En décembre dernier, The Conran Shop, temple parisien d'ameublement et de design, tirait définitivement le rideau après des années déficitaires. Dans le même temps, l'enseigne Habitat liquidait ses 25 magasins, laissant un peu plus de 300 salariés sur le carreau, et 9 millions d'acomptes versés par des clients qui devront certainement s'asseoir sur un quelconque remboursement. Ces deux fermetures concomitantes en disent long sur la fragilité du secteur de l'ameublement qui a néanmoins réussi à limiter la casse en 2023, affichant un recul manifeste de 8% mais une baisse de chiffre d'affaire de seulement 2,5%, soit 14,6 milliards d'euros (données IPEA/Fnaem).
30% de baisse sur le retail
Créé en 1987 à Nîmes, le groupe RBC (une centaine de collaborateurs dont une trentaine à Montpellier) n'est pas non plus épargné par la crise même si, depuis le Covid, il a retrouvé une certaine rentabilité. Ses sept show-rooms (à Paris, Lyon, Avignon, Montpellier et Nîmes) ont, certes, généré un chiffre d'affaires de 42 millions d'euros en 2023 (contre 32 millions d'euros en 2022) mais le distributeur de mobilier contemporain attend de savoir si son bilan est à l'équilibre.
« Depuis un an et demi, nous souffrons énormément sur la partie retail qui s'est effondrée de 30%, et aujourd'hui, cette activité ne représente d'ailleurs plus que 25% de notre chiffre d'affaires, reconnaît Franck Argentin, fondateur-dirigeant du groupe RBC. L'inflation, avec notamment une hausse des prix des fabricants de l'ordre de 5 à 8%, nous a coupés d'une certaine clientèle qui n'a plus les moyens d'acheter des sièges Vitra à 500 euros pièce. A cela, s'ajoute le repli de l'immobilier qui a entraîné une baisse de la vente de meubles. »
Pas de vente en ligne
A la différence de la plupart de ses confrères, RBC n'a jamais pris le virage du e-commerce impliquant des investissements dans des stocks supplémentaires et une équipe dédiée.
« Depuis sa création, l'ADN de RBC est d'être didactique en faisant connaître le travail des designers, rappelle Franck Argentin. Or aujourd'hui, la vente en ligne n'est associée qu'à de la remise ou du discount en permanence, il n'y a qu'à voir les rabais de 30% pendant les Black Friday ! Cela ne m'intéresse pas du tout. De plus, face aux sites de Voltex (distributeur et mobilier design en ligne, NDLR) et compagnie, nous sommes obligés de réduire nos marges pour ne pas perdre nos clients. »
Projets de luxe
Pour ne pas être dépendant de son activité retail, RBC a fait évoluer son modèle économique en développant son offre de services pour équiper des acteurs privés (promoteurs, coworking, PME,...) et publics (musées, lycées). C'est d'ailleurs avec l'ouverture de son magasin à Paris, en 2018, que le groupe a franchi une étape et changé d'échelle, travaillant avec Dior, Chanel, LVMH ou encore Hermès sur des projets luxueux d'agencement de sièges sociaux ou bureaux. RBC a également signé un contrat avec les groupes Accor et Hilton, mais aussi avec le leader mondial du design Millerknoll. A lui seul, le show-room parisien génère 21 millions d'euros de chiffre d'affaires. « Sans lui, je serai fermé depuis longtemps », concède le dirigeant.
Si Nîmes (1 million d'euros de chiffre d'affaires) reste axé sur la fidélisation de sa clientèle, le Design Center de Montpellier a, à son actif, de belles signatures de contrats en BtoB : l'Hôtel Richer de Belleval des frères Pourcel à Montpellier, l'hôtel Imperator à Nîmes, ou encore l'université Paul-Valery Montpellier 3 pour son nouveau bâtiment l'Atrium, projet public de plus d'un million d'euros qui ouvrira au printemps prochain. De nouveaux projets sont en cours, dont l'appel d'offres de l'extension du Domaine de Verchant, près de Montpellier.
Pour autant, avec ses 2.400 m2, le RBC Design Center de Montpellier, ouvert en 2012, est en pleine déroute. Son activité de retail a chuté de moitié et le nombre de ses visiteurs est passé de 100.000 à 70.000.
« Nous faisons 7 millions de chiffre d'affaires contre 10 auparavant, se désole le dirigeant. Le Design Center est le seul site qui soit déficitaire. Ce n'est plus tenable ! »
Une dizaine de licenciements
Première option, la plus rapide pour se désendetter : la vente de l'immeuble. Acquis pour 7,5 millions d'euros, le bâtiment, conçu par l'architecte Jean Nouvel, pèse beaucoup trop lourd en termes de charges, en particulier le coût du crédit. En attendant de trouver un investisseur, le groupe envisage une seconde option : le réaménagement du lieu avec location d'espaces au dernier étage (coworking, cabinet d'architectes,...).
« L'idée est de limiter la surface de vente de RBC à quatre plateaux, contre huit actuellement, cela suffit largement, assure Franck Argentin. Nous réfléchissons à réaménager entièrement le show-room dans un esprit boutique-hôtel. Au rez-de-chaussée, le 609, magasin de vêtements et accessoires, va céder sa place à un restaurant. Le bail est en cours de signature avec un jeune chef qui souhaite proposer une carte bistronomique. Je n'avais pas l'intention de tenter personnellement à nouveau l'aventure gastronomique (Franck Argentin avait ouvert le Mia en 2012, puis le RBC Kitchen en 2014, NDLR). Chacun son métier, j'ai payé cher mon Bib Gourmand et l'étoile Michelin. »
L'optimisation des espaces va nécessairement s'accompagner d'une réduction des effectifs : une dizaine de collaborateurs devraient être licenciés.
« Je n'ai plus le choix, regrette Franck Argentin. Mais je continue de penser que la crise conjoncturelle est cyclique. Montpellier n'est pas une ville riche mais elle est très attractive. Il y aura toujours une clientèle passionnée de design. »
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