Pourquoi le CNRS et Michelin ont créé le laboratoire commun HydrogenLab

Un laboratoire de recherche public/privé, porté par le CNRS (Institut Charles Gerhardt de Montpellier) et le groupe Michelin pour travailler sur des matériaux vertueux et innovants destinés à la filière hydrogène. C’est l’ambition de l’HydrogenLab créé à Montpellier. Il vient d’être officiellement lancé, bien qu’existant depuis une petite année déjà.
Cécile Chaigneau
Deborah Jones, directrice de recherche au CNRS, à l'Institut Charles Gerhardt Montpellier, et Fabien Gaboriaud, directeur de recherche Matériaux chez Michelin.
Deborah Jones, directrice de recherche au CNRS, à l'Institut Charles Gerhardt Montpellier, et Fabien Gaboriaud, directeur de recherche Matériaux chez Michelin. (Crédits : DR)

Laboratoire de recherche pluridisciplinaire, l'Institut Charles Gerhardt Montpellier (ICGM), qui rassemble près de 500 personnels, contribue au développement des recherches en chimie afin de concevoir des matériaux fonctionnels complexes innovants pour des applications dans les domaines de la santé, de l'environnement et de l'énergie.

Alors que, le 13 juin dernier au CNRS de Montpellier, était inauguré le bâtiment Chimie Balard Recherche, considéré comme la plus grande opération immobilière dédiée à la recherche en chimie en France, le CNRS et l'industriel Michelin lançaient officiellement leur laboratoire commun HydrogenLab, réunissant la direction opérationnelle R&D de Michelin et l'Institut Charles Gerhardt de Montpellier.

Créé il y a déjà un an environ, ce laboratoire ambitionne de répondre à des défis industriels majeurs de la filière hydrogène. Il vise à fédérer les compétences de la recherche publique et de la recherche industrielle pour imaginer des matériaux vertueux et innovants pour la filière montante de l'hydrogène, en particulier de nouveaux matériaux de cœur de pile à combustible et d'électrolyseur.

« Il faut prendre de l'élan »

« Le groupe Michelin a une activité de recherche importante pour identifier les défis technologiques de demain et donc identifier les défis scientifiques associés, souligne Fabien Gaboriaud, directeur de recherche Matériaux chez Michelin (et ancien chercheur du CNRS). Si on résout les questions scientifiques complexes, on peut mieux innover et dépasser les technologies actuelles. C'est la raison pour laquelle, depuis une quinzaine d'années, Michelin a mis en place des collaborations étroites avec des laboratoires publics, en particulier avec le CNRS. L'HydrogenLab est le 7e*... On est là sur des pas de temps de cinq à dix ans, de façon à se donner l'opportunité de résoudre ces défis scientifiques et technologiques. »

L'hydrogène fait bien évidemment partie des thématiques de recherche auxquelles s'intéresse Michelin : « Nous regardons large pour explorer les terrains de jeu de valorisation de nos recherches bien au-delà de nos business actuels. Par exemple, dans l'écosystème hydrogène autour des piles à combustible et des électrolyseurs, nous travaillons sur les matériaux utilisés pour les assemblages membranes/électrodes qui sont des matériaux que l'on connaît déjà. L'idée, c'est d'utiliser nos savoir-faire sur ces nouveaux matériaux pour de nouveaux business. Ce sont des sujets exploratoires. Sur les questions de développement des matériaux, il faut prendre de l'élan ! ».

« Le groupe Michelin a pris contact avec nous : il recherchait un partenaire pour développer leurs activités sur les sciences et technologies de l'hydrogène, ajoute Deborah Jones, directrice de recherche au CNRS, à l'Institut Charles Gerhardt Montpellier. La convergence de leurs objectifs avec notre expertise scientifique a permis de mettre en place un laboratoire commun entre l'Institut Charles Gerhardt Montpellier et Michelin.  Nous travaillons sur les matériaux utilisés dans les piles à combustibles et les électrolyseurs pour améliorer leurs performances et leur durabilité, avec des objectifs ambitieux à moyen et long terme. Un des enjeux pour la filière hydrogène est de remplacer des matériaux critiques, tels que des métaux nobles comme le platine ou l'iridium, dont les ressources sont limitées et localisées uniquement dans certaines régions du monde. Nous cherchons donc à diminuer les quantités utilisées, à identifier des solutions moins onéreuses en remplaçant, entre autres, la membrane fluorée par d'autres types de polymères. Le tout sans perdre de vue les perspectives de mise à l'échelle et d'industrialisation. »

Premiers résultats à l'automne

Sur les moyens mis en œuvre pour constituer et faire tourner le laboratoire HydrogenLab, aucun élément d'ordre financier n'est communiqué par Michelin ou par le CNRS. Fabien Gaboriaud indique que le laboratoire commun est configuré pour « accueillir cinq à huit étudiants en thèse ou post-doctorants, avec l'accompagnement des équipes de Deborah Jones et de Michelin ».

« L'équipe du laboratoire commun, c'est 30 à 40 personnes au total, entre Michelin et l'ICGM, précise Deborah Jones. L'HydrogenLab est initialement créé pour quatre ans mais nous prévoyons déjà de prolonger de quatre années supplémentaires. Nous avons déjà recruté les doctorants et les post-doctorants. Leurs premiers travaux sont encourageants et ils seront présentés en octobre, dans deux prochains congrès. Outre les publications scientifiques, la valorisation des recherches par des brevets est aussi une priorité mais il est encore un peu tôt pour en parler. »

L'HydrogenLab pourrait-il générer, par exemple, des synergies avec le projet Genvia, future gigafactory de fabrication d'électrolyseurs haute température destinés à produire de l'hydrogène décarboné compétitif, à Béziers (Hérault) ?

« Ce ne sont pas les mêmes technologies de matériaux, c'est un autre pari, répond Fabien Gaboriaud. Dans le futur de l'hydrogène, c'est pas une technologie qui l'emportera sur une autre car les ressources nécessiteront une pluralité de technologies, on aura besoin de tout le monde. »

Deborah Jones ajoute : « Nous sommes convaincus que l'hydrogène décarboné est une des clés de la transition énergétique, que ce soit pour les transports, en particulier les mobilités lourdes, ou pour la décarbonation des différents secteurs de l'industrie ».

* Les autres laboratoires communs de Michelin sont : ItemmLab (Univ.bordeaux, CNRS), FactoLab (UCA CNRS), SiMatLab (UCA CNRS CHU), ChemistLab (UCBL, CNRS, INSA, CPE), SteerLab (Centrale, UP, CNRS, ENS) et HydrogenLab (UM, CNRS, ESCM).

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 20/06/2023 à 8:01
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Parce que le cnrs même s'il a été dépecé lui aussi par nos politiciens reste plus que pertinent dans ce monde guidé par les délires marchands.

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