Emploi : dans l’agriculture, « il y a beaucoup de métiers périphériques méconnus »

Le SITEVI (salon international des filières viticole, vinicole, arboricole et oléicole) ouvre ses portes le 28 novembre à Montpellier. Parmi les sujets qui préoccupent les professionnels, celui de l’emploi. Car dans ces filières agricoles, l’image souffre encore d’une perception négative et les métiers périphériques à la production, qui pourtant recrutent, sont encore mal connus. C’est le cas de postes de cadres, ingénieurs ou techniciens pour lesquels un parcours de découverte et un job-dating auprès d’entreprises qui recrutent seront proposés sur le salon.
Cécile Chaigneau
Le groupe gardois Perret, spécialisé dans la fourniture de produits, services et matériels pour les agriculteurs et professionnels des espaces verts, recrutement actuellement une vingtaine de technico-commerciaux qui accompagnent les agriculteurs dans leurs pratiques.
Le groupe gardois Perret, spécialisé dans la fourniture de produits, services et matériels pour les agriculteurs et professionnels des espaces verts, recrutement actuellement une vingtaine de technico-commerciaux qui accompagnent les agriculteurs dans leurs pratiques. (Crédits : Groupe Perret)

En 2022, 3.700 offres d'emploi ont été publiées sur le site de l'APECITA, spécialiste de l'emploi en agriculture, agroalimentaire et environnement, pour la région Occitanie dont une partie non négligeable (25% environ) sur les secteurs de la viticulture, de l'arboriculture et de l'oléiculture. Ces trois filières seront rassemblées sur le SITEVI, salon international des filières viticole, vinicole, arboricole et oléicole, qui se tient à Montpellier du 28 au 30 novembre. Un salon où la question de l'emploi est aussi, comme dans quasiment tous les secteurs, une préoccupation.

L'APECITA œuvre depuis 70 ans à rapprocher les techniciens, les ingénieurs et les cadres des secteurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de l'environnement avec les employeurs, et accompagne les personnes en recherche d'un projet professionnel, d'une formation, d'un stage ou d'un emploi. Une sorte d'APEC de l'agriculture et de l'agroalimentaire, « sauf que l'APEC s'arrête au poste de cadre et que nous accompagnons jusqu'au poste de technicien », précise Sylvie Meloni, déléguée régionale de l'APECITA en Occitanie.

« Il y a quelques années, sur la filière viticole, les grosses difficultés de recrutement se cantonnaient aux métiers de la production, dans la vigne et dans les caves, et du commerce amont, c'est à dire la vente d'agrofournitures, d'engrais, de tracteurs, de bouteilles ou de bouchons, souligne Morgane Prost, conseillère RH de l'APECITA à Montpellier, référente de la filière viticole. Depuis le post-Covid, ces difficultés se sont étendues à d'autres métiers comme le conseil aux exploitants agricoles ou la recherche et l'expérimentation. Ce qui a changé notamment, c'est la durée de recrutement : aujourd'hui, il faut compter trois mois, parfois six, pour trouver quelqu'un. »

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« L'agriculteur travaille avec des drones »

La filière compte beaucoup d'emplois saisonniers mais pas sur les métiers de cadres, techniciens ou ingénieurs. Mais alors où sont passés les candidats ? La filière viticole a-t-elle perdu en attractivité ? Pas selon la conseillère RH de l'APECITA.

« Les candidats à l'emploi n'ont pas forcément quitté la filière, mais il faut rappeler qu'aujourd'hui, cette filière est en compétition avec le BTP, où notamment les conditions salariales sont un peu meilleures, et que le taux de chômage est bas dans l'emploi cadre, répond Morgane Prost. La filière et ses métiers de la production ont toujours été assez mal connus. On a encore chez beaucoup une mauvaise image de l'agriculteur, que l'on imagine malheureux, qui travaille beaucoup et gagne mal sa vie ! Ce n'est pas une image de modernité alors qu'aujourd'hui, l'agriculteur travaille avec des drones, des outils d'aide à la décision, et que la profession a largement fait évoluer les aspects contraignants du métier. Les métiers périphériques de la production ne sont également pas assez connus, comme les commerciaux, la recherche, les conseillers. »

Certains postes sont particulièrement recherchés actuellement, notamment les métiers liés à la production mais aussi donc au commerce et à la R&D comme les postes de technico-commercial et les emplois liés à l'agrofourniture.

« Ça risque de ne pas s'arranger quand on voit les effectifs dans les formations agricoles, notamment au niveau BTS, où ils sont aujourd'hui 10 à 15 étudiants quand ils étaient avant 25 à 30 !, fait observer Sylvie Meloni. Nous voulons donc alerter et dire qu'il y a du travail dans ces filières. Du travail avec du sens et des valeurs... »

Innovation et débouchés

Notamment en raison du changement climatique, le marché de la viticulture est en plein questionnement, et les habitudes de consommation de vin sont en perpétuelle évolution. Les professionnels l'assurent : l'innovation est au cœur de la filière et les débouchés sont nombreux. Ce sont ces itinéraires techniques inédits, ces nouveaux cépages ou les questions d'irrigation, autant de sujets qui nécessiteront des recrutements qualifiés dans les exploitations, que l'APECITA veut valoriser sur le SITEVI.

« Tous ces sujets créent beaucoup de besoins en R&D et en innovation pour s'adapter à ces transitions, assure Sylvie Meloni. Toutes les filières essaient de renforcer leur communication et de mieux parler de leurs métiers. En viticulture, arboriculture ou oléiculture aussi, il faut aller voir les jeunes très tôt, dès 3e. Il faut aussi aller rencontrer les enseignants de l'Education Nationale qui continuent d'envoyer des élèves en difficulté dans l'agriculture alors que cela nécessite des connaissances de plus en plus pointues. »

C'est d'ailleurs pour faire connaître ces métiers périphériques que l'APECITA va organiser, durant le SITEVI, un Rallye des métiers : un parcours destiné aux étudiants (en BTSA et plus) à travers le salon, pour leur faire rencontrer différentes entreprises et découvrir les différents emplois proposés. Quatre-vingts étudiants sont d'ores et déjà inscrits...

Groupe Perret : une vingtaine de technico-commerciaux

Parmi les entreprises qui jalonneront le parcours, le groupe gardois Perret, spécialisé dans la fourniture de produits, services et matériels pour les agriculteurs et professionnels des espaces verts. Le groupe, dont le siège est à Bagnols-sur-Cèze, emploie 641 salariés dans ses 24 filiales et soixante sites répartis majoritairement dans le sud-est de la France. Parmi ses 17.000 clients, 78% sont des agriculteurs, 7% des collectivités, 7, 8% des industriels et % des particuliers. En 2022, le chiffre d'affaires consolidé du groupe était de 255 millions d'euros.

Le groupe recrute actuellement une vingtaine de technico-commerciaux mais aussi des personnes en logistique (cariste, préparateurs de commande et magasiniers-vendeurs). Six postes seront présentés sur le SITEVI.

« Aujourd'hui, notre problématique, c'est plutôt la pénurie de talents et, compte tenu du rapport de force qui s'est inversé entre employeurs et candidats, c'est aussi la nécessité de répondre aux attentes des candidats en termes d'organisation du travail et de missions avec du sens, souligne Charlotte Martin, chargée de Recrutement & développement RH du groupe Perret. Sur le SITEVI, nous participerons au parcours et au job-dating organisé par l'APECITA pour présenter des postes de technico-commerciaux, de responsables d'agence et de sites, de responsable d'activité libre-service agricole qui seront là pour expliquer leur métier, leur journée-type... »

Offrir un parcours professionnel

Si le groupe développe des processus de recrutement traditionnels avec CV et entretiens, il a diversifié ses supports en allant se sourcer aussi dans les écoles, les salons, les Missions Locales ou les réseaux sociaux bien sûr.

« Globalement, il peut y avoir une pénurie de talents, surtout dans les métiers techniques et logistiques, ajoute Aurélie Billoret, DRH du groupe Perret. Nous travaillons donc notre visibilité, notamment sur la valorisation du métier de commercial propre à notre activité : nous allons dans les écoles d'ingénieurs, mais pas seulement, pour donner à voir ce qu'est ce métier qui ne vend pas des produits mais du service puisqu'il s'agit d'accompagner les agriculteurs, ce qui demande une certaine expertise. C'est une dimension qu'il est difficile de mettre en avant dans des annonces... Les atouts du groupe Perret que nous mettons en avant, c'est la possibilité d'offrir un parcours professionnel, car les salariés peuvent évoluer au sein de nos 24 filiales, couvrant toutes les cultures et permettant une mobilité verticale hiérarchique ou horizontale dans une spécialité. Par ailleurs, l'entreprise est une entreprise familiale depuis six générations, ce qui peut être un vecteur d'attractivité, avec la volonté d'être dans la transmission et de s'inscrire dans la durée. »

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 28/11/2023 à 8:44
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Parce que sans la force de travail et l'abnégation des agriculteurs et qu'ils soient conventionnels pollueurs ou permaculteurs ces métiers à la marge n'existeraient pas. c'est pour cela qu'on en parle pas. Par ailleurs dictature agro-industrielle déc...

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