L'Arbre Blanc : "Il faut rompre avec le syndrome de la tour inaccessible"

Ils ont écrit la partition architecturale à quatre. Le 27 mai, les architectes qui ont dessiné l’Arbre Blanc, une tour iconique de 17 étages sur les bords du Lez à Montpellier, étaient réunis pour raconter cette aventure urbaine hors normes.
Cécile Chaigneau
Les quatre architectes de l'Arbre Blanc à Montpellier : Dimitri Roussel, Nicolas Laisné, Sou Fujimoto et Manal Rachdi.
Les quatre architectes de l'Arbre Blanc à Montpellier : Dimitri Roussel, Nicolas Laisné, Sou Fujimoto et Manal Rachdi. (Crédits : Christine Caville)

C'est sans conteste le projet immobilier le plus observé et le plus commenté de l'année à Montpellier. Et la couverture médiatique qui lui est réservée lui donne une visibilité nationale et internationale.

L'Arbre Blanc, un bâtiment de 17 étages pour 113 appartements (et trois niveaux de parking), est désormais habité par ses résidents. Érigée sur les bords du Lez, cette tour blanche hérissée de balcons et d'ombrières est une prouesse à divers égards.

Elle est l'œuvre d'une collaboration à quatre mains architecturales (trois cabinets) : le Japonais Sou Fujimoto, Nicolas Laisné et son associé Dimitri Roussel, et Manal Rachdi (Oxo Architectes).

A quelques semaines de l'inauguration officielle de la tour iconique, le 19 juin prochain, les quatre architectes étaient ensemble, le 27 mai, dans les étages de l'Arbre Blanc, pour revenir sur cette aventure commune hors normes.

Pour mémoire, le projet puise son origine dans le concours « Folie Richter » lancé par la Ville de Montpellier, à l'époque (2013) où l'équipe municipale en place projetait d'ériger 12 « folies architecturales » dans la ville. Celle-ci était la deuxième, et fut la dernière avec le changement de maire en 2014.

Traiter la vie en hauteur

Pour répondre à la demande d'un « geste audacieux », Manal Rachdi, Nicolas Laisné et Dimitri Roussel ont décidé de faire appel à Sou Fujimoto.

« La compréhension du site, l'art de vivre à Montpellier, ont guidé ce projet, qui transmet une nouvelle vision de l'habitat, plus harmonieuse, optimiste, déclare aujourd'hui Sou Fujimoto. Même si l'expression est souvent galvaudée, créer de véritables lieux ce vie correspond tout à fait à ma vision de l'architecture. Pour cela, j'intègre dans chaque projet un certain nombre de données : le climat, l'art de vivre, l'esthétique, les échelles, les monuments voisins... Un processus essentiel pour produire une architecture porteuse de sens. Pour l'Arbre Blanc, il s'agissait de traiter de la vie en hauteur et des multiples interactions inhérentes, entre les habitants du bâtiment mais aussi avec son environnement. »

Une tour dans la ville

« Il fallait répondre au paradoxe d'habiter dans un village en cœur de ville, avec la qualité de la maison individuelle, souligne Nicolas Laisné. Dans l'Arbre Blanc, chacun est chez soi avec un jardin suspendu et a accès à des lieux où se rencontrer, et en même temps, le bâtiment est ouvert sur la ville. »

Les architectes se sont interrogés sur ce qu'est aujourd'hui une tour dans la ville. S'éloignant des a priori sur ce terme à la sémantique péjorative dans l'imaginaire collectif, les architectes ont souhaité « introduire une nouvelle façon de vivre la tour avec la volonté d'offrir une mixité d'usages et de rompre avec le syndrome de la tour inaccessible ».

« C'est une tour nouvelle génération, dont les principes fondamentaux sont les nouveaux usages sociaux, une ouverture à la ville, un partage dans l'environnement urbain, une tour environnementale, une tour vivante, déclare Nicolas Laisné. Nous militons pour des bâtiments denses, des tours de grande hauteur, mais qui viennent sur l'espace public de manière simple, ouverte, autour desquelles on peut vivre facilement. Auparavant, les tours étaient déconnectées de la ville, et c'est la raison pour laquelle elles étaient mal perçues... »

Des espaces publics en haut et en bas

« Pour réinventer la tour, en la dessinant à l'échelle humaine, nous voulions donner à chacun la possibilité de se l'approprier, ajoute Sou Fujimoto. Nous avons créé des espaces publics aux deux extrémités de l'Arbre Blanc. »

Ainsi, le rez-de-chaussée est-il un espace vitré donnant sur la rue, avec un restaurant et une galerie d'art. Quant au toit-terrasse, il est divisé en deux : une partie est un bar accessible au public, l'autre moitié étant un espace partagé réservé aux résidents de l'Arbre Blanc, « de sorte que même les appartements des premiers étages puissent profiter de la vue », précise Sou Fujimoto.

« Ce n'est pas une tour autiste », souligne Manal Rachdi.

Les toits-terrasses sont devenus des lieux très prisés. Selon Dimitri Roussel, « la toiture-terrasse est un concept moderne qui permet de nouveaux usages. On la re-saisit avec beaucoup d'énergie. Aujourd'hui, l'accès de ces lieux au public est encore rare, et l'Arbre Blanc est regardé depuis Paris pour ça ».

« Les appartements ne sont pas des thermos fermés »

L'Arbre Blanc a aussi été l'occasion de nombreuses innovations techniques - une vingtaine selon les architectes. Parmi elles, les fameux balcons de plus de 7,5 m de long, dont la fixation fut un challenge en soi.

« C'est une première mondiale pour des balcons aussi longs en porte-à-faux, en programme d'habitation, explique Dimitri Roussel. Posés sur des structures métalliques, ils font de 12 à 35 m2 de superficie. »

Prolongeant avantageusement les appartements, les balcons favorisent la vie en extérieure mais « ils permettent aussi de grandes ouvertures et amènent de la luminosité, ajoute Manal Rachdi. Les appartements ne sont pas des thermos fermés ! Et cette structure permet d'économiser de 20 à 30 % en consommation d'énergie, les rayons de soleil ne tapant pas directement sur la façade, il y a moins besoin de rafraîchir ».

Liberté

« Ce qui est rare, c'est la liberté qu'on a eue dans ce projet, souligne aujourd'hui avec enthousiasme Nicolas Laisné. Nous avons pu donner corps à tous nos rêves, ne rien s'interdire, même ce qui semblait impossible. »

Selon Dimitri Roussel, si le projet est clivant, « il génère aussi beaucoup d'engouement... Les promesses ont été tenues, et le bâtiment a été conçu pour être accessible au plus grand nombre, et non réservé aux privilégiés ».

L'Arbre Blanc a aussi été le projet qui a lancé l'architecte japonais Sou Fujimoto en France.

« Ce projet a été le point de départ de notre production en France, et nous avons même ouvert un bureau à Paris, déclare-t-il. J'ai aussi développé d'autres projets avec les architectes de l'Arbre Blanc, comme le bâtiment de l'École polytechnique tous les quatre à Saclay, le projet Mille Arbres avec Manal Rachdi, ou le Village Vertical à Rosny avec Nicolas Laisné et Dimitri Roussel. »

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 28/05/2019 à 7:23
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Bonjour, Vous ne parlez pas d'une proportion de logements sociaux, je pensais que dans un programme de logements il était obligatoire qu'une partie soit destinée au logement social ? cordialement

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