Ce que le label UNESCO apporte au centre international de recherche sur l’eau de Montpellier

INTERVIEW - L'International Center for Interdisciplinary Research on Water Systems Dynamics (ICIREWARD) est désormais le 3e centre international de recherche UNESCO en France. Basé à Montpellier, il réunit quelque 400 scientifiques issus de 17 laboratoires de recherche publics, et 150 doctorants. Son directeur, Éric Servat, explique les enjeux et les ambitions de la communauté scientifique sur la thématique de l’eau, sujet ultra stratégique et sensible partout dans le monde.
Cécile Chaigneau
Eric Servat, directeur de l'International Center for Interdisciplinary Research on Water Systems Dynamics (ICIREWARD) à Montpellier.
Eric Servat, directeur de l'International Center for Interdisciplinary Research on Water Systems Dynamics (ICIREWARD) à Montpellier. (Crédits : DR)

La France compte un 3e Centre international UNESCO* baptisé ICIREWARD (International Center for Interdisciplinary Research on Water Systems Dynamics), basé à Montpellier et dédié à l'eau. Officiellement créé en octobre 2020 par l'UNESCO, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et l'Université de Montpellier, le centre a été inauguré le 3 février 2021. Une vraie reconnaissance pour la communauté des sciences de l'eau montpelliéraine, animée depuis 2015 par l'Institut Montpelliérain de l'Eau et de l'Environnement. Le ICIREWARD rassemble près de 400 scientifiques issus de 17 laboratoires de recherche publics, et 150 doctorants.

La Tribune - Que représente cette labellisation UNESCO ?

Éric Servat, directeur du centre de recherche et de formation ICIREWARD - On oublie souvent que l'UNESCO est aussi une agence des Nations-Unies qui porte un vrai travail dans le domaine des sciences. Et il y a en particulier le programme hydrologique intergouvernemental, qui rassemble 160 pays environ, et l'UNESCO compte aussi une division des sciences de l'eau. L'ICIREWARD est ainsi membre de la "Water Family" de l'UNESCO, un réseau d'une trentaine de centres régionaux, de centres internationaux - comme celui de Montpellier - et de chaires sur les problématiques de l'eau dans le monde. Faire de l'Institut Montpelliérain de l'Eau et de l'Environnement un centre international de l'UNESCO nous ouvre un grand nombre de portes, élargit notre réseau et va donner plus de résonnance aux travaux des scientifiques montpelliérains.

Quelles sont les spécificités du centre de recherche ICIREWARD ?

La thématique de l'eau est un axe transversal majeur du projet scientifique global de l'I-SITE MUSE, qui est articulé autour des trois grands défis sociétaux que sont "Nourrir, Protéger et Soigner"... Notre force, c'est une approche pluridisciplinaire qui nous permet d'aborder les thématiques sous tous les angles : modélisation mathématique, physique, hydrologie, géochimie, microbiologie, biologie, économie, sociologie, anthropologie, politiques publiques, etc. L'eau, c'est le quotidien des gens, et on ne peut pas se contenter de le faire sous un seul angle. Nous avons fait de gros efforts ces dernières années pour favoriser les passerelles et interactions entre les disciplines afin de faire progresser collectivement les recherches.

Être un centre international de recherche UNESCO va-t-il vous donner des moyens supplémentaires ?

Pas directement. L'UNESCO finance rarement des programmes de recherche. Mais le fait d'être un centre UNESCO ouvre plus facilement les portes de certains bailleurs de fonds internationaux ou de grandes fondations privées internationales. Et l'UNESCO nous aidera sur les grandes conférences que nous organiserons, notamment par exemple pour les rendre accessibles à des collègues des pays du Sud qui n'auraient pas les moyens de venir.

Comment résumer les grands défis du siècle autour de l'eau, auxquels la recherche s'attaque ?

Disposer d'une ressource suffisante, et suffisante également en qualité, développer des systèmes permettant à l'agriculture de nourrir la planète, et se prémunir contre les risques hydrologiques, tout ça dans un contexte de démographie croissante, d'urbanisation galopante et de changement climatique.

Quels sont les thèmes que porte l'ICIREWARD ?

Nous nous inscrivons dans les thèmes privilégiés par le programme hydrologique intergouvernemental de l'UNESCO : les catastrophes liées à l'eau et le changement hydrologique, les eaux souterraines, la rareté et la qualité de l'eau, l'eau et les établissements humains du futur, l'éco-hydrologie et l'éducation relative à l'eau. Et nous avons cinq axes complémentaires, comme l'étude du fonctionnement à grande échelle des hydrosystèmes pour évaluer l'évolution de la disponibilité et de la qualité des ressources en eau dans le cadre du changement climatique, les nouvelles approches d'acquisition de données et d'informations pour la caractérisation des socio-hydrosystèmes, ou encore les dynamiques sociales et compromis entre les divers usages des ressources en eau.

Pouvez-vous citer un ou deux programmes de recherche en cours ?

MUSE vient d'accorder des financements à deux programmes. Le premier, porté par les laboratoires Hydro Sciences Montpellier et G-EAU : la collaboration entre scientifiques montpelliérains et scientifiques d'Afrique de l'ouest subsaharienne pour redéfinir ce que sont aujourd'hui, compte tenu du changement climatique, les normes hydrologiques. Il s'agira de mieux anticiper les réserves en eau ou de mieux anticiper les événements extrêmes dans des pays où on manque de moyens et où il est important de faire les bons choix... Le second programme porte sur le traitement des eaux pour améliorer leur qualité et le traitement des eaux usées. Les laboratoires IEM (Institut européen des membranes, ndlr) et LBE à Narbonne (Laboratoire de biotechnologie de l'environnement, ndlr) travaillent sur le pourtour méditerranéen avec les les équipes scientifiques des pays du Maghreb.

Et sur le volet formation ?

Il existe déjà plein de choses mais il y a aussi beaucoup à faire... Nous avons plusieurs objectifs. Le centre de recherche international ICIREWARD va contribuer à la promotion à l'international des formations que nous proposons, pour attirer des étudiants. Nous voulons travailler avec des établissements des pays du nord ou des pays du sud pour construire des diplômes d'établissement (DE, ndlr), qui sont des certificats de spécialisation dans des domaines spécifiques. Il existe déjà à Montpellier un DE Développement durable et responsabilité sociétale, et nous venons d'en monter un avec l'Université de Côte d'Ivoire sur l'expertise numérique pour la protection des populations et des milieux dans les métropoles du sud... Par ailleurs, il existe parmi les chaires, des acteurs très engagés dans la formation. Par exemple la chaire "Eau, femmes et pouvoir de décision" à Abidjan, et l'idée serait de développer un partenariat avec eux pour faire en sorte d'être vigilant sur la question du genre et de la parité dans les formations.

* Le premier avait été créé dans les années 1970 sur le domaine des mathématiques appliqués, et en janvier 2021, l'UNESCO a signé un accord avec le ministère français de l'Éducation nationale pour faire de l'Office for Climate Education (OCE) à Paris un centre international de l'UNESCO.

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 06/02/2021 à 10:13
Signaler
En fin de compte cela mâche le travail des multinationales dans leur fabrication de rente au dépend des populations!

à écrit le 06/02/2021 à 8:59
Signaler
New York, meilleur eau du robinet du monde du fait d'une filtration naturelle par le sol.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.