Congrès des experts-comptables à Montpellier : « Notre profession entre dans une nouvelle ère » (P. Castanet)

INTERVIEW – Le 78e congrès national des experts-comptables prend ses quartiers à Montpellier du 27 au 29 septembre. Trois jours pour évoquer les évolutions, voire les révolutions de la profession, attendue notamment sur l’accompagnement au déploiement de la facturation électronique dans les entreprises. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire est annoncé le vendredi matin 29 septembre et Olivia Grégoire, la ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, devrait, quant à elle, s’exprimer en vidéo ce mercredi 27 septembre. Le président du Conseil de l’ordre des experts-comptables d’Occitanie, Pascal Castanet, fait le tour des enjeux d’une profession en plein virage.
Cécile Chaigneau
Pascal Castanet, président du Conseil régional de l'ordre des experts-comptables d'Occitanie.
Pascal Castanet, président du Conseil régional de l'ordre des experts-comptables d'Occitanie. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Le 78e congrès annuel des experts-comptables se tient cette année à Montpellier à l'Arena, du 27 au 29 septembre. Vous vous attendez à une fréquentation record de votre profession. Pourquoi, selon vous ?

Pascal CASTANET - Nous avons dépassé les 7.200 inscrits, ce qui est un record puisque les précédents congrès ont atteint un peu plus de 5.000 participants en région et jusqu'à 6.200 quand il s'est tenu à Paris... Sur les 1.986 experts-comptables que compte l'Occitanie, 60% seront là. Nous enregistrons aussi un record du nombre de partenaires qui, cette année, sont plus de 200. La thématique sur la facturation électronique et la data y est à mon avis pour beaucoup. La profession prend un virage et entre dans une nouvelle ère, et ces questions de stratégies sont très structurantes pour nos cabinets. Les experts-comptables sont donc preneurs d'échanges sur le sujet. Beaucoup d'ateliers sont prévus sur ces questions.

Fin juillet, le gouvernement a annoncé le report de l'entrée en vigueur de la facturation électronique généralisée à toutes les entreprises, initialement prévue au 1er juillet 2024*. Que pensez-vous de ce report ?

Pour le moment, nous n'avons pas les nouvelles échéances. C'est la loi de finances 2024 qui doit fixer le nouveau calendrier. Il est probable que le Conseil des ministres de ce mercredi (27 septembre - NDLR) entérine les nouvelles dates... Mais je considère que c'est dommage de reporter cette échéance. Désormais, les entreprises que nous étions en train de sensibiliser et de briefer sont susceptibles de se dire qu'elles ont le temps ! Alors que c'est un chantier majeur. Je rappelle que 60% des TPE-PME éditent encore leurs factures sur papier via Excel ou Word... L'enjeu pour toutes, c'est le choix de la plateforme pour émettre des factures électroniques. Il existe la plateforme publique, et les experts-comptables ont créé leur propre plateforme mais nous attendions pour le début 2024 la liste des opérateurs privés qui en proposeront aussi une... L'Ordre des experts-comptables demande au moins que cette liste soit mise à jour, ainsi que l'annuaire des entreprises pour que celles qui sont prêtes puissent faire leur choix et commencer à émettre. Je considère que ce report est davantage un report fiscal puisque je rappelle que l'objectif de la facturation électronique est que l'administration fiscale puisse récupérer de l'information et pré-remplir les données TVA pour éviter la fraude fiscale. Mais on peut aussi se dire que si ça doit se passer comme pour le guichet unique avec l'INPI (l'Institut national de la propriété industrielle, chargé par l'État de créer ce guichet - NDLR), c'est plutôt une bonne nouvelle. Ce sera peut-être un mal pour un bien !

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire est annoncé vendredi matin 29 septembre. Dans ce contexte, qu'est-ce que les experts-comptables auront à lui dire ?

Nous aurons surtout une question à lui poser. Le passage à la facture électronique est un enjeu majeur de la profession : comment compte-t-il nous aider à anticiper un accompagnement des entreprises à son adoption ?

La présidente nationale des experts-comptables, Cécile de Saint Michel, évoque la mise en place prochaine d'un data-lake de la profession comptable afin d'être en mesure de produire des indicateurs dans le domaine économique mais aussi dans le domaine de la RSE, en exploitant toutes les données contenues dans les factures électroniques produites par les entreprises. De quoi s'agit-il ?

On le sait, c'est bien d'avoir de la data mais encore faut-il pouvoir l'exploiter. Le data-lake sera un ensemble d'outils qui seront proposés à la profession pour exploiter ces données et favoriser le pilotage des entreprises. Le sujet est déjà bien avancé mais il est bien sûr conditionné à la mise en oeuvre de la facturation électronique.

Votre profession est en train de se transformer, et la facturation électronique rendra du temps à vos collaborateurs. Les cabinets d'expertise comptable sont-ils en train de repenser leur stratégie ?

Oui, notre profession connaît une transformation profonde. La facturation électronique va nous dégager du temps sur les tâches répétitives, la saisie des données va se simplifier. Les cabinets pourront proposer aux entreprises des prestations de conseil et d'accompagnement, c'est à dire revenir à la base de notre métier. Nous avons sensibilisé un maximum de cabinets sur le sujet, et on est tous en réflexion, d'où la fréquentation importante attendue au congrès. L'objectif est d'accompagner tout le monde. Le Conseil régional de l'Ordre en Occitanie a ses propres ambassadeurs de la facturation électronique pour aller aussi au contact des entreprises... Et la profession a engagé un grand chantier : le plan "Profession Comptable 2030" pour accompagner les cabinets et leurs collaborateurs dans cette mutation, avec un budget alloué de 4 millions d'euros. Il s'agit de proposer à nos collaborateurs des parcours de formation en présentiel et en e-learning.

Cette mutation pourrait-elle aboutir à une réduction de vos besoins en effectifs ?

Aujourd'hui, nous n'arrivons pas à trouver des collaborateurs donc cette évolution risquerait plutôt de solutionner nos problèmes... Le changement inquiète toujours mais nos collaborateurs seront accompagnés pour évoluer. Et je suis persuadé que les missions intéressantes que nous proposerons redonneront un sens à notre métier et donc de l'attractivité.

Justement, comment la profession agit-elle pour parer les difficultés à recruter qui touchent aussi les cabinets d'expertise comptable ?

Les jeunes attendent aujourd'hui de trouver un sens à leur travail. A nous de rappeler que nous sommes le conseil privilégié des entreprises et que nous les accompagnons notamment sur la durabilité, ça donne un sens au métier. Il faut profiter de ce changement de paradigme avec la facture électronique pour casser l'image de l'expert-comptable et redonner envie.

Lire aussi« Les entreprises souffrent d'un manque de visibilité qui commence à faire peur » (P. Castanet)

En début d'année, les entreprises souffraient d'un manque de visibilité... Quel est votre sentiment sur le climat des affaires, alors que l'inflation sévit toujours et que les difficultés à recruter des entreprises persistent ?

La rentrée reste compliquée : le prix des carburants augmentent, l'inflation est toujours là. Mais pour autant, on n'a pas vu exploser le nombre de redressements, qui est revenu au niveau d'avant Covid. Sur l'ex-Languedoc-Roussillon, le tissu économique est fait de petites structures qui sont donc assez agiles, et cet été a été plutôt positif pour le tourisme notamment. Quant à la création d'entreprise, la dynamique perdure sur le même rythme qu'avant. Nous n'avons donc pas de grosses inquiétudes et je suis optimiste car les entreprises rebondissent. Mais nous restons vigilants. Les entreprises sont toujours dans le brouillard en terme de visibilité. Sur l'énergie, les nouveaux contrats ont été signés, donc c'est stabilisé, et les approvisionnements se sont solutionnés. Mais il y a maintenant un manque de visibilité sur les carburants et sur l'inflation. Enfin, pour ce qui est de la main d'œuvre, c'est toujours compliqué de recruter. Les entreprises apprennent à travailler différemment. Par exemple, dans notre profession, on voit émerger les semaines à quatre jours et davantage de télétravail pour attirer des candidats.

* Les TPE-PME devaient être en mesure de recevoir des factures au format électronique de la part de grands groupes à partir du 1er juillet 2024, et elles devaient elles-mêmes émettre leurs factures au format électronique à partir du 1er janvier 2026.

Cécile Chaigneau

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