Déchets du bâtiment : l’entreprise gardoise Boudi innove sur des panneaux en plastique recyclé

Rendre le secteur du bâtiment plus vertueux. C’est l’ambition de la petite entreprise innovante Boudi, basée dans les Cévennes gardoises. Son fondateur, Jean Sauttreau, qui revendique une longue expérience du BTP, a imaginé des panneaux en plastique recyclé pour les coffrages ou la signalétique de chantier, vendus avec un système de consigne. Explications.
Cécile Chaigneau
Les coffrages constitués de panneaux en plastique recyclés réalisés par Boudi ont vocation à être utilisés plusieurs fois avant d'être restitués contre une consigne.
Les coffrages constitués de panneaux en plastique recyclés réalisés par Boudi ont vocation à être utilisés plusieurs fois avant d'être restitués contre une consigne. (Crédits : Boudi)

Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, le secteur du bâtiment représente environ 42 millions de tonnes de déchets par an, soit l'équivalent de la quantité totale de déchets produits annuellement par les ménages en France. Ils se composent à 75% de déchets inertes (environ 35 millions de tonnes), 23% de déchets non dangereux non inertes (environ 10 millions de tonnes) et 2% de déchets dangereux (amiante notamment).

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Si le taux de valorisation des déchets du bâtiment est estimé à près de 70%, il affiche une importante hétérogénéité selon les flux : les déchets inertes, notamment, sont en majorité envoyés en remblaiement de carrière, et seuls 30% sont recyclés. Plus globalement, ce sont plusieurs millions de tonnes de déchets qui continuent à aller en décharge. Voire en dépôts sauvages, en particulier les déchets amiantés.

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) a donc prévu la mise en place d'une filière Responsabilité Etendue des Producteurs (REP) pour assurer la gestion des déchets qui en sont issus, notamment pour favoriser le recyclage des matériaux. Une filière qui avance bon an mal an depuis sa mise en place effective le 1er mai 2023.

« Pour les plastiques, c'est catastrophique ! »

C'est près d'Alès (Gard) que ​Jean Sauttreau a, lui, créé, en janvier 2023, l'entreprise Boudi qui a mis au point des panneaux en plastique 100% recyclé, à destination des professionnels du bâtiment. « Une entreprise à mission de l'économie sociale et solidaire, dont la raison d'être est l'innovation circulaire et inclusive », précise le dirigeant, qui vise l'agrément d'entreprise adaptée dès juin prochain.

Le quinquagénaire n'est pas un nouveau venu dans le monde de l'entrepreneuriat. Il est resté vingt ans à la tête d'une entreprise qu'il avait créée, spécialisée dans le compartimentage coupe-feu pour le secteur du bâtiment et qu'il a revendue à une filiale du groupe Vinci en 2017.

« 70% des déchets en France sont issus de la construction : les gravas et tout ce qui est minéral sont globalement recyclés, mais pour les plastiques - huisseries en PVC, tuyaux, gaines électriques, etc. -, c'est catastrophique !, indique-t-il. C'est aussi le cas d'éléments qui participent à l'acte de construire, comme les coffrages, qui n'ont pas vocation à rester dans l'immeuble construit, et qui pourtant sont souvent laissés dans le sol par facilité ou envoyés à l'enfouissement. Ceux en plastique recyclé sont en réalité difficilement recyclables car conçus avec du plastique à usage unique... Aujourd'hui, la mise en place de la REP oblige les entreprises à s'interroger sur la conception des produits. »

L'entrepreneur imagine alors utiliser les polypropylènes recyclés, ceux qui servent à fabriquer du mobilier de jardin par exemple, pour fabriquer des panneaux plus vertueux destinés au coffrage ou à la signalétique de chantier (les grands panneaux, annonçant la nature du chantier, les opérateurs et les différentes autorisations). Incubée à l'incubateur technologique de l'IMT Mines Alès, la petite entreprise Boudi travaille aussi avec le Centre des matériaux des mines d'Alès (C2MA), spécialisé dans le domaine des matériaux et de la construction à faible impact environnemental.

Un système de consigne

Pour sécuriser ses approvisionnements en matière plastique, Boudi a contractualisé avec un recycleur de la région, Valoridec à Narbonne (Aude), qui récupère les déchets de mobiliers de jardin, tuyaux ou gaines.

« Nous achetons cette matière première, et nous travaillons le plastique en le chauffant pour lui donner la forme et l'épaisseur qu'on veut, explique Jean Sauttreau. Nous avons développé un certain design de manière à ce que les panneaux puissent être réutilisés plusieurs fois par les professionnels du bâtiment. Fini le monde de l'usage unique, nous mettons en place un système de consigne avec une valeur comprise entre 10 et 20% du prix de vente, pour que ce soit suffisamment attractif. Nous reconditionnerons nous-mêmes les panneaux ou s'ils sont trop abimés, ils repartiront chez le recycleur pour être déchiquetés et renvoyés dans la boucle. Nous prévoyons de recycler au rythme de 200 tonnes de plastique par an. En sachant que 1 m² en épaisseur de 10 mm pèse 10 kg, on peut faire 20.000 m² de panneaux. »

Outre le coffrage ou la signalétique de chantier, le dirigeant a identifié d'autres besoins, comme les agencements de grandes surfaces où ses panneaux en plastique recyclé pourraient avantageusement remplacer les tablettes en métal ou en bois.

« Un jour, ça deviendra la norme »

Quelle est l'appétence et la maturité du marché pour ce type de produits ? Selon Jean Sauttreau, « tout le monde dit vouloir faire mieux mais tout le monde est tenu par des enjeux économiques, donc nous devons être compétitifs ».

« Sur le marché de la signalétique, les donneurs d'ordres sont maintenant très attentifs à des solutions vertueuses, et les acteurs de l'acte de construire doivent montrer patte blanche sur les aspects environnementaux et toutes les données extra-financières, ajoute-t-il. Nous avons déjà de la demande. Nous n'allons pas convaincre tout le monde mais un jour, ça deviendra la norme... »

L'entreprise cible d'abord les grands comptes du BTP et les grosses PME qui construisent des immeubles ou des bâtiments publics. Elle a décroché un premier gros marché à Alès pour des panneaux de protection de chantier qui accueilleront une grande fresque de street-art.

Jean Sauttreau a investi des fonds propres personnels pour lancer Boudi, qui est aussi soutenu par un prêt d'honneur de Crealia Occitanie et par un prêt bancaire. L'entreprise a également obtenu une subvention de l'ADEME dans le cadre de l'appel à projets Objectif Recyclage MATière (ORMAT) pour diminuer les temps de cycle de production et la consommation énergétique du process.

Le dirigeant travaille pour l'heure avec des alternants et les premiers salariés arriveront en mars. Le projet d'une filiale à la Réunion est déjà dans les tuyaux.

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Cécile Chaigneau

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