véritable refus de soins dans la mesure où ces populations, souvent en situation de précarité financière et médicale, n'ont pas d'autres alternatives. »
Dépassements d'honoraires massifs
Bien que les déserts médicaux soient moins répandus pour les généralistes (0,9% de la population départementale), la situation reste tout de même tendue pour 4,8% des usagers du département. Et elle se détériore fortement en excluant les praticiens qui pratiquent des dépassements d'honoraires. Les chiffres sont alors alarmants : plus d'une femme sur deux (59,5%) vit dans un lieu déserté des gynécologues et 19,3% des enfants sont dans un désert médical pour les pédiatres.
« Trouver un ophtalmologue ou un gynécologue qui respecte le tarif de la sécurité sociale relève de la gageure, déplore le correspondant montpelliérain UFC-Que Choisir. On constate d'ailleurs que le nombre de spécialistes pratiquant des dépassements d'honoraires est en augmentation cette année. »
Pour illustrer les conséquences concrètes des difficultés d'accès aux soins, des bénévoles de l'association de consommateurs ont mené une enquête pour savoir si les médecins généralistes de 70 départements acceptaient de les suivre en tant que médecin traitant. En Occitanie, près d'un sur deux a refusé (49%), un chiffre en hausse par rapport à 2018 (46%).
« Les résultats sont meilleurs sur le département de l'Hérault puisque 38% des médecins ont indiqué qu'ils ne prenaient de nouveaux patients, note Claude Gaubert. Mais avec le départ à la retraite des médecins et la nouvelle génération qui privilégie un mode d'exercice mixte combinant salariat et libéral, la situation ne va pas s'arranger. »
Quant aux délais d'attente constatés chez un ophtalmologue, ils oscillent entre un à trois mois, et sont supérieurs à ces délais dans 35% des cas.
Pression sur les pouvoirs publics
Pour résorber cette fracture sanitaire, l'UFC-Que Choisir propose plusieurs mesures concrètes : régulation de l'installation des médecins avec mise en place d'un conventionnement territorial, fermeture de l'accès au secteur 2 (secteur à honoraires libres), suppression des aides publiques pour les médecins ne respectant pas les tarifs de la sécurité sociale, déploiement de cabines de télémédecines et de téléconsultation...
« La régulation d'installation existe pour les pharmaciens, les dentistes ou les kinés, et ces mesures ont fait preuve d'efficacité mais nous nous heurtons systématiquement aux organisations médicales, regrette Claude Gaubert. C'est pourquoi nous lançons une pétition nationale. Nous allons continuer à faire pression sur les pouvoir publics ainsi que sur les partis politiques. »
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