Crise au CIVL : mieux comprendre le différend entre production et négoce

L’interprofession des vins du Languedoc (CIVL) est en proie à une crise interne. Le conflit oppose le négoce aux producteurs qui commercialisent en direct leur production. Cette crise pose le problème de la représentativité au sein de l’interprofession des différentes familles de la filière viticole régionale.
Christophe Bousquet, le président du CIVL.
Christophe Bousquet, le président du CIVL. (Crédits : DR)

Depuis le 2 juillet 2021, le CIVL est secoué par une crise interne. Le différend oppose les metteurs en marché directs (MMD), qui sont les producteurs qui commercialisent au moins 50% de leur production en direct, au négoce.

Jusqu'ici ces deux familles de metteurs en marché étaient représentées au CIVL au sein du collège négoce, suite à un accord tacite conclu depuis 22 ans : 30% des sièges de ce collège étaient attribués aux metteurs en marché directs, les autres revenant au négoce. En juillet dernier, estimant que ces producteurs, qui n'ont pas le statut de commerçants, n'ont rien à faire parmi le collège des négociants et qu'ils contreviennent au principe des interprofessions qui veut que négoce et production soit à parité, l'UEVM, syndicat régional du négoce, les a évincés et a présenté une liste de représentants pour le collège du négoce sans aucun des metteurs en marché directs.

Le CIVL a donc convoqué les représentants désignés par l'UEVM et l'AG s'est tenu en l'absence des représentants des MMD.

Quatre ODG veulent quitter le CIVL

Une décision qui a provoqué la colère des exclus.

« Il n'y a eu aucune concertation. C'est une décision unilatérale de l'UEVM. Alors qu'on est représentés depuis 22 ans, du jour au lendemain, on est mis dehors. Nous n'avons même pas reçu de convocation pour l'AG », tempête Nathalie Caumette, présidente de l'ODG (organisme de défense et de gestion) Faugères, au lendemain de cette éviction.

Déterminés à retrouver leurs sièges, les MMD déploient les grands moyens. Les ODG de Corbières, Fitou, Malepère et Faugères ont d'ores et déjà annoncé leur intention de quitter le CIVL. Mais cette décision ne pourra être effective qu'au terme des accords triennaux qui les engagent dans l'interprofession jusqu'en décembre 2023.

La menace n'est pas sans conséquence puisque leur départ priverait le CIVL de 25% de son budget. La Fédération des MMD a par ailleurs engagé une action en justice, attaquant le CIVL pour défaut de convocation et non-respect des statuts. Le jugement du tribunal de Narbonne est attendu pour le 16 décembre.

De son côté, le CIVL tente la conciliation. Début octobre, il a invité les deux parties à engager la discussion. Le négoce a répondu favorablement, les MMD ont décliné l'offre.

« Nous contestons la légitimité de l'assemblée générale et des délégués, membres du bureau et du président, qui ont été élus, explique Jean-Marie Fabre, président de la Fédération des Metteurs en Marché Directs. Nous n'engagerons pas de discussion avec les représentants du CIVL que nous considérons comme illégitimes. »

Une décision que déplore Christophe Bousquet, le président du CIVL : « La justice est amenée à se prononcer sur la validité de l'assemblée générale. Mais le problème de fond sur la représentation des MMD au sein du CIVL ne sera pas réglé pour autant ».

L'intégration des MMD est une piste envisageable

Cette crise pose le problème de la représentativité des différentes familles au sein de l'interprofession.

« Les MMD sont les premiers acteurs de la commercialisation des appellations du Languedoc, rappelle Jean-Marie Fabre. En Corbières, ils assurent la commercialisation de la moitié des volumes, et en Malepère, c'est 95%. Qui plus est, en payant une double cotisation, l'une au titre de producteur, l'autre au titre de metteur en marché, ils contribuent à hauteur de 23% au budget du CIVL quand la part du négoce n'est que de 13%. Il est impensable qu'ils n'aient pas leur place au sein du collège des metteurs en marché ! »

De son côté, Christophe Bousquet reconnaît que « la demande des MDD traduit une évolution des producteurs, mais en même temps, elle pose la question de la représentativité des producteurs au sein de leur collège. L'intégration des MMD est une piste envisageable. C'est une approche complexe qui touche à des équilibres entre les différentes familles et exige de la concertation. Nous avons d'ailleurs commencé à en discuter avec l'ODG Faugères ».

La porte n'est pas fermée du côté des Metteurs en Marché Directs.

« Nous sommes ouverts à une discussion avec le négoce pour la reconstruction de notre outil interprofessionnel, mais il y a un préalable : que le négoce reconnaisse que les MMD sont légitimes au sein du collège des metteurs en marché », indique Jean-Marie Fabre.

Le CIVL, qui s'appuie sur un budget de 6 à 7 millions d'euros par an, a pour missions essentielles la promotion des AOP et IGP du Languedoc (hors Pays d'Oc) et le suivi des marchés. Il est en phase de lancement d'une toute nouvelle campagne de communication, visant à redynamiser les ventes après la crise sanitaire.

« Nous continuons à assurer nos missions, nos équipes sont au travail », promet le duo président / délégué général, qui déplore néanmoins l'impact de cette crise en termes d'image.

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