Montpellier assouplit les règles de la ZFE (pour les motards entre autres) et renonce à l’interdiction du diesel en 2028

Sans renoncer à ses responsabilités de santé publique, la Métropole de Montpellier assouplit les règles de la ZFE pour les motards, les véhicules Crit'Air 3 et 4 et véhicules utilitaires et poids lourds. Mais elle annule purement et simplement la fin des véhicules diesel en 2028.
Cécile Chaigneau
La Métropole de Montpellier consent quelques assouplissements des règles de la zone à faibles émissions, mais annonce renoncer à l'interdiction des véhicules diesel en 2028, comme elle l'avait initialement prévu.
La Métropole de Montpellier consent quelques assouplissements des règles de la zone à faibles émissions, mais annonce renoncer à l'interdiction des véhicules diesel en 2028, comme elle l'avait initialement prévu. (Crédits : Montpellier Métropole)

La grogne monte un peu partout. Au fur et à mesure des déploiements progressifs des ZFE (zone à faibles émissions, destinées à protéger les populations dans les zones denses et les plus polluées en définissant un périmètre à l'intérieur duquel la circulation de véhicules les plus polluants est limitée ou interdite), les collectivités font face à des inquiétudes et des demandes dérogatoires de leurs administrés. Ainsi, Martine Vassal, la présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, vient-elle d'annoncer qu'elle refusait de mettre en application l'extension de la ZFE aux véhicules Crit'Air 3 en 2025, qui toucherait selon elle les plus défavorisés.

A Montpellier, ce dispositif national obligatoire qui concerne désormais 35 agglomérations en France, a vu son déploiement progressif démarrer en juillet 2022, d'abord sur onze des 31 communes (Castelnau-le-Lez, Clapiers, Grabels, Jacou, Juvignac, Lattes, Le Crès, Montpellier, Pérols, Saint-Jean-de-Védas et Villeneuve-lès-Maguelone). Ainsi, pour les particuliers, depuis le 1e janvier 2024, sont interdites de circulation dans ces communes les véhicules Crit'Air 4, à savoir les voitures essence antérieures à 1997 et les voitures diesel antérieures à 2006. Au 1e janvier 2025, ce sont les véhicules Crit'Air 3 qui devaient être exclus. Et au 1e juillet 2026, cette interdiction devrait s'étendre aux 31 communes du périmètre métropolitain, jusqu'à une interdiction des véhicules diesel du périmètre ZFE initialement prévue en 2028.

Lire aussiFronde des élus locaux contre la ZAN et les ZFE : coup de com' ou alerte sociale ?

« L'Etat se décharge »

Comme d'autres collectivités, la métropole de Montpellier assouplit les règles, sans pour autant renoncer à ses ambitions (et responsabilités) de santé publique...

Suite au Comité ministériel relatif à la qualité de l'air en ville du 10 juillet 2023, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu avait décidé de desserrer la bride aux agglomérations qui n'étaient plus concernées par des dépassements des seuils de pollution au vu des derniers relevés - et ainsi déminer un dossier explosif - et la Métropole de Montpellier s'était pourtant vue renommée « territoire de vigilance ». Le comité de concertation nationale en appelait en effet à plus de « souplesse » en adaptant les ZFE « à la réalité de la pollution », c'est à dire en sortant les agglomérations des obligations ZFE dans le cas où leur pollution de l'air repasserait sous le seuil de dangerosité.

« Cette requalification ne diminue en rien la réalité de l'enjeu sanitaire et climatique posé par la qualité de l'air alors que, sur la métropole, le trafic routier est le principal émetteur de gaz à effet de serre et d'oxyde d'azote, indique la collectivité dans un communiqué. D'ailleurs, la vigilance de l'OMS ou des instances européennes tend à se renforcer dans les années à venir. Cette requalification ne doit pas non plus nuire à la lisibilité et à l'anticipation légitimement attendue par les habitants. »

Sollicitée ce jour par La Tribune, Julie Frêche, vice-présidente de la Métropole de Montpellier en charge des mobilités actives, enfonce le clou : « Si on est hypocrite, on fait valoir que Montpellier est "territoire de vigilance" mais l'Etat a fait le choix de retenir les chiffres des stations de mesures de la pollution ATMO alors qu'il serait plus juste de faire de la modélisation à partir des chiffres qui sortent des stations... D'autant que dans trois ans, on sera à nouveau sur des seuils ZFE, et que dans quelques mois, la France va devra transposer une directive européenne qui abaisserait le seuil de 40 µg de dioxyde d'azote par m3 à 20 µg. En désignant des zones "Territoires de vigilances", l'Etat se décharge... ».

Lire aussiZFE : Annecy appuie sur le frein en attendant la mise à niveau de ses transports en commun

52 jours « off ZFE »

La Métropole de Montpellier prône donc l'assouplissement mais pas le renoncement... Depuis le départ, des dérogations ont été instaurées, qui persistent : des itinéraires dérogatoires sont créés pour circuler, quelle que soit sa vignette Crit'Air, sur certaines routes en transit, pour se rendre aux parkings-relais du tramway et dans certaines zones d'activité.
 Par ailleurs, la collectivité a créé un statut de « petit rouleur » pour les propriétaires de véhicules parcourant moins de 8.000 km par an. A ce jour, ils sont 2.095 propriétaires de véhicules Crit'Air 4 et 5 à être enregistrés.

La collectivité vient d'annoncer qu'elle allait pousser un cran plus loin le curseur de l'assouplissement pour plusieurs catégories d'usagers. Tout d'abord, elle instaure pour une dérogation, sans distinction de vignette Crit'Air, pour toutes les personnes ayant un besoin de circulation inférieur ou égal à 52 jours par année civile.

« Ça peut être pour des professionnels qui viennent un jour de marché par semaine, pour des particuliers qui font des examens ou des soins médicaux au CHU, pour des personnes qui viennent faire réparer un véhicule chez un garagiste installé sur la métropole, etc. », énumère Julie Frêche.

Avec quel contrôle ? L'élue balaie la question : « Le contrôle est de la responsabilité de l'Etat ! En juillet dernier, lors du comité interministériel, on nous a annoncé des lecteurs automatisés des plaques d'immatriculation pour le premier semestre 2025... ».

Lire aussiZones à faibles émissions (ZFE) : Lyon, Grenoble et Strasbourg vont durcir leurs règles dès le 1er janvier

Les motards exonérés de ZFE

En plus de cet assouplissement des 52 jours, la Métropole aligne le calendrier d'interdiction des vignettes Crit'Air des véhicules professionnels sur celui des véhicules particuliers, alors qu'ils auraient initialement dû faire valoir une vignette Crit'Air 1 à 2 ou Crit'Air Vert à compter du 1er janvier 2024, et une vignette Crit'Air 1 ou Crit'Air Vert à compter du 1er janvier 2028.

« Et nous avons supprimé la mention "interdiction du diesel au 1e janvier 2028", ajoute l'élue aux mobilités actives. Ce sera au prochain exécutif de se prononcer là-dessus. »

Enfin, dernier assouplissement consenti : l'exclusion des deux-roues du dispositif ZFE. Une dérogation qui répond à une requête formulée par la fédération des motards en colère de l'Héraut (FFMC34).

« Tenant compte des spécificités des deux roues motorisées et convenant qu'elles offrent une solution de mobilité plus fluide, et par conséquent moins polluante, que la voiture individuelle à moteur thermique, Montpellier Méditerranée Métropole propose de faire droit à la demande la FFMC34 en les excluant de sa ZFE », annonçait la collectivité il y a quelques jours.

L'affichage d'une vignette Crit'Air ne sera donc pas exigé pour les deux-roues motorisés qui pourront circuler sans restriction dans la métropole languedocienne. Ce que Julie Frêche justifie en rappelant que « aujourd'hui, beaucoup de gens se déplacent en scooter, ce qui participe à la fluidité du trafic, et il existe peu de modèles de motos électriques, donc les motards sont dans une impasse ».

Lire aussiA Marseille, la ZFE devient (aussi) un problème financier

Soutien financier à la cyclo-logistique

Si elle critique l'intention de l'Etat de sortir certains territoires des obligations ZFE, l'élue montpelliéraine loue la démarche : « C'est un sujet très polémique car il impacte le portefeuille. La Métropole n'est pas responsable de la manière dont ça a été pensé mais c'est quand même la première fois qu'on s'attaque à la question de la qualité de l'air ! ».

La collectivité montpelliéraine n'est pas allée et n'ira cependant pas sur le terrain des aides à l'achat d'un véhicule électrique, comme sa voisine d'Aix-Marseille-Provence. Elle a fait d'autres choix...

« L'aides à l'achat relève plutôt de l'Etat, la compétence de la métropole, ce sont les mobilités actives et nous préférons nous concentrer sur les mesures d'assouplissement, la gratuité des transports, les aides à l'achat d'un vélo électrique, ou le soutien financier des professionnels qui veulent se mettre à la cyclo-logistique à hauteur de 1.000 euros pour l'achat d'un vélo-cargo. Aujourd'hui, nous avons accordé 69 aides à des fleuristes, des plombiers, etc. »

Lire aussiPollution : les recettes européennes de Barbara Pompili pour faire accepter les ZFE en France

La pollution de l'air à Montpellier, selon l'ATMO

Selon les derniers chiffres publiés par l'ATMO, qui surveille la qualité de l'air sur le territoire français, en juin 2023, « sur le territoire, le nombre de personnes exposées au seuil limite de dioxyde d'azote a été divisé par deux entre 2021 et 2022, avec 700 à 2.250 personnes exposées à un dépassement de la valeur limite en 2021, contre 350 à 1.300 personnes en 2022 ».

Sollicitée par La Tribune, Dominique Tilak, directrice générale d'ATMO Occitanie, rappelle qu'à Montpellier, sur la station Saint-Denis, la pollution est en diminution depuis 2021 suite à la fermeture à la circulation de l'axe routier. N'étant plus représentative d'un environnement de trafic routier tel que défini par la réglementation, elle sera fermée prochainement. La station de la Pompignane, sur laquelle les mesures NOx ont été arrêtées en février 2023 car elle n'était plus elle non plus représentative de l'environnement trafic routier requis, sera elle aussi bientôt fermée. En revanche, une nouvelle station a été installée en octobre 2023 dans le quartier Antigone. Quant à la station de l'avenue de la Liberté, mise en place en juin 2022, elle dépassera probablement en 2023 la valeur limite annuelle de 40 µg/m3.

Les Rencontres Internationales Air et Santé se dérouleront ce 6 février à Toulouse, à l'Hôtel de Région.

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 07/02/2024 à 13:57
Signaler
Les contraintes vont plus loin que les recommandations du gouvernement qui disait qu'aucune restriction supplémentaire n'était nécessaire en juillet 2023. Maurice, tu pousses le bouchon un peu loin...

à écrit le 07/02/2024 à 13:57
Signaler
Les contraintes vont plus loin que les recommandations du gouvernement qui disait qu'aucune restriction supplémentaire n'était nécessaire en juillet 2023. Maurice, tu pousses le bouchon un peu loin...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.