Faciligo et Budd It : deux parcours de startuppeuses pressées

Hind Emad et Mathilde Perraud sont à la tête de deux start-ups montpelliéraines, Faciligo et Budd It. A l'approche de la Journée internationale des droits des femmes, elles jettent un coup d’œil en arrière, sur leur parcours de jeunes créatrices d’entreprise.
Cécile Chaigneau
Hind Emad (Faciligo) et Mathilde Perraud (Budd'It)
Hind Emad (Faciligo) et Mathilde Perraud (Budd'It) (Crédits : DR)

Toutes les deux s'insurgent en chœur : pourquoi encore et toujours les interroger sur leur statut de femme à la tête d'une entreprise ? Demande-t-on la même chose aux hommes ? Évidemment non... Elles ont raison. Et en même temps, certaines de leurs réponses prouvent qu'il reste du chemin à parcourir sur la légitimité d'être femme et créateur d'entreprise...

Regards croisés entre Hind Emad, 36 ans, fondatrice de Faciligo (plateforme d'entraide entres voyageurs) et Mathilde Perraud, 29 ans, fondatrice de Budd It (application mobile de mesure de l'expérience clients en boutique), toutes les deux incubées au BIC de Montpellier.

Quand avez-vous créé votre start-up et où en est-elle aujourd'hui ?

Hind Emad : « Avec mon associé Moussa Bouasba, nous avons créé une première entreprise d'aide à la personne en 2014, avant d'en modifier la dénomination et l'objet. Elle est devenue Faciligo en 2016 et compte aujourd'hui 5 salariés en plus de nous deux. Nous avons pivoté du B2C vers le B2B2C et nous travaillons avec la SNCF, les transport urbains Keolis et Transdev, et Aéroport de Paris. Sur les 30 000 inscrits sur notre plateforme, nous comptons 60% d'accompagnants et 40% de personnes accompagnées. Nous envisageons une levée de fonds d'ici la fin de l'année, nous déployons notre solution sur l'aéroport d'Orly et nous espérons intégrer notre interface sur le site SNCF rapidement. »

Mathilde Perraud : « J'ai créé Budd It en 2018, avec deux associés, Guillaume Oudenot et Thomas de Toledo. Nous sommes 9 en tout, dont 3 salariés... Après un gros travail en amont, nous sommes en phase de développement commercial. Nous comptons déjà parmi nos clients la CCI Hérault pour faire des audits chez les commerçants ou Abrisud, et nous allons faire partie de la boutique connectée nomade organisée par la CCI Paris Île-de-France/Val d'Oise. Nous avons aujourd'hui environ 3 000 "Buddies" et espérons monter à 100 000 dans l'année. Nous devrions faire une levée de fonds d'ici fin 2019. »

Vous êtes jeunes et vous êtes des femmes. Quelle a été votre expérience de startuppeuse ?

HE : « C'est dommage qu'on pose encore cette question... J'ai pu avoir le sentiment de ne pas être crédible surtout quand on fait jeune. Mais être une femme peut aussi être un avantage : il y a forcément des jeux de séduction et certains hommes n'arrivent pas à refuser. Heureusement, aujourd'hui, beaucoup d'hommes militent pour la parité et l'égalité des salaires. Mais c'est vrai qu'il faut montrer qu'on est solide sur la durée et prouver qu'être une femme peut être un atout : c'est de la résilience, de la persévérance... Auparavant, j'étais commerciale en B2B, donc je n'ai pas de barrières pour parler business ou argent ! D'autant que je m'adresse à des fonds qui ont une stratégie par rapport à ma solution. A partir du moment où on a un discours cohérent, il n'y pas de différence. Ce sont parfois les femmes qui se mettent des barrières toutes seules... Tout est question de caractère ! »

MP : « Vis-à-vis des clients, être une femme et en plus être jeune n'inspire pas forcément la confiance. Ça peut être un avantage car on se fait remarquer. J'ai observé que les gens viennent facilement vers nous. Mais l'inverse est moins vrai : si j'ai envie d'aborder un homme important, j'ai plus de preuves à faire... Je dois prouver ma légitimité, ne rien lâcher ! Avec les structures financières, le fait d'être une jeune femme n'est pas bien perçu : on ressent un manque de confiance et de crédibilité, et c'est sous-entendu à chaque fois. »

Votre conseil aux femmes qui hésiteraient à se lancer ?

HE : « Ne pas se mettre ses propres barrières. Bien s'entourer. S'enrichir de la diversité. Toujours être posture d'apprendre. Il faut aussi un minimum de préparation et de formation pour avoir des clés. »

MP : « Développer son réseau. Se challenger, sortir de sa zone de confort. Ne pas hésiter à apprendre des autres, prendre des conseils. »

 Un regret ?

« Non ! », répondent-elles en chœur, reconnaissant toutes les deux « la chance d'avoir créé une entreprise à Montpellier, dans un environnement favorable ».

Vous avez toutes les deux été choisies pour faire partie du programme d'accompagnement « Femmes entrepreneuses » de Orange. Qu'en attendez-vous ?

HE : « Un partenariat sur le partage de nos valeurs, un accompagnement technique sur notre interface, des conseils sur la relation clients. Nous avons prévu une action de communication interne auprès des salariés qui voyagent et pourraient être accompagnants, avec un principe de cagnotte pour Orange qui serait reversée à des associations dans le cadre de sa politique RSE. »

MP : « J'ai déjà rencontré le directeur des boutiques et je verrai bientôt le responsable de la relation clients pour évaluer leurs besoins. Nous avons aussi participé à un événement interne pour rencontrer les commerciaux d'Orange. »

Questionnaire à la Proust revisité

Des figures inspirantes ?

HE : « Rachel Delacour (fondatrice de BIME et co-présidente de France Digitale) et Frédéric Salles (fondateur de Matooma). »

MP : « Catherine Barba (experte du commerce électronique et de la transformation numérique, business angel) et Céline Lazorthe (fondatrice de Leetchi et Mangopay). »

Ce que vous faites pour vous ressourcer ?

HE : « Je passe du temps avec mes enfants, j'écoute de la musique, je lis. »

MP : « Je jardine. »

L'innovation la plus utile dans votre quotidien ?

HE : « Le smartphone et l'application Slack ! »

MP : « Les réseaux sociaux et l'application Citymapper ! »

L'innovation qui vous fait peur pour l'avenir ?

HE : « Le clonage. Et tout ce qui est IA, les robots qui communiquent entre eux et une intelligence qui pourrait dépasser celle des humains. »

MP : « Tout ce qui tourne autour de la surveillance par le biais des nouvelles technologies. »

L'innovation dont vous rêveriez ?

HE : « Une manière de rallonger le temps ! »

MP : « Une machine qui exécuterait tout ce qui prend du temps et n'a pas de valeur ajoutée... »

La qualité qu'il faut pour percer dans l'innovation ?

HE : « Savoir être sur tous les fronts, professionnels et privés ! »

MP : « La ténacité. »

Votre état d'esprit du jour ?

HE : « Impatiente mais zen !»

MP : « Pressée ! »

Cécile Chaigneau

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