L’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée veut favoriser la coopération des littoraux de la Catalogne à l’Aude

SERIE Littoral (2/2) - L’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée vient de lancer un appel à projet de 5,5 millions d’euros afin de structurer la coopération transfrontalière des littoraux de Catalogne, des Pyrénées-Orientales et de l’Aude. Pour la première fois, une aire maritimo-littorale a été définie, couvrant une zone s’étendant de l’Ebre en Catalogne jusqu’à l’Aude, pour y déployer un programme de coopération cofinançant des projets innovants sur les enjeux économiques et environnementaux de ce territoire. La gestion de la vulnérabilité du littoral est l’un des axes forts.
L'Eurorégion Pyrénées-Méditerranée a validé une Aire fonctionnelle Littorale Est, qui couvre une zone s'étendant de l'Ebre en Catalogne jusqu'à l'Aude (photo).
L'Eurorégion Pyrénées-Méditerranée a validé une Aire fonctionnelle Littorale Est, qui couvre une zone s'étendant de l'Ebre en Catalogne jusqu'à l'Aude (photo). (Crédits : Conservatoire du littoral)

La France est impliquée dans 22 programmes de coopération transfrontalière européenne, sortes de laboratoires visant à apporter des réponses à des problématiques communes dans les domaines de la préservation de la biodiversité, de la mobilité, de la lutte contre le changement climatique ou même de l'emploi. Sur les territoires transfrontaliers de l'Espagne, de la France et de l'Andorre, le programme Poctefa a été doté, sur la période 2021-2027, d'un budget de 243 millions d'euros. Dans ce cadre, l'Eurorégion Pyrénées-Méditerranée (EPM) institution interrégionale (siège social à Perpignan) dont font partie la Catalogne, la région Occitanie et les Baléares, promeut des programmes de coopération plus localisés.

« Depuis plusieurs années, l'EPM fait du lobbying pour identifier des aires fonctionnelles qui permettraient de travailler sur des périmètres plus réduits, apportant ainsi une plus grande territorialité, explique Xavier Bernard-Sans, secrétaire général de l'EPM. Pour la première fois, une aire maritimo-littorale, l'Aire fonctionnelle Littorale Est, qui couvre une zone s'étendant de l'Ebre en Catalogne jusqu'à l'Aude, a été validée. Elle vient de se voir octroyer 2,3% de l'enveloppe globale, soit 5,5 millions d'euros de fonds FEDER, pour lancer un appel à projets. »

L'Aire fonctionnelle Littorale Est, qui couvre une zone s'étendant de l'Ebre en Catalogne jusqu'à l'Aude définie par l'Eurorégion Pyrénées-Méditerranée).

L'Aire fonctionnelle Littorale Est, qui couvre une zone s'étendant de l'Ebre en Catalogne jusqu'à l'Aude (© Eurorégion Pyrénées-Méditerranée).

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« Une évolution désormais inéluctable »

L'EPM a sollicité les départements de l'Aude et des Pyrénées-Orientales, les intercommunalités, les comarques catalanes concernées (niveau administratif comparables aux communautés de communes françaises) et les acteurs du Parlement de la Mer (instance animée par la Région Occitanie, fédérant et représentant la communauté maritime), afin d'établir une stratégie sur les trois années à venir. Quatre axes majeurs ont été définis.

L'un des enjeux majeurs est l'érosion du trait de côte. Les deux versants de l'Aire Fonctionnelle Littorale Est rencontrent ce même problème, aggravé par une urbanisation massive de la façade maritime depuis les années 1950.

« Cette urbanisation a eu comme conséquence la rigidification d'espaces qui étaient jadis dynamiques grâce au rôle de tampon des plages, dunes et zones humides, analyse Joan Lloret, chargé de projets Environnement, Changement climatique et Energie à l'Eurorégion. Mais l'artificialisation d'une partie importante de ces milieux a provoqué une incapacité du littoral à s'adapter aux mouvements marins. Les dunes, par exemple, représentaient une protection des terres intérieures face à la submersion marine. Les plages ont également des difficultés à se recharger en raison d'un moindre apport de sédiments des fleuves. La construction de ports a parfois entraîné une interruption de ce courant marin, favorisant l'accumulation ou la disparition du sable en fonction de la direction de la dérive littorale. Toute la côte est potentiellement concernée mais des territoires comme le delta de l'Ebre, les plages du Maresme ou certaines parties de la côte sableuse de la Catalogne du Nord présentent des situations particulièrement délicates face à cette évolution désormais inéluctable. Si l'appel à projets de l'AFLE ne permet pas, en raison de son budget relativement restreint, la mise en place de travaux d'adaptation du littoral à grande échelle, il peut néanmoins s'ériger comme un outil complémentaire de recherche de solutions. Le copartage de connaissances peut se concrétiser sur des actions pilote pouvant avoir un impact positif sur la lutte contre l'érosion côtière comme la restauration d'un système dunaire, ou la protection d'une prairie de posidonie, dont la biomasse peut s'ériger comme une barrière face à la houle qui grignote les plages. »

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« Une zone sensible qui se réchauffe 20% plus vite »

Autre enjeu d'envergure : la préservation et la restauration des écosystèmes du littoral.

« La montée des eaux, le recul du trait de côte, la pollution de la mer, la sensibilité des habitats marins à la pression d'ancrage ou encore la gestion de l'impact de l'approvisionnement halieutique sont autant de problématiques communes qu'il faut apprendre à gérer collectivement, indique Xavier Bernard-Sans. Sur une zone sensible qui se réchauffe 20% plus vite que le reste du monde, l'environnement devra être résilient pour gérer, par exemple, l'arrivée des espèces invasives qui ne connaissent pas de frontières ! Une connaissance scientifique partagée pourrait contribuer à améliorer la protection des habitats marins mais on peut aussi imaginer des propositions conjointes de la part des parcs naturels (Cap Creus, la réserve de Cerbère-Banyuls, etc., NDLR), d'ONG ou d'associations... Le projet doit permettre d'obtenir des résultats qui n'auraient pu être atteints s'ils avaient été menés d'un seul côté de la frontière. »

Sur un territoire très attractif, la gestion de la pression humaine est là aussi un enjeu capital face à l'augmentation des zones inondables habitées, la pollution par les déchets plastiques, la gestion des flux de bateaux ou encore le manque de ressource en eau.

« Ce territoire est victime de son succès, admet le secrétaire général de l'EPM. L'arrivée de nouveaux habitants et visiteurs augmente la fragilité du territoire et force les limites de sa capacité d'accueil, notamment en été. Là encore, cette réalité peut être gérée collectivement : réduction de la consommation d'eau des habitants, capacité de certaines communes à accueillir des pics de charge supplémentaires, gestion commune des résidus, travail sur les questions énergétiques ou encore la question du recyclage de l'eau dans les campings et les ports de plaisance. »

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Le cabotage, enjeu de mobilité

Le troisième axe porte sur la diversification des ressources côtières marines et terrestres pour une alimentation durable, en accord avec une plus grande viabilité économique des secteurs de la pêche, de l'aquaculture et de l'agriculture. Travail conjoint sur l'adaptation et le renforcement de la production en favorisant les approvisionnements locaux, valorisation des ressources halieutiques, étude sur les possibilités d'homogénéisation des critères de réglementation de la vente des produits de la pêche, etc. sont quelques unes des lignes d'action envisagées.

Enfin, le dernier axe porte sur l'amélioration de la mobilité transfrontalière, l'intermodalité et la mobilité douce.

« Il faut arriver à favoriser un transport de proximité du nord au sud et d'est en ouest, coordonné et efficace, analyse Xavier Bernard-Sans. Au lieu de se focaliser sur les projets de trains transfrontaliers qui ont pris du retard, pourquoi ne pas imaginer d'autres moyens de transport doux : comme le cabotage entre Port-Vendres et Port-Bou ou Rosas, une nouvelle voie marchande avec Palamos, ou des voies cyclables reliant la Catalogne à la Côte Vermeille. »

Les appels à projets sont ouverts jusqu'à fin juin et les lauréats seront dévoilés à l'automne. Le coût total éligible par projet se situe entre 500.000 euros et 1 million d'euros. Bien qu'en dehors de la zone éligible de l'Aire fonctionnelle Littorale Est (AFLE), les départements de l'Hérault et du Gard (ainsi que les îles Baléares) peuvent participer aux projets en tant que partenaires associés, mais ils ne peuvent prétendre directement aux fonds européens.

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