Coopérative La Fabrique du Sud (glaces) : dix ans et une nouvelle stratégie

Il y a dix ans, à l’issue d’un combat social engagé, une petite vingtaine de salariés ex-Pilpa créaient la coopérative La Fabrique du Sud à Carcassonne. Leur ambition : créer une marque de glaces artisanales (La Belle Aude) qualitatives, à partir de produits les plus régionaux possibles. Aujourd’hui, le pari est gagné, mais la coopérative est chahutée par une conjoncture fluctuante et des hausses de prix importantes, qu’elle peut difficilement répercuter. Alors elle peaufine une nouvelle stratégie pour 2024.
Cécile Chaigneau
La coopérative La Fabrique du Sud, créée à Carcassonne il y a dix ans, a développé une gamme de 25 parfums de glaces artisanales commercialisées sous la marque La Belle Aude, pour le moment majoritairement vendues en grandes surfaces.
La coopérative La Fabrique du Sud, créée à Carcassonne il y a dix ans, a développé une gamme de 25 parfums de glaces artisanales commercialisées sous la marque La Belle Aude, pour le moment majoritairement vendues en grandes surfaces. (Crédits : La Fabrique du Sud)

Dix ans d'existence dans le rétroviseur de La Fabrique du Sud, à Carcassonne (Aude). Emanation de l'entreprise industrielle Pilpa, La Fabrique du Sud, fabricant de crèmes glacées et sorbets vendues sous la marque La Belle Aude, a été créée en Scop par d'anciens salariés en 2013, qui ont alors relancé l'activité en avril 2014, avec un effectif de 19 personnes. Aujourd'hui, la coopérative emploie 23 personnes.

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« Le pari est gagné, se réjouit Christophe Barbier, le président de la Scop. Nous avons réussi, malgré tous ceux qui n'y croyaient pas. Nous sommes partis sans aucune base, mais accompagnés par l'URSCOP (Union régionale des Scop, NDLR), la CCI ou la Région. Et le fait d'être issus d'un mouvement social a généré un sentiment de solidarité chez les consommateurs. Même si nous ne voulons pas être identifiés uniquement sur notre histoire ! Car La Belle Aude est avant tout une marque de produits de qualité. Notre meilleur atout, ça a été un brin de folie, d'avoir su dépasser les frontières des fausses croyances ! Mais maintenant le plus dur, c'est de rester, surtout dans les conjonctures mouvantes qu'on connaît aujourd'hui... Chez les consommateurs, en Occitanie, nous sommes connus, nous sommes même une sorte d'institution. Ailleurs en France, La Belle Aude est un produit qualitatif mais comme les autres... »

Ailleurs en France, c'est plus de 400 points de vente en grandes et moyennes surfaces (GMS) dans les enseignes Intermarché, Carrefour, Super U, Leclerc, Auchan et Casino. Un point d'équilibre, selon Christophe Barbier : « Par rapport à notre produit qualitatif et aux matières nobles que nous utilisons, aux propriétés gustatives et qualitatives importantes, nous sommes sur une limite que nous ne pourrons pas dépasser ».

Les glaces La Belle Aude sont aussi référencées chez Picard, sur la zone du grand sud-ouest de Bordeaux à Nîmes, « sur quatre parfums et sur un parfum au niveau national ».

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Hausse des matières premières et de l'énergie

La coopérative produit aujourd'hui 25 parfums de glaces et sorbets, propose également une gamme bio et a lancé une nouvelle gamme baptisée "Esprit libre" avec différentes sauces et autres toppings.

Entre 6.000 et 10.000 pots sortent de ses lignes de production chaque jour (la vanille représentant à elle seule 12% du chiffre d'affaires), où travaillent sept personnes. Soit 2.500 litres de glaces par jour.

« Les fruits de verger comme les pêches et les abricots proviennent de la région, mais pour les fruits rouges, c'est difficile de trouver des produits régionaux, voire même français, indique Christophe Barbier. La vanille provient, depuis le début, directement d'une société malgache. Pour le lait, nous avons toujours la volonté de travailler avec des produits locaux et nous sommes en pourparlers avec des producteurs laitiers locaux. »

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Mais alors que la crise sanitaire du Covid avait plutôt profité à la Fabrique du Sud, seules les grandes surfaces restant ouvertes pendant les périodes de confinement, la Scop subit de plein fouet la hausse des prix de l'énergie et des matières premières : « Le coût de l'électricité a été multiplié par deux pour l'entreprise, passant de 70.000 à 150.000 euros, annonce Christophe Barbier. En six mois, la hausse du prix du lait a été de 40%, de 30 à 40% sur les fruits et de 80% sur le sucre ! On a aussi subi une hausse des emballages cartons. L'impact économique de ces hausses est très important et notre marge est grignotée car malheureusement, on ne peut répercuter ces augmentations que de manière modérée pour rester compétitifs à l'heure de la baisse du pouvoir d'achat des ménages, sachant que nos concurrents ont des prix moins chers grâce à la massification de leur production. A cette période de l'année, on est à - 7% du chiffre d'affaires par rapport à l'année dernière. Et ce, même s'il fait très chaud... »

Se diversifier dans la restauration

Alors que le dirigeant misait sur une augmentation du chiffre d'affaires de 10% en 2023, il sait aujourd'hui que la performance sera moindre : « Nous prévoyions de monter à 4,2 millions d'euros, contre 3,8 millions d'euros en 2022, mais on ne sera pas dans les clous... ».

Dix après la création de La Fabrique du Sud, la conjoncture et les limites du potentiel en grande distribution ont fait réfléchir les salariés de la Scop qui travaillent désormais aux contours d'une nouvelle stratégie.

« Nous avons créé de nouvelles gammes, de nouveaux produits, des buches pour la période de Noël, et 90% de notre activité est en GMS, même si nous avons aussi de l'activité en épiceries dans l'Aude, les Pyrénées-Orientales, l'Ariège et la Haute-Garonne, explique Christophe Barbier. L'été dernier, nous avons ouvert une boutique à la Cité de Carcassonne où passent beaucoup de touristes, ce qui nous permet de mettre en place une communication directe avec les consommateurs qui cherchent de plus en plus des produits différents, locaux. Et cette année, nous proposons des produits avec licence de marque à des glaciers... Enfin, nous avons également quelques marchés avec des restaurants, mais ça reste marginal dans notre stratégie. C'est donc un axe de développement que nous ciblons : nous voulons aller vers plus de restauration pour nous diversifier, via des grossistes notamment. En 2024, nous allons structurer une équipe commerciale dédiée à cette stratégie. Le secteur de la restauration peut être une solution alternative pour mieux valoriser nos produits. »

Le dirigeant ne prévoit toutefois pas, vu la conjoncture, de faire évoluer les effectifs. Alors que les anciens locaux de Pilpa, dans lesquels La Fabrique du Sud s'est installée à sa création, sont toujours surdimensionnés pour son activité, l'entreprise projetait de construire de nouveaux locaux, plus adaptés. Un projet de 2,5 millions d'euros.

« C'est toujours un projet, que nous aurions eu la capacité de mener à bien il y a quatre ou cinq ans, mais aujourd'hui, avec la hausse des matières premières et de l'énergie, les choses ont changé, souligne Christophe Barbier. Si nous restons dans une stratégie d'immobilisme, nous ne serons plus là en 2025 ! Aujourd'hui, notre projet, c'est de préserver l'entreprise. »

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 23/08/2023 à 8:08
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Je vous confirme que les glaces la Belle Aude sont de qualité et bien meilleures gustativement que celles des gros industriels...

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