Agrivoltaïsme : la filière prend son élan… à tâtons

Le colloque photovoltaïque organisé le 30 mai à Montpellier par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) avait réservé un temps d’échange à l’agrivoltaïsme. Ce mode de production d’énergie, dont le décret est paru en avril dernier, prend son élan en tâtonnant, dans l’attente encore des arrêtés associés qui termineront de donner les contours du dispositif et permettront de répondre à certaines questions en suspens, notamment sur le modèle et le partage de la valeur.
Cécile Chaigneau
L'agrivoltaïsme attaque son déploiement en France mais des questions restent en suspens.
L'agrivoltaïsme attaque son déploiement en France mais des questions restent en suspens. (Crédits : Sun'Agri)

La publication, il y a un peu plus d'un mois, du décret sur le déploiement de l'agrivoltaïsme a donné le feu vert aux développeurs de projet. La course au foncier est lancée, avec des terres agricoles très convoitées et des loyers proposés aux exploitants en augmentation... C'était bien sûr l'une des thématiques abordées lors du Colloque photovoltaïque organisé le 30 mai à Montpellier par le Syndicat des énergies renouvelables (SER), avec des interrogations autour du modèle de développement collectif et du partage de la valeur. Et en premier lieu, la question, centrale, des équilibres entre activités agricole et énergétiques...

« On a aujourd'hui l'opportunité de réunir les deux filières et non de les opposer, pour répondre aux enjeux de souveraineté à la fois agricoles et énergétiques, répond Rémy Graye, responsable solaire et stockage chez RWE France. Et je veux rappeler le potentiel : exploiter seulement 1% des seules prairies en France, qui représentent 8 millions d'hectares pour l'élevage, générerait l'installation de 40 à 50 GW photovoltaïques, soit 50% des objectifs du gouvernement (100 MW de photovoltaïque à horizon 2035, NDLR)»

Mais la perspective d'un déploiement massif de ce mode de production d'énergie inquiète le monde agricole. Guillaume Jumel, directeur général d'Innergex France, énumère quelques-unes de ces appréhensions : « J'entends les craintes de déstabilisation du monde agricole : crainte sur la manne financière qui pourrait retomber sur trop peu de monde et précipiter des départs à la retraite, ou crainte de la spéculation sur les terrains qui serait un frein au renouvellement des générations d'agriculteurs. A nous de ne pas y participer ! Certaines chambres d'agriculture limitent à 10 hectares la surface qu'on peut solariser, et ça fait sens ».

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Le partage de la valeur : sujet clé

Bruno Vila est administrateur FNSEA et président de la FDSEA 66. Le syndicat agricole voit dans l'agrivoltaïsme un intérêt pour l'agriculteur, en termes de rémunérations et de pratiques culturales. Même si Bruno Vila reconnaît « des avis très partagés et des territoires qui ne veulent pas en entendre parler ».

« Il faut accompagner ceux qui veulent y aller, mais nous avons une doctrine partagée avec les chambres d'agriculture : préserver les terres agricoles et ne pas perdre de productions, ajoute le Catalan. Mais attention au partage de la valeur : il fallait un cadre, et dans ce cadre maintenant, il faut traiter ce sujet qui doit, selon nous, se faire projet par projet car toutes les situations seront différentes. Nous pensons qu'il faut que l'agriculteur ait une participation financière dans le projet pour qu'il ait un retour sur la production d'énergie afin d'améliorer ses revenus, et nous sommes d'ailleurs en train de développer un bail rural à clause photovoltaïque. »

L'une des réponses aux inquiétudes sur le partage de la valeur pourrait résider dans des projets agrivoltaïques collectifs. Comme Guillaume Jumel, c'est ce que développe Clémence Cantoni, cheffe de projet agrivoltaïque chez GLHD : « Nous accompagnons 200 exploitants sur une trentaine de projets collectifs. Chacun met une partie de sa surface agricole dans le projet, ce qui permet de ne pas déséquilibrer l'exploitation tout en atteignant une taille critique suffisante pour avoir des externalités positives. Le collectif permet aussi de mutualiser les études, tout le développement et le raccordement, de pérenniser un tissu rural, de faire de la diversification, et de partager la valeur sur un groupe et non sur une seule personne ».

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« Attention à ne pas créer un destin commun »

Toutes les questions ne sont pas tranchées et la filière comme le monde agricole attendent maintenant les arrêtés associés au décret sur l'agrivoltaïsme. Lors du colloque photovoltaïque ce 30 mai, Hermine Durand, sous-directrice du système électrique et des énergies renouvelables à la Direction Générale de l'Énergie et du Climat (DGEC), a déclaré « nous sommes en train de rédiger les arrêtés associés que nous espérons publier dans les prochaines semaines »... Parmi ces arrêtés de cadrage, figurera celui des sanctions.

« Si des synergies évidentes existent entre les mondes de l'énergie et de l'agriculture, attention à ne pas créer un destin commun, nous ne sommes pas agriculteurs et eux ne sont pas énergéticiens, souligne ainsi Guillaume Jumel. J'ai une crainte sur les sanctions si l'exploitation agricole périclite : si ça va jusqu'au démantèlement du parc agrivoltaïque, ce n'est pas finançable par les banques ! »

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Cécile Chaigneau

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Commentaires 2
à écrit le 31/05/2024 à 10:29
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Bonjour, bon encore une FBI ( fause bonne idée) , car sous les panneaux photovoltaïques rien ne pousse correctement, sa manque de soleil... Par compte l'installation de panneaux sur les bâtiments agricoles, les usines et autre bâtiment ( entrepôt, g...

le 31/05/2024 à 12:47
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Il y a un taux de couverture (en hauteur) à ne pas dépasser, le soleil bouge, et les plantes n'ont peut-être pas toujours besoin de 100% du rayonnement reçu. C'est 20% maxi je crois. Pas d'un bloc, avec des espaces libres pour laisser passer la lumiè...

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