La difficile équation du BTP : « Il faut continuer à investir sur l’humain sans visibilité » (F. Carré, FFB Occitanie)

INTERVIEW - Alors que les conclusions du Conseil National de la Refondation sur le volet du logement étaient attendues ce 9 mai, le gouvernement en a repoussé la présentation. Déception de tous les acteurs de la construction qui traversent une période tendue pour les trésoreries et les effectifs des entreprises, et qui redoutent une année 2024 exsangue… La FFB Occitanie ne reste pas inactive et vient de lancer L’Atelier B à Montpellier, un lieu pour dynamiser la filière, et prépare le lancement d'un think-tank. Echange avec Frédéric Carré, le président de la FFB Occitanie.
Cécile Chaigneau
Frédéric Carré, président de la FFB Occitanie.
Frédéric Carré, président de la FFB Occitanie. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Comment se portent les entreprises du BTP de l'Occitanie à l'issue de ce premier trimestre 2023 ?

Frédéric CARRÉ, président de la FFB Occitanie - Les entreprises ont du travail, l'activité est soutenue mais nous sommes très inquiets pour 2024. On avait enregistré logiquement une baisse d'activité durant la crise sanitaire du Covid durant un an et demi. Ça a commencé à remonter mais on termine nos carnets de commandes en 2023 et on ne les remplit plus ! Avec notamment le logement neuf qui s'écroule, ils sont historiquement bas aujourd'hui... A ça s'ajoutent l'inflation des salaires - on a pris dix points en un an - et le problème de trésorerie des entreprises : elles se sont endettées et aujourd'hui, elles doivent rembourser les PGE (prêts garantis par l'Etat, NDLR) et les reports de dettes fiscales et sociales. Et après la crise du Covid, on se prend de plein fouet une deuxième lame liée à la guerre en Ukraine : la hausse des prix des matières premières que les entreprises ont du mal à répercuter, ce qui génère des rentabilités négatives ! On observe une augmentation notable des procédures au tribunal de commerce, et les chefs d'entreprises sont épuisés par tout ça... Les années qui arrivent s'annoncent difficiles en raison des volumes d'activité à la baisse, et on s'attend à de la concurrence déloyale car certains vont baisser les prix pour avoir des marchés.

Lire aussiCrise du logement : la Caisse des Dépôts sort le carnet de chèques pour relancer l'immobilier neuf

On sait que de nombreux secteurs peinent à recruter, dont le bâtiment. Les entreprises régionales disposent-elles des effectifs suffisants pour honorer leurs carnets de commandes ?

Il nous manque toujours du personnel, c'est structurel, mais si le gouvernement ne fait rien pour le logement neuf, ce sont près de 100.000 emplois qui pourraient disparaître au niveau national, soit environ 10.000 en Occitanie... Ça fait longtemps qu'on travaille sur l'attractivité de nos métiers mais le message à du mal à passer car on part de très loin ! Il y a aussi de moins en moins de candidats et sur tous les métiers du bâtiment. D'autant qu'on est maintenant en concurrence avec plein de secteurs, c'est la chasse au recrutement ! Pourtant, les conditions de travail dans le bâtiment ont évolué : on paie au dessus des grilles de salaires, les horaires sont aménagés, il y a les engins de levages, des exosquelettes, du numérique... Mais le rapport au travail a changé  : aujourd'hui, les gens "consomment" du travail et s'en vont à la moindre difficulté ! On ne croit plus à l'entreprise, on vient pointer. Alors que le bâtiment peut être un bon ascenseur social ! On a toujours du flux sortant, et même plus qu'avant, et on n'a plus de flux entrant de bonne qualité, donc aujourd'hui, certaines entreprises sont en pénurie de main d'œuvre et de main d'œuvre compétente, et certaines en sont presque à fermer car elles ne trouvent pas d'ouvriers pour les chantiers... Je dirais qu'il y a environ 5.000 postes qui ne sont pas pourvus en Occitanie. Ce qu'il faut faire, c'est conserver le personnel qu'on a, fermer le robinet sortant ! Il faut donc travailler sur la marque employeur, sur les conditions de travail, sur les salaires, sur l'innovation pour attirer les jeunes. Le problème, c'est que l'activité devrait ralentir l'an prochain, et les entreprises risquent de se retrouver avec des salariés mais moins de travail. Il faut continuer à investir sur l'humain sans visibilité !

Lire aussiImmobilier : les 16 propositions du Conseil national de la refondation pour refondre la politique sociale du logement

L'Etat prépare d'importantes enveloppes pour la rénovation des bâtiments scolaires (2 milliards d'euros de prêts de la Banque des territoires fléchés vers les écoles, 50 millions de crédit d'ingénierie et potentiellement 2 milliards du « Fonds vert » pour les écoles, collèges et lycées). Le marché de la rénovation pourrait-il compenser celui de la construction ?

Le bâtiment aujourd'hui, c'est 54% d'entretien et de rénovation, mais ce n'est pas suffisant. Donc oui, il faut mettre l'accent sur la rénovation, il y a un marché ! Il faudrait rendre la rénovation attractive du point de vue fiscal par exemple. Ce marché doit être un amortisseur de crise du logement neuf.

L'un des soucis majeurs de la période est le prix des matériaux de construction. Le secteur du bâtiment est dans l'attente de la mise en place d'un dispositif par le gouvernement pour l'amélioration de la prévisibilité des prix sur les marchés publics et privés du BTP. Sauf que les producteurs de matériaux sont accusés de ne pas jouer le jeu...

On est aujourd'hui sur une tendance baissière mais ce n'est pas flagrant et oui, on attend que les industriels jouent le jeu. Il n'y a qu'à regarder les bilan des mastodontes comme Saint-Gobain ou ArcelorMittal... Il aurait fallu répartir l'effort.

La FFB Occitanie vient de lancer L'Atelier B à Montpellier, un nouveau tiers-lieu ouvert à tous les acteurs de l'écosystème construction en Occitanie : pour quoi faire ?

Le bâtiment est en pleine mutation : on change de modèle de construction, on change de matériaux, on change la façon dont on pense les bâtiments... L'Atelier B est une initiative de la FFB Occitanie et de son centre de formation Batys Compétences Occitanie avec l'idée d'impulser une dynamique de rencontres, d'échanges et de diffusion des savoirs autour de l'avenir du secteur de la construction. La FFB Occitanie vient de se doter d'un nouveau siège à Montpellier et a souhaité y réserver des espaces de travail, des équipements et des services ouverts à tous les professionnels de l'acte de bâtir. L'Atelier B compte déjà près de 70 entités partenaires dans les secteurs publics et privés : institutions, entreprises du bâtiment et de la tech, start-ups, clusters et centres de recherche, associations et organismes professionnels, acteurs de la filière construction et logement, banques et assurances, organismes de formation et d'éducation... Les premières masterclass, conférences ou workshop vont démarrer ce mois-ci, sur des sujets comme la gestion de son temps, le béton bas-carbone, la cybersécurité ou la gestion de l'eau sur les chantiers. Le but, ce n'est pas que ce soit un outil de la FFB mais de la filière de la construction... Par ailleurs, nous sommes en train de créer un think-tank, baptisé Le Cercle, qui sera lancé au second semestre 2023 et hébergé à l'Atelier B.

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.