Hydrogène : à Béziers, Genvia inaugure sa ligne pilote de fabrication d’électrolyseurs

Une nouvelle étape est franchie à Béziers, où s’écrit un pan de l’histoire industrielle française autour de l’hydrogène avec le projet Genvia. Cette entreprise de partenariat technologique publique-privée, qui va fabriquer des électrolyseurs haute température sur la base d’une technologie de rupture, destinés à produire de l’hydrogène décarboné compétitif, a inauguré sa ligne pilote de production le 8 juin. Une préfiguration du projet de gigafactory qui se dessine derrière et signe la réindustrialisation du territoire biterrois.
Cécile Chaigneau
La ligne pilote automatisée de fabrication d'électrolyseurs haute-température, inaugurée le 8 juin 2023 sur le site de Genvia à Béziers, est un point d'appui de transfert de technologie et va permettre de tester et valider de nouveaux processus de production avant de les déployer à échelle industrielle.
La ligne pilote automatisée de fabrication d'électrolyseurs haute-température, inaugurée le 8 juin 2023 sur le site de Genvia à Béziers, est un point d'appui de transfert de technologie et va permettre de tester et valider de nouveaux processus de production avant de les déployer à échelle industrielle. (Crédits : Genvia)

Genvia, bras armé du déploiement industriel d'une technologie de rupture de production d'hydrogène mise au point par le CEA Grenoble, inaugurait, le 8 juin sur le site de l'usine Cameron-Schlumberger de Béziers (Hérault), sa ligne pilote automatisée de fabrication d'électrolyseurs haute température.

Genvia est une entreprise de partenariat technologique publique-privée entre Cameron-Schlumberger, le CEA Grenoble, Vinci Construction, Vicat et la Région Occitanie (via l'AREC Occitanie). Son objet : l'industrialisation à grande échelle de la technologie innovante d'électrolyseurs, développée par le CEA Grenoble, afin de permettre la production massive et à des coûts compétitifs d'hydrogène décarboné. Objectif : la décarbonation de l'industrie « dont l'hydrogène est la clé de voute », martèle Florence Lambert, la présidente de Genvia.

Deux ans après que la commission européenne a approuvé la création de cette société conjointe, le projet continue de se déployer, préfiguration de la future gigafactory qui doit être créée sur le territoire biterrois.

Il est prévu que les actionnaires signent un nouveau plan d'investissement en 2024. Quant à la question du foncier nécessaire (environ 200 ha) pour implanter ce vaste outil industriel, il devrait être dévoilé fin 2023, selon une source proche du dossier.

Tester, valider, réduire les risques

La ligne pilote automatisée de fabrication d'électrolyseurs haute-température est en quelques sortes l'acte 2 du projet industriel, après la création de l'atelier-pilote à l'automne 2021, qui a servi à valider le transfert de technologie. Aujourd'hui, Genvia emploie 120 personnes sur trois sites : Béziers (siège social et ligne pilote), Grenoble (centre de recherche sur le site du CEA) et Clamart (équipe d'ingénieurs).

Cette ligne pilote est un point d'appui de transfert de technologie - tester et valider de nouveaux processus de production avant de les déployer à échelle industrielle, réduire les risques et les erreurs liés à la mise en place de la production de masse - mais aussi à terme d'apprentissage et de formation.

Sa capacité théorique de production est de quelques mégawatts par an et montera progressivement en puissance jusqu'à une centaine de mégawatts.

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Un démonstrateur chez ArcelorMittal en Lozère

Les trois prochaines années s'inscrivent dans une phase de développement et de dérisquage de la technologie appliquée sur sites industriels. Après la ligne pilote, les équipes de Genvia vont donc travailler à un démonstrateur.

« En 2023, nous aurons une vision système car le premier démonstrateur sera testé sur le site de Béziers, avant d'être transferé à Grenoble pour des tests sur des temps plus longs (2023-2024, NDLR), précise Florence Lambert. Ce faisant, nous aurons multiplié notre taille de système par 100 depuis notre création. »

Viendra ensuite le temps d'un démonstrateur en conditions réelles qui sera installé, en 2025, sur le site du sidérurgiste ArcelorMittal, à Saint-Chély-d'Apcher (Lozère).

« L'électrolyse de puissance est souvent le sous-produit de l'énergie, et faire de la haute température, c'est donc s'insérer dans les process de nos partenaires à venir et aller rechercher des points chauds pour valoriser la chaleur produite par nos partenaires industriels afin d'atteindre des rendements extraordinaires », rappelle la présidente de Genvia.

Karina Velloso Rodrigues, executive support to vice-president Climate Change Europe chez ArcelorMittal Europe, rappelle les ambitions de décarbonation du sidérurgiste qui utilise actuellement du charbon, émetteur de CO2, dans ses hauts fourneaux : « Notre objectif 2030 est de décarboner nos process à hauteur de -35% en Europe et d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Nous agissons sur trois leviers : l'utilisation de l'acier usagé dans nos processus, une véritable révolution industrielle en substituant les processus actuels avec les hauts fourneaux par des outils qui utilisent de l'hydrogène, et la capture du CO2 pour le stocker ou le réutiliser. L'acier s'inscrit dans un marché mondial avec une forte compétitivité, or le démonstrateur de Genvia a l'avantage de venir aussi sur le champ de l'économie circulaire car il récupère la chaleur fatale pour fabriquer l'hydrogène, et rendre tout ça plus compétitif ».

La suite de l'histoire industrielle de Genvia, c'est « poser la première pierre en 2026 d'une factory qui deviendra giga et cette ligne sera alors multipliée par 12 pour atteindre l'équivalent d'1 GW d'électrolyseurs », annonce Florence Lambert.

A partir de 2026, Genvia lancera son premier produit, l'H-Pod 600 (600 kg/jour), d'abord en interne puis auprès d'autres partenaires.

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La revanche de Béziers

L'inauguration de la ligne pilote ce 8 juin s'est faite en présence de tous les partenaires et soutiens publics et privés de Genvia. A grand renfort de discours...

« La Région Occitanie a été pionnière en lançant une stratégie hydrogène dès le début de mon premier mandat avec, dès 2019, le plan Hydrogène vert doté de 150 millions d'euros, aime à rappeler Carole Delga, la président de la Région Occitanie. La Région a décidé d'être actionnaire de la co-entreprise et investit pour développer cette filière, notamment par exemple avec l'ouverture, d'ici fin 2025 à Toulouse Francazal, du Technocampus hydrogène Occitanie, plus grand centre européen de recherche, d'essai et d'innovation technologique dédié à l'hydrogène vert. »

Le maire de Béziers et président de l'agglomération Béziers Méditerranée croit tenir là la revanche de cette ville moyenne de l'Hérault, souvent présentée comme condamnée au déclin : « C'est une espèce de rédemption pour cette ville ! On nous a longtemps expliqué qu'on était une ville moyenne, pas universitaire, industrielle avec un savoir-faire qui sentait le passé et non l'avenir, loin des capitales régionales ! Or aujourd'hui, l'indépendance du pays se construit aussi dans des terres industrielles. Et notre 2e atout important, c'est qu'on a du foncier ! ».

« La France marque des points »

Après de courtes vidéos d'Agnès Panier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'Industrie, la parole était donnée à Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement, en charge de France 2030, présent ce 8 juin à Béziers.

« L'innovation apporte des réponses aux défis énergétiques ou climatiques, et cela aura un impact sur l'aménagement du territoire, pour des villes comme Béziers qui étaient entrées en sommeil et qu'on réveille, déclare-t-il. Non, la France n'a pas décroché ! Quand la France fait équipe, elle marque des points. Genvia est l'exemple parfait d'une chaîne de valeur qui s'est coordonnée grâce à l'énergie associée de tous ses partenaires. C'est la preuve qu'on peut gagner les championnats du monde de l'hydrogène. »

Le gouvernement affiche une ambition de production d'hydrogène décarboné de 6,5 GW de puissance installée d'ici 2030.

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Des financements publics

Genvia a bénéficié d'une subvention de l'Etat de 2,55 millions d'euros dans le cadre de l'appel à projets "Soutien à l'investissement industriel dans les territoires". Le projet fait partie des dix projets industriels français sélectionnés dans le cadre d'un PIIEC (Projet important d'intérêt européen commun) en septembre 2022, pour lesquels l'Etat français mettra 2,1 milliards d'euros sur la table. Par ailleurs, Genvia est lauréate de l'appel à projets "Briques technologiques et démonstrateurs hydrogène" opéré par l'Ademe dans le cadre de France 2030 et s'est vue attribuer une aide de 4,39 millions d'euros.

Cécile Chaigneau

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