Candidature SERM : Montpellier mise sur l’intermodalité et sur un territoire élargi et uni

La Métropole de Montpellier, la Région Occitanie, le Département de l’Hérault et huit intercommunalités viennent d’officialiser leur candidature commune sur un projet de Service Express Régional Métropolitain (SERM) sur l’aire d’attractivité montpelliéraine. Ses caractéristiques : de l’intermodalité (et pas que du ferroviaire), et une gouvernance unie sur un périmètre élargi.
Cécile Chaigneau
Le projet de SERM Montpellier Méditerranée met l'accent sur l'intermodalité, avec du transport routier urbain et interurbain, du ferroviaire et des déplacements doux.
Le projet de SERM Montpellier Méditerranée met l'accent sur l'intermodalité, avec du transport routier urbain et interurbain, du ferroviaire et des déplacements doux. (Crédits : DR)

Alors que Toulouse avait officialisé sa candidature le 24 janvier dernier, l'autre métropole de la région Occitanie, Montpellier, vient de faire de même. La lettre confirmant cette candidature avait été envoyée le 29 mars dernier et l'ensemble des collectivités participantes se sont retrouvées, ce 23 mai, pour formaliser une déclaration commune de candidature auprès de l'Etat au statut de Service Express Régional Métropolitain (SERM) pour la mise en œuvre d'un « RER métropolitain » dans l'aire urbaine de Montpellier.

La candidature du SERM Montpellier Méditerranée est portée par la Région Occitanie et Montpellier Méditerranée Métropole, en collaboration avec le Département de l'Hérault et huit intercommunalités voisines : Nîmes Métropole, le Grand Pic Saint-Loup, la Vallée de l'Hérault, le Lodévois et Larzac, le Pays de Lunel, le Pays de l'Or, Sète Agglopôle et le Clermontais. Un collectif qui constitue un réel atout pour la candidature, selon les élus, notamment Michaël Delafosse, président de Montpellier Méditerranée Métropole, qui affirme que « nous sommes au rendez-vous d'une gouvernance unie ».

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Démographie et absence d'étoile ferroviaire

Comme souvent quand on parle de logements ou de mobilités sur le territoire montpelliérain ou héraultais, un argument revient en premier, à l'origine de diverses problématiques et porteurs de forts enjeux : une démographie galopante. Le département de l'Hérault compte à ce jour quelque 1,2 million d'habitants, dont 500.000 environ sur le périmètre de la métropole montpelliéraine. Au-delà du seul périmètre de la métropole, c'est tout un bassin de vie qui s'est transformé ces dernières décennies sous cette poussée démographique. À l'horizon 2030, 170.000 déplacements par jour sont attendus sur l'aire d'attraction montpelliéraine (qui, depuis dix ans, accueille près de 11.000 nouveaux habitants chaque année), avec une augmentation de +20% du trafic routier si rien de significatif n'est opéré. Avec son lot de pollutions.

« Il faut donner une alternative aux déplacements automobiles, notamment pour les habitants du nord de l'Hérault, très dépendants de la voiture, clame Michaël Delafosse. Si on veut répondre au défi de la congestion automobile et au défi écologique, il faut que l'Etat soutienne ce projet SERM. »

D'autant que l'aire d'attractivité montpelliéraine est marquée par une forte dominante routière en raison de l'absence d'étoile ferroviaire (contrairement à Toulouse).

« Les grandes villes situées sur le littoral sont bien desservies par le ferroviaire mais quid de l'arrière-pays ?, interroge Jean-Clément Ulles, doctorant en géographie et aménagement de l'espace à l'Université Paul Valéry Montpellier 3. On est sur un no-man's land ferroviaire, sans solution de mobilité efficace pour capter les actifs. L'alternative à l'automobile est freinée par un manque d'offre de transports collectifs et par des temps de trajets trop longs. »

Autre argument : l'attractivité touristique. Olivier Bouhet, enseignant-chercheur en géographie des transports à l'Université Paul Valéry Montpellier 3, souligne que « ces territoires, fortement marqués par le tourisme, voient leur démographie grimper l'été, notamment sur le littoral où se situent de nombreuses résidences secondaires, donc le SERM doit aussi répondre à ces migrations saisonnières ».

Le maître-mot : l'intermodalité

Alors les défenseurs du SERM font un pari : si une alternative efficace et sérieuse au véhicule individuel existe, les habitants sont prêts à adapter leurs comportements (voir l'enquête IFOP/Région Occitanie en encadré). Le SERM Montpellier Méditerranée s'articulera autour d'un choc d'offres de transports collectifs en tout genre, pas uniquement ferroviaire, comprenant le renforcement des dessertes existantes, le déploiement de nouvelles infrastructures et une organisation connectée et optimisée de l'intermodalité. D'ailleurs, le préfet de l'Hérault le rappelle : « Le terme de RER métropolitain, c'est le ferroviaire mais pas seulement. La loi relative au services express régionaux métropolitain, adoptée 27 décembre 2023, définit le SERM comme une offre multimodale de services de transports avec du train mais aussi des cars à haut niveau de service, des réseaux cyclables, du covoiturage, etc. ». Le projet de SERM montpelliérain se veut donc en équilibre entre du transport routier urbain, du transport routier interurbain et du ferroviaire.

L'autre parti pris du projet est de jouer sur le périmètre de l'aire d'attractivité de Montpellier : « Les mobilités se jouent des frontières et des périmètres de vie. Il faut penser le périmètre large du bassin de vie de Nîmes à Sète en passant par Lodève... Avec ce projet, on a quitté les limites de la métropole », souligne Michaël Delafosse.

La colonne vertébrale de la mobilité sur le littoral héraultais, c'est la ligne ferroviaire littorale de l'axe Sète-Montpellier-Nîmes, dont le tronçon vers l'ouest (entre Sète et Béziers) est aujourd'hui saturé et dans l'attente de la LGV qui libérera des sillons. Sur le volet ferroviaire, le SERM Montpellier Méditerranée prévoit donc de renforcer le cadencement des trains (cible : six trains par heure en heures de pointe), d'augmenter de 24% de la fréquence des trains (+ 8 trains/jour sur le Montpellier/Nîmes ; + 12 trains/jour sur le Lunel/Sète en heure creuse et le week-end) et d'élargir les amplitudes horaires (de 5h à 23h).

La carte du projet de SERM Montpellier Méditerranée.

La carte du projet de SERM Montpellier Méditerranée.

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Cars express et bus à haut niveau de service

Le projet cible également des fréquences et amplitudes horaires importantes pour les bustram, et une augmentation du nombre de lignes de cars express (à une fréquence de 10 à 15 minutes aux heures de pointe) et de bus à haut niveau de service.


« Le projet de contournement Ouest de Montpellier intégrera une voie dédiée pour les bus et il en faut aussi sur le contournement Est, détaille Michaël Delafosse. On travaille le partage de voieries comme on l'a fait pour le vélo. L'ancienne autoroute A9 est aujourd'hui encore sous réglementation autoroutière (la concession court jusqu'en 2032, NDLR) mais on pourrait imaginer qu'une des trois voies soient dédiée au covoiturage et aux cars express. »

Le tout adossé au développement des offres de transport de rabattement (cars, bus, covoiturage et modes actifs) et de véritables pôles d'échanges multimodaux (PEM). 


Les élus expriment la forte volonté que ce nouveau projet de mobilités se matérialise par la création d'une billetterie unique.

« C'est capital pour gagner en efficacité, on va tordre le bras des directeurs des services informatiques qui nous disent que c'est impossible à faire ! », promet le président de la Métropole.

Enfin, il s'agira aussi de sécuriser les modes actifs (vélo, trottinette, marche, etc.) en poursuivant le maillage du réseau cyclable. 


« Nous avons bataillé pour que le vélo intègre les SERM et soit pensé en même temps que les autres modes de transport, afin de sortir d'une logique de concurrence au profit d'une logique de complémentarité avec les transports en commun », est venue rappeler Céline Scornavacca, vice-présidente de la fédération des usagers de la bicyclette.

Avec quel financement ?

Ce choc d'offrenécessitera un choc des investissements dans des infrastructures souvent coûteuses. Ce 23 mai, les élus n'ont pas donné de montant global. Mais un document liste des investissements entre 2024 et 2034 (travaux routiers ou ferroviaires, dont les PEM) qui, si on se risque à additionner ceux qui ont pu être chiffrés, se montent à 522 millions d'euros.

Le financement est donc l'enjeu principal de cette candidature qui, si elle est retenue parmi dix à treize autres projets SERM en France, devrait être assurée d'un soutien financier de l'Etat. Le gouvernement a promis la tenue d'une « conférence nationale des financements des SERM » avant le 30 juin 2024.

« Un premier financement de l'Etat a été décidé, de 800 millions d'euros au niveau national, ce sont des crédits qui seront dans les contrats de plan Etat-Région, et celui de l'Occitanie est en cours de négociation, mais des financements SERM sont déjà prévus, l'Etat s'est engagé à financer 50% des études liées au SERM à Toulouse comme à Montpellier », indique le préfet François-Xavier Lauch.

Les élus envisagent-ils la situation si le SERM Montpellier Méditerranée ne décroche pas la labellisation ? La Région Occitanie pourrait-elle être contrainte de renoncer à l'un de ses deux projets, entre Toulouse et Montpellier ? Jean-Luc Gibelin, vice-président de la Région Occitanie, délégué aux mobilités actives (représentant la présidente de la Région Occitanie Carole Delga, absente après une chute de cheval), promet que les deux projets seront âprement défendus et répond : « Le projet n'aurait pas le même avenir si l'Etat ne participait pas financièrement. Nous ne pouvons pas nous inscrire dans une autre logique que celle de l'engagement de l'Etat, donc nous ne nous mettons pas dans la situation où nous n'aurions pas ce financement ! ». De son côté, Michaël Delafosse, avec sa casquette de président de France Urbaine, rappelle avoir demandé un élargissement de la liste et assure que « le ministre des Transports, Patrice Vergriete, y est favorable ».

« On a besoin des deux SERM car la région a deux pôles, et les deux SERM doivent avancer ensemble, c'est un gage de cohésion », ajoute François-Xavier Lauch.

Quel calendrier ?

Sur la suite du projet, les élus s'entendent sur un point : il faut aller vite.

« Il nous faut un SERM efficace, ce qui signifie d'aller vite, martèle Michaël Delafosse. Notre SERM n'a pas vocation à se projeter pour 2040, les habitants ont besoin de solutions maintenant ! Par exemple, les bus à haut niveau de service, ça peut se faire rapidement... »

La première étape de labellisation démarre en juin sur la base d'un « dossier-minute » déposé par les territoires candidats. « Un statut officiel de SERM devrait être attribué à partir de la fin 2024 », annonce le préfet.

Quant au déploiement des différentes composantes du SERM Montpellier Méditerranée, il a été phasé en trois étapes-clés : 2024-2027 (avec notamment la ligne 5 et l'extension de la ligne 1 du tramway), 2028-2030 et 2031-2034 en lien avec mise en place de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan, Jean-Luc Gibelin précisant « on espère gagner deux ans sur ce calendrier »...

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L'enquête IFOP sur les mobilités de l'aire d'attractivité montpelliéraine

Ce que révèle l'enquête réalisée par l'IFOP pour la Région Occitanie sur les mobilités de l'aire d'attractivité montpelliéraine (auprès d'un échantillon de 800 personnes, représentatif de la population de l'Hérault et de l'agglomération de Nîmes) :

  • 23% effectuent des trajets vers Montpellier ou autour tous les jours
  • 69% montent tous les jours dans une voiture individuelle pour se rendre à Montpellier ou autour, 30% prennent le tramway, 16% les bus de ville, 12% les trains, 24% marchent et 8% prennent le vélo.
  • Durée moyenne des trajets du quotidien : 46 minutes
  • Les trois premiers critères dans le choix des modes de transport : le temps (46%), le coût (40%),l 'accessibilité (27%)
  • 49% sont prêts à renoncer à la voiture dans les trajets quotidiens
  • Les principaux freins à ce renoncement : se sentir libre, le gain de temps ou le manque d'offre de transports alternatifs, la régularité et la ponctualité.
  • Les principaux obstacles aux déplacements à vélo : l'insécurité, les risques de vol de vélo, les temps de trajet plus longs
  • A horizon 2030, 72% pensent qu'il y aura moins de voitures en ville
  • 71% sont satisfaits des transports en commun en Occitanie (64% au national)
  • 51% déclarent ont déjà renoncé à prendre un transport en commun, faute d'offre adaptée
  • 85% sont favorables au développement d'un réseau SERM en Occitanie.

Cécile Chaigneau

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