Imagerie végétale : comment la plate-forme du CIRAD peut servir le monde industriel

Le CIRAD veut booster ses collaborations avec les entreprises en proposant les services de sa plate-forme d’histocytologie et d’imagerie cellulaire végétale, unique en France. Elle pourrait favoriser la lutte contre les fraudes alimentaires par exemple.
Cécile Chaigneau
La plateforme d'imagerie cellulaire végétale du CIRAD, à Montpellier.
La plateforme d'imagerie cellulaire végétale du CIRAD, à Montpellier. (Crédits : Cécile Chaigneau)

Avec 44 microscopes et plus de 100 variétés de plantes étudiées, la plate-forme d'histocytologie et d'imagerie cellulaire végétale (PHIV) du CIRAD à Montpellier est unique en France. Créée en 2006 et mutualisée entre plusieurs établissements de recherche (le CIRAD, l'INRA, Montpellier SupAgro, le CNRS), elle dispose de 80 ans d'expertise en anatomie végétale.

« Aujourd'hui, on fait de l'imagerie sur des "plantes modèles", c'est-à-dire des plantes de laboratoire, explique Jean-Luc Verdeil, responsable scientifique au CIRAD, en charge de la plate-forme. Mais il y a une limite : on va loin dans les connaissances fondamentales, mais il faut revenir aux plantes cultivées et industrielles à partir du socle de connaissances des plantes-modèles. Nous avons donc développé des approches performantes sur les plantes cultivées. »

Structure moléculaire 3D

Le CIRAD de Montpellier a ainsi conçu, en collaboration avec des équipementiers de la microscopie, des équipements adaptés à l'étude de plantes plus importantes que les plantes-modèles. Par exemple, un automate qui découpe, positionne et scanne les échantillons en 3D et un logiciel qui rassemble les images pour former une vue 3D de la plante donnant voir de manière très précise sa structuration moléculaire.

Une démarche qui permet de mieux comprendre la croissance d'une plante, l'efficacité d'un intrant, le point d'entrée d'une maladie, de vérifier la composition et l'origine d'ingrédients végétaux ou encore d'identifier où se concentrent les principes actifs de la plante pour mieux les extraire.

Le règne végétal a de l'avenir

Mais à quoi cela peut-il bien servir qui concernerait notre quotidien ? Avec les produits agricoles et agro-alimentaires, les produits cosmétiques et la phytothérapie, les matériaux biocomposites et biosourcés qui reviennent en force, les pigments naturels dans les peintures ou les vêtements et objets du futur, le règne végétal a de beaux jours devant lui.

Pour y répondre, les entreprises cherchent et innovent, et l'imagerie peut les accompagner, dans la connaissance intime du végétal. Le CIRAD l'a bien compris et voit là une manière d'optimiser sa plate-forme d'imagerie cellulaire végétale tout en dégageant de nouvelles ressources financières.

« Nous sommes un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial, NDLR) et une partie de notre budget pas couverte par l'État, souligne Jean-Luc Verdeil. Il y a donc aussi un intérêt économique à proposer les services de la PHIV... Il y a des projets qui peuvent intéresser l'industrie. Or en France, la recherche et l'industrie sont cloisonnées, même si c'est en voie d'amélioration. Nous réfléchissons donc à comment mieux faire connaitre notre plate-forme et accrocher des industriels. Les collaborations peuvent se concrétiser par un partenariat contractuel, par la mise à disposition de la plate-forme, par des prestations de services ou de la formation. Les entreprises bénéficient d'innovation et nous, nous répondons à des problématiques concrètes. »

Lutter contre les fraudes alimentaires

A ce jour, le CIRAD a déjà travaillé avec une vingtaine d'entreprises. Le scientifique observe que « les meilleurs projets sont ceux où l'entreprise est associée dès le départ car cela permet d'accélérer la transférabilité du résultat de la recherche à l'industriel, et c'est là où est la plus-value la plus importante ».

Le 15 février dernier, le CIRAD ouvrait ses portes aux entreprises de la région Occitanie afin de faire mieux connaître sa plate-forme et favoriser de nouvelles collaborations.

Une démarche qui a suscité la curiosité du Laboratoire AQMC (25 salariés), à Saint-Aunès (34), spécialisé dans les analyses microbiologiques (moisissures, bactéries, virus) et physico-chimiques, essentiellement auprès des professionnels des secteurs agroalimentaire, cosmétique et de santé.

« Nous ne savions pas que cette plate-forme existait, déclare Valérie Rouvet, co-gérante de l'entreprise. 80 % de nos clients sont dans le secteur alimentaire et on parle beaucoup de la notion de fraude depuis l'affaire des viandes de cheval. Il y a donc de plus en plus d'exigence de contrôle pour vérifier l'authenticité des produits. Mais ce sont des équipements qui seraient trop onéreux pour nous. Avec la plate-forme du CIRAD, j'y ai vu la possibilité de nouvelles prestations à ajouter à notre catalogue, et aussi une façon de faire monter nos salariés en compétences. »

La dirigeante annonce avoir déjà discuté d'un partenariat avec le CIRAD pour opérer de la détection d'authenticité sur les farines de sarrasin : « On s'est aperçu qu'elles étaient de plus en plus couplées avec les farines de blé, et que c'est problématique du fait des intolérances au gluten. La plate-forme permettra de calibrer un échantillon pur de sarrasin et de détecter ensuite rapidement toutes les autres matrices qui contiendraient autre chose par imagerie cellulaire ».

Sur le même principe, le laboratoire envisage sur une autre collaboration possible sur l'authenticité des farines d'insectes destinées à l'alimentation animale.

« Nous voulons vérifier que dans ces farines d'espèces bien connues, il n'y a pas d'autres espèces d'insectes non référencées, explique Valérie Rouvet. Or c'est difficile par biologie moléculaire alors que par imagerie, on calibre la farine de base et on repère ensuite tout ce qui ne correspond pas à cette matrice. »

Le guayule, une plante mexicaine en Occitanie ?

Autre application concrète : le CIRAD vient de démarrer en Occitanie le projet « Agro Guayule », du nom de cette plante qui pousse essentiellement dans le désert du nord mexicain, résistante à la sécheresse et intéressante pour ses molécules naturelles dont l'extraction peut avantageusement servir la fabrication de pigments ou de caoutchouc biosourcés.

« En région Occitanie, elle pousse relativement bien et a donc été identifiée comme une plante alternative ayant un intérêt, notamment parce que la région sera une des plus impactée par le changement de températures, explique Jean-Luc Verfeil. Des pépiniéristes de la région s'y intéressent et commercialisent déjà la plante aux agriculteurs qui veulent faire un essai. Le projet est financé par l'Ademe Nous intervenons en amont pour comprendre comment la plante se reproduit et trouver les variétés les plus adaptées à l'Occitanie, avec les meilleurs rendements. »

Numériser pour sauvegarder

Enfin, pour les entreprises ou les musées disposant d'un important catalogue de lames de verre (donc fragiles et altérables), la plate-forme est également novatrice pour les accompagner dans la mise en place de collections de lames virtuelles. Il s'agit de les digitaliser et de tracer chaque échantillon par codes-barres.

« Nous avons une longueur d'avance sur ces technologies qui peuvent éviter la dégradation de lames de plusieurs centaines d'années, explique Jean-Luc Verdeil. Nous avons par exemple des contacts avec le Museum d'histoire naturelle de Paris qui est intéressé. »

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 30/04/2019 à 9:11
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JE constate que l'INRA fait des efforts en ce moment mais les gars vous allez avoir fort à faire pour vous racheter de vos nombreuses et destructrices erreurs passées que les citoyens payent très cher de leur santé et de leurs vies.

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