ForProf veut créer des brigades de remplacement de professeurs des écoles

L’organisme de formation gardois ForProf, qui prépare au concours de recrutement des professeurs des écoles, lève 3,5 millions d’euros. Outre la sortie de son actionnaire historique (la famille fondatrice de ForProf), l’organisme se donne des moyens pour développer son offre de formation continue dédiée aux enseignants déjà en poste. Une démarche confortée par la crise de l’attractivité que traverse l’Education nationale et qui se traduit par le recrutement de professeurs des écoles contractuels en mal de formation. ForProf s’attaque aussi à un projet ambitieux : créer une agence de recrutement qui mettrait à disposition des professeurs remplaçants pour les écoles primaires publiques ou privées...
Cécile Chaigneau
L’organisme de formation gardois ForProf prépare au concours de recrutement des professeurs des écoles et propose une offre de formation continue pour les enseignants du premier degré.
L’organisme de formation gardois ForProf prépare au concours de recrutement des professeurs des écoles et propose une offre de formation continue pour les enseignants du premier degré. (Crédits : DR)

Voilà vingt-six ans que l'organisme de formation gardois ForProf (basé aux Angles) prépare les postulants-enseignants du 1er degré au concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE) et propose aux professeurs en poste de la formation continue.

« Nous accompagnons beaucoup de personnes en reconversion, environ 90%, qui souvent aujourd'hui sont dans une quête de sens, raconte Brigitte Buisson, l'un des trois cadres dirigeants (avec Aurélie Lempérière et Patrick Petit) qui ont repris l'entreprise en 2016, après le décès du fondateur Patrick Foglia. Nous formons environ 2.000 stagiaires chaque année, soit 65.000 au total depuis la création de ForProf. »

L'organisme, qui revendique une réussite de sept stagiaires sur dix au CRPE, propose une formation avec des cours en présentiel « via un réseau de 84 centres en France » (des salles de réunions louées au besoin, en fonction du nombre de stagiaires) et en distanciel, dispensés par quelque 300 formateurs « maîtres-formateurs, conseillers pédagogique et inspecteurs de l'Education nationale, actifs ou à la retraite », précise Brigitte Buisson.

ForProf a également développé une offre de formation continue pour accompagner les professeurs des écoles du secteur public et privé, baptisée La Fabrique du Prof. L'organisme s'appuie sur un constat : la démission de certains enseignants, en mal de formation, durant les premières années de prise de fonction.

« On observe ces démission en particulier chez les personnes qui ne sont pas formées à la pédagogie ou qui ne sont pas suivies, note Brigitte Buisson. Avec La Fabrique du Prof, nous accompagnons les enseignants sur l'aspect pratico-pratique de prise en main d'une classe. »

Crise structurelle de l'attractivité du métier d'enseignant

La situation de crise de vocation que traverse l'Education nationale depuis quelques années vient renforcer le modèle de ForProf. Dans un rapport publié en février 2023, la Cour des comptes indique qu'entre 2017 et 2021, en moyenne annuelle, « il aurait manqué un peu plus d'un millier de postes, entraînant le recrutement de professeurs non titulaires ». En 2022, quelque 4.000 nouveaux contractuels ont été recrutés et pour la rentrée 2023, les 17.000 postes ouverts ne seront pas pourvus et un millier d'enseignant pourrait manquer. Le syndicat SNUipp-FSU évoque une « crise structurelle de l'attractivité du métier d'enseignant »...

Alors que les nouveaux recrutés n'avaient bénéficié que de quelques jours de formation avant la rentrée 2022, le ministère de l'Education Nationale assure néanmoins avoir aujourd'hui mis en place des écoles académiques de la formation continue, avec un accompagnement pédagogique et humain, en présentiel et en distanciel, au début et tout au long de l'année.

Mais le recrutement de contractuels, qui ne sont donc pas passés par le concours de recrutement des professeurs des écoles, ouvre un potentiel boulevard à des organismes comme ForProf et son offre La Fabrique du Prof.

Des formations privées, en général une semaine durant les vacances scolaires, que doivent s'autofinancer les enseignants en quête d'un accompagnement...

« Nous développons des partenariats, avec par exemple des mutuelles qui accompagnent des enseignants, et nous avons déposé une demande de certification d'enseignement avec le numérique en classe pour que les enseignants puissent faire financer une formation via leur CPF (compte personnel de formation, NDLR) », indique Brigitte Buisson.

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La Fabrique du Prof en Afrique

L'organisme gardois, qui emploie 24 équivalents temps plein (et ne communique pas sur son chiffre d'affaires), vient d'annoncer avoir levé 3,5 millions d'euros. Il s'agit notamment d'accompagner la sortie des membres de la famille Foglia, fondatrice de ForProf. La société de capital-investissement NextStage AM, qui investit dans des PME-PMI de la santé intelligente, de l'innovation environnementale et du digital, rejoint au capital de l'entreprise gardoise les deux actionnaires historiques, BNP Paribas Développement de Sofilaro, qui ont renouvelé leur confiance à ForProf.

La levée de fonds va aussi apporter de nouveaux moyens à l'organisme, qui indique vouloir accélérer sur la commercialisation de La Fabrique du Prof et de son offre ForProf School, créée en 2022 à destination des entreprises qui souhaiteraient offrir (tout ou partiellement) un soutien scolaire aux enfants de leurs salariés.

« Nous voulons développer La Fabrique du Prof, notamment pour répondre à des besoins émergents dans certains pays de la francophonie, plus particulièrement en Afrique où des écoles privées qui travaillent sous programmes français ont besoin de renforcer la formation des enseignants recrutés localement », précise Brigitte Buisson.

« C'est un sujet très politique »

Enfin, ForProf souhaite financer un autre projet qui s'annonce au long cours : la création d'une agence de recrutement spécialisée « qui mettrait à disposition des professeurs remplaçants formés et évalués » pour les écoles primaires publiques ou privées.

« Nous avons un réseau de 65.000 professeurs, et trois stagiaires sur dix qui suivent notre préparation au concours ne réussissent pas donc nous aimerions proposer ces personnes qui ont des bases solides pour faire des remplacements dans les écoles du premier degré », explique la dirigeante.

A la question de l'absence de qualification des personnes non titulaires du CRPE, Brigitte Buisson répond que les contractuels que l'Education nationale recrute désormais pour pallier un nombre insuffisant d'enseignants ne sont pas non plus formés, « alors que les personnes que nous proposerions ont le niveau requis et une formation d'un an avec ForProf, elles savent donc ce que c'est d'enseigner, la pédagogie, la didactique, etc. ».

La mise en place d'une telle offre s'annonce complexe.

« Nous essayons de la construire avec le ministère de l'Education nationale, mais ça va être long, reconnaît Brigitte Buisson. Déjà, nous nous adressons au secteur public alors que nous sommes un organisme privé... Nous avons entamé des discussion avec le DRH de l'Education nationale, qui reconnaît qu'il y a des choses à faire mais ce sujet est très politique. On ne prétend pas tout résoudre mais contribuer à améliorer le remplacement des enseignants dans les écoles. Et si ça ne fonctionne pas, on le fera sans eux dans les écoles privées et les écoles françaises à l'international. »

Cécile Chaigneau

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