Montpellier fixe son cap économique 2030-2040 : l’ex-« surdouée » veut jouer collectif

Alors qu’il vient de créer officiellement l’agence de développement économique et des transitions, le président de la Métropole de Montpellier Michaël Delafosse poursuit sur sa lancée. Il organisait, ce 17 novembre, les Assises de l’économie. Objectif : fixer le cap 2030-2040 en impulsant une méthode qu’il veut collective et en définissant les filières sur lesquelles il considère que la capitale languedocienne a ses chances (numérique, santé globale, énergies renouvelables, industries culturelles et créatives, vin).
Cécile Chaigneau
Michaël Delafosse, le président de la Métropole de Montpellier, lors des Assises de l'économie le 17 novembre 2023.
Michaël Delafosse, le président de la Métropole de Montpellier, lors des Assises de l'économie le 17 novembre 2023. (Crédits : Christophe Ruiz, Ville et Métropole de Montpellier)

Dans les années 1980, le maire (PS) Georges Frêche avait joué la carte du marketing territorial avant tout le monde en lançant un slogan qui allait rester longtemps dans les esprits : « Montpellier la surdouée ». C'était la grande époque du développement de la ville, tant sur le plan urbanistique qu'économique. Plus de quarante ans après, ce slogan est resté dans les mémoires locales mais a déserté les usages. Entre temps, la ville a perdu, il y a sept ans avec la fusion des régions, le statut de capitale régionale. Aujourd'hui, à mi-mandat, le maire (PS) Michaël Delafosse, disciple de Georges Frêche, également président de ce qui est devenue une Métropole de près de 500.000 habitants, veut projeter dans le futur le destin économique de la capitale languedocienne.

C'est la raison pour laquelle Michaël Delafosse avait convié tout l'écosystème économique ce 17 novembre pour les Assises de l'économie, avec l'ambition de faire émerger une feuille de route qui donnera le cap 2030-2040. Quelque 600 personnes étaient donc réunies. Mais avant les ambitions, l'état des lieux, la méthode et des regards extérieurs.

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« En dopant l'endogène, on dope l'exogène »

Une mission a été confiée au cabinet EY : faire un diagnostic du territoire (voir encadré).

« Même si le BIC a accompagné 820 entreprises depuis 1987 pour 94,6 millions d'euros levés, ce qui est rare en France et même en Europe, la Métropole doit mieux accompagner le passage à l'échelle des acteurs de l'innovation, souligne Marc Lhermitte, senior partner chez EY. C'est un mal français mais la surdouée doit être exemplaire ! (...) La transition écologique est un impératif réglementaire, social. La Métropole a déjà engagé des politiques publiques ambitieuses sur les mobilités et l'aménagement du territoire avec la gratuité transports en commun (qui sera aboutie pour tous les habitants de la Métropole à compter du 21 décembre prochain, NDLR) et avec la réduction de 25% de la consommation de foncier. Et cette question est l'affaire du grand territoire. »

Jacques Godron est le président de l'Institut des Hautes Etudes des Métropoles, et spécialiste de l'attractivité. Il était invité à s'exprimer sur « Les enjeux et opportunités des filières stratégiques ».

« Pourquoi une entreprise choisit-elle un territoire plus qu'un autre ?, interroge-t-il. Pour attirer, il faut être "le territoire de...". De quoi Montpellier est-elle le territoire ? Les entreprises vont là où elles sont sûres de trouver du "carburant" : de la formation, des entreprises leaders, des nouvelles technologies, des entreprises secondaires, des réseaux, des événements, des services. En dopant l'endogène, on dope l'exogène. »

Outre les entreprises, un territoire se doit aussi d'attirer des habitants, et donc d'être doté « d'un aéroport, d'un quartier d'affaires, de recherche et d'enseignement supérieur, de commerces de luxe, de loisirs et d'espaces de détente, d'un tourisme d'affaires, etc. ».

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« Symbiose territoriale »

Faut-il miser sur une filière ou plusieurs ? Sauf à être imprévoyant, le territoire ne doit pas mettre tous ses œufs dans le même panier mais Jacques Godron ajoute une nuance : « Plusieurs filières, oui, mais pas des filières qui se succéderaient les unes les autres, des filières qui s'enquillent intelligemment pour que si l'une décline, on anticipe pour pousser la suivante ».

Et de préconiser, concernant le rôle de la Métropole dans cette démarche : « Elle doit soutenir les nouvelles entreprises, doper la formation, les réseaux et les événements, mais aussi anticiper la suite et aider à faire pivoter les gens d'une filière vers une autre ».

« A-t-on toujours besoin de grossir et d'attirer en métropole, est-ce compatible avec un modèle de transition viable ? », demande la salle...

« Le "big is beautiful" est un modèle périmé depuis longtemps, répond Laura Carmouze, directrice adjointe de la Chaire Attractivité d'Aix-Marseille. Non, on n'a pas besoin de grossir. Grossir pour quoi faire ? On peut plutôt parler de "coopétition", qui allie la coopération et la compétition car on ne sait pas tous tout faire. »

Jacques Godron ajoute : « Il  ne faut pas forcément grossir mais aligner tous les atouts au sein d'un secteur. De plus en plus de métropoles buttent sur le mur du million d'habitants : elles ne veulent ne pas grossir trop car ça devient invivable. Donc la question n'est pas d'être énorme mais d'être aligné, positionné, visible et donc séduisant ».

De l'intervention de l'urbaniste Emmanuel de la Masselière, on retiendra surtout la notion de symbiose territoriale : « Je pense que l'aménagement économique dépend moins de facteurs tangibles - situation géographique, infrastructures,  équipements - que de tiers facteurs que sont les ressources humaines, les mentalités collectives, les structures mentales d'un territoire, la capacité d'entreprendre, l'audace. La capacité à travailler ensemble. Je parle donc de symbiose territoriale : il s'agit de la coopération des entreprises avec le territoire, c'est à dire être "business friendly". Mais la coopération ne doit pas s'arrêter au milieu du gué : l'entreprise doit devenir une part intrinsèque du territoire. Ce qui suppose deux ruptures mentales : l'entreprise doit considérer le territoire non comme un seul partenaire mais comme un actif de son bilan, et les collectivités doivent considérer qu'elles ne sont pas dépositaires seules de la stratégie mais doivent la co-construire. Le maire-président va perdre en majesté, mais il devient le responsable du développement du territoire, le fédérateur de projets. »

« Vallée de la mort », commerce, avances remboursables

Dans une interview accordée à La Tribune la veille de ces Assises de l'économie, Michaël Delafosse avait dessiné les quelques pistes qui vont composer la feuille de route économique que veut écrire la Métropole.

« On ne part pas de nulle part, on a déjà fait plein de choses, mais on ne peut doit pas se reposer sur ses acquis, a-t-il rappelé lors des Assises de l'économie. Montpellier s'est battue et elle est aujourd'hui une des métropoles les plus attractives. Mais je veux voir au-delà du mandat et tracer une perspective pour le territoire à horizon 2030-2040. Nous co-construisons et avoir une stratégie de filières est indispensable pour dire quel développement économique nous voulons pour le territoire. »

Les filières sont pour la plupart déjà identifiées : santé global (one health), énergies renouvelables, industries culturelles et créatives (ICC), numérique, vin et le sport. Pour ce qui est des pistes, l'élu évoque d'abord le renforcement de l'écosystème de formation, pourtant déjà conséquent mais qui ne suffit pas à former les compétences nécessaires aux entreprises aujourd'hui : « C'est une faiblesses du territoire : nous disposons d'un très bon appareil de formation et d'entreprises mais on recrute souvent ailleurs. La Métropole souhaite jouer un rôle au sein de France Travail pour un dialogue plus fécond avec les acteurs de la formation ».

Autre piste : abaisser le seuil de l'innovation « pour que tous ceux qui le souhaitent puissent devenir entrepreneurs ». Mais aussi déjouer les pièges de l'hyper-métropolisation et rééquilibrer le territoire : « Tout ne peut pas se passer à Montpellier, faisons du ZAN une opportunité pour aller implanter des entreprises dans des zones fragilisées, la Métropole doit être capable de dire où et quel projet afin de relever le défi de fracture territoriale », assure l'élu qui rappelle que ce sera une mission de l'agence de développement économique et des transitions qu'il vient de créer le 8 novembre dernier, embarquant 200 communes dans la démarche.

« Le territoire est capable d'accompagner la création d'entreprises mais l'autre enjeu fondamental, c'est d'accompagner la croissance des entreprises, esquisse-t-il également. La direction du développement économique de la métropole va se staffer pour le faire et ainsi permettre aux entreprises de surmonter "la vallée de la mort". »

Le président de la Métropole annonce que la collectivité s'engage, comme le fait déjà la Région Occitanie, sur le dispositif d'avances remboursables pour les entreprises, « une rupture de paradigme complet », souligne-t-il.

En matière de commerces, la Métropole va se doter d'un schéma de développement de l'urbanise commercial (SDUC), « et nous allons créer un office du commerce pour aller chercher des enseignes », ajoute-t-il. « En lien avec la CCI », précise-t-il, puisqu'en effet, la chambre consulaire œuvre déjà à cette mission, organisant même à Montpellier, chaque année, une opération de séduction baptisée « Visio commerce »...

« Les enfants de la Surdouée sont ici »

« La Métropole doit être le premier des supporters des entreprises, de ceux qui innovent et qui créent, clame Michaël Delafosse. Les enfants de la Surdouée sont ici et à l'étranger, et nous allons créer un réseau d'ambassadeurs et travailler sur la diaspora montpelliéraine. On a connu trois crises successives qui obligent à repenser les chaînes de valeur. Dans les crises, il y a deux postures : ceux qui se plaignent et ceux qui pensent que ce sont des opportunités pour tracer des perspective... Je change la méthode : je suis le chef d'orchestre mais on doit jouer collectif, montrer un visage uni, casser les effets silo. »

La feuille de route du développement économique territorial sera délibérée le 19 décembre en conseil métropolitain, avec un calendrier de mise en œuvre.

« L'action publique, c'est dire et faire », conclut l'élu.

Quel diagnostic territorial ?

Une mission a été confiée au cabinet EY : faire un diagnostic du territoire. Marc Lhermitte, senior partner chez EY en restituait l'essentiel :

  • Economie : 69% des entrepreneurs sont optimistes sur l'avenir (un chiffre toutefois en baisse au fil des mois) et 81% des employeurs comptent moins de 9 salariés
  • Démographie : la métropole de Montpellier connaît la croissance démographique la plus dynamique des métropoles françaises : + 8,7% entre 2018 et 2023 (+ 6,2% à Toulouse, +0,4% à Grenoble). Son taux de chômage au 2e trimestre 2023 était de 9,3% (7,2% à Toulouse, 6% à Grenoble).
  • Innovation : la Métropole a choisi six filières stratégiques : santé, ICC, numérique, énergies renouvelables, agri-agro, vin.

Cécile Chaigneau

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