Dans le vignoble languedocien, les effets du réchauffement sont déjà manifestes : en trente ans, les vendanges ont été avancées d'environ trois semaines en raison de la hausse des températures.
L'équilibre des raisins est lui aussi modifié, avec des teneurs plus élevées en sucre et moins d'acidité. Les vins qui titraient 11% vol. d'alcool dans les années 1980 atteignent allègrement les 14% vol. aujourd'hui. Quant aux rendements, ils décrochent, chutant de 75 hl/ha (hectolitres par hectare) en 1980 à 56 hl/ha sur la période de 2000 à 2019, avec un net repli depuis 2015.
Face à ces inquiétantes évolutions, la profession se mobilise. Les chambres d'agriculture, l'INRAE, les instituts techniques, les syndicats d'appellation, etc. : tous planchent sur les différents leviers à mettre en œuvre pour adapter le vignoble à ce nouveau contexte climatique.
L'irrigation, une solution mais pas pour tous
L'irrigation fait partie des solutions déployées.
« L'irrigation raisonnée des vignes est une solution adaptée pour régulariser la production, tant quantitativement que qualitativement, et préserver de façon durable l'outil de production », soutient Christophe Lafon, chargé de mission eau à la Chambre régionale d'Agriculture d'Occitanie.
En témoigne le projet pilote initié en 2012 sur la commune de Roquebrun, dans l'Hérault. L'Europe et la Région Occitanie ont financé à 80% (sur un montant de 3,5 millions d'euros) la mise en place d'un réseau d'irrigation par prélèvement d'eau dans l'Orb. Résultat : 300 ha de vigne sont désormais irrigables.
« Grâce à ce projet, nous avons assuré la survie du vignoble dans les tènements les plus impactés par la sécheresse où, sans eau, les souches périssaient, détaille Alain Rogier, le directeur de la cave coopérative de Roquebrun. Cet apport raisonné d'eau a également un effet qualitatif : les vignes soumises à un fort stress hydrique ne peuvent assurer la bonne maturation des raisins et la qualité des vins s'en ressent. Et notre production a augmenté de 5 à 10 hl/ha dans les secteurs irrigués. »
Si elle a fait ses preuves, l'irrigation ne pourra pourtant pas être la solution unique, l'accès à l'eau étant limité à une petite partie du vignoble.
« On estime le vignoble irrigué à 32.000 ha dans la région, soit environ 15% de la surface totale en vigne, estime Christophe Lafon. Si on arrive à 30% d'ici quinze à vingt ans, ce sera formidable. »
A la recherche de cépages plus adaptés
D'autres pistes sont donc explorées comme l'introduction de cépages plus résistants à la sécheresse. Le syndicat de l'AOC Languedoc a d'ores et déjà modifié son cahier des charges pour que les vignerons puissent tester ces variétés.
« Certains des cépages patrimoniaux, autrefois très répandus dans notre région, ont été abandonnés car trop tardifs, indique Jean-Benoît Cavalier, président du syndicat. Ils pourraient retrouver de l'intérêt dans ce nouveau contexte climatique. Idem pour les variétés italiennes ou grecques implantées en zones sèches. »
L'expérience a tenté Jean-Pierre Venture, vigneron au Mas de la Seranne à Aniane (34) : « Depuis 2000, je suis à la recherche de solutions pour diminuer le degré de mes vins, dont certains de mes clients se plaignent. En 2018, j'ai planté neuf de ces variétés sur une parcelle de 1,20 ha et je les vinifie séparément pour estimer leur potentiel qualitatif. La plupart présentent des degrés moindres et des niveaux d'acidité plus élevés, mais deux semblent sortir du lot : le néro d'avola, cépage sicilien, et l'agiorgitiko qui vient de Grèce. Je vais les replanter à plus grande échelle ».
L'évolution des pratiques culturales comme la réduction de la surface foliaire par des écimages plus sévères, l'implantation de couverts végétaux, ou l'augmentation de la hauteur de palissage sont d'autres pistes en cours d'exploration.
Le temps presse. Cette année, gel et sécheresse ont anéanti plus de 30% de la récolte, qui devrait être historiquement basse.
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