« Nous restructurons notre dette pour un montant de 2,4 milliards d'euros pour nous tourner vers l’avenir » (Ran Oren, DG du Groupe Altrad) :

INTERVIEW - Le directeur général du groupe Altrad, Ran Oren, revient sur les points clés de la stratégie de l’entreprise pour l’exercice en cours. La société vient notamment de restructurer sa dette et de se positionner pour racheter de nouvelles activités.
Ran Oren, directeur général du groupe Altrad.
Ran Oren, directeur général du groupe Altrad. (Crédits : Guillaume Mollaret)

LA TRIBUNE - Le groupe Altrad (services à l'industrie) a réalisé dix rachats de sociétés l'an dernier, dont Endel, la filiale de maintenance industrielle et nucléaire d'Engie, qui permet de renforcer votre présence en France et dans le nucléaire. A quelles stratégies répondent ces opérations ?
Ran OREN - Le mot qu'utilise Mohed (Altrad, président fondateur du groupe, NDLR), c'est de savoir se montrer "opportuniste" sur les affaires qui se présentent. Notre volonté est de pouvoir nous développer en acquérant des compétences et des métiers complémentaires à ceux qui sont les nôtres aujourd'hui. J'ajoute que l'ensemble des acquisitions que vous mentionnez représente 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Ils s'ajoutent aux 2,7 milliard d'euros réalisés par le groupe l'an dernier. Nous avons trois autres opérations en cours. Elles ajouteront, si elles se concrétisent, plus ou moins 450 millions d'euros d'activité en plus. C'est tout à fait considérable et représente un challenge pour nous tous.
Où sont basées ces trois cibles ?
L'une se trouve en France, l'autre en Italie et enfin une dernière au Royaume-Uni mais elle œuvre à l'international. Notez qu'avec l'acquisition d'Endel auprès d'Engie, la part française de notre activité remonte significativement.
Certes mais, elle plombe votre rentabilité, notamment pour les activités hors nucléaire d'Endel...
La rentabilité d'Endel est actuellement plus faible que celle que nous visons mais nous travaillons sur le long terme pour apporter de la sérénité à cette activité, comme à toutes les autres entités du groupe.
Altrad concentre beaucoup d'activités au Royaume-Uni. Avec le rachat récent de Sparrows (services d'ingénierie, d'inspection, d'exploitation et de maintenance dans l'offshore, les énergies renouvelables et l'industrie), vous intégrez une entreprise de l'éolien offshore. Est-ce une façon d'anticiper la transition énergétique et une baisse d'activité dans l'oil & gas ?
L'oil & gas représente aujourd'hui 30% de notre chiffre d'affaires. C'est un élément encore très important pour nous, comme cela reste une ressource d'énergie importante pour le monde. Nous sommes à l'écoute de nos clients et nous les suivrons dans leur démarche de transition énergétique. En travaillant notamment sur l'isolation des infrastructures, nous les aidons à améliorer leur empreinte écologique et leur efficacité énergétique. Par ailleurs, comme vous le soulignez, en reprenant Sparrows et Alpha nous nous positionnons sur le travail auprès d'autres énergies, comme l'éolien. Nous travaillons aussi sur l'hydrogène vert en Australie avec des partenaires américains.
Altrad va augmenter de 50% son chiffre d'affaires par le seul fait de ses nouvelles acquisitions. Comment absorber un tel choc de croissance sans le subir ?
Tout d'abord, nous n'intégrons pas l'ensemble de ces sociétés au sein de la holding et du siège. Pour un groupe de notre taille, notre structure est assez light. Ce sont donc nos filiales qui nous apportent des opportunités. La société Valmec, par exemple, nous a été présentée par notre filiale australienne. Dès lors, il est logique que ce soit nos filiales qui procèdent à leur intégration pour qu'elles puissent proposer un service complémentaire à leurs clients. Si nous faisons, en revanche, l'acquisition d'activités complètement nouvelles, alors à ce moment-là, c'est la holding qui procède à l'opération de croissance externe. Cela a notamment été le cas pour RMD Kwickform. Ce dernier cas de figure vaut également pour les opérations d'envergure telles que le rachat de Cape, par exemple, il y a quelques années.
Avez-vous des recettes préconçues que vous faites ensuite appliquer à vos filiales ?
Non, il n'y a pas de recette. La holding est une holding industrielle et opérationnelle qui rentre vraiment dans les détails des structures et des organisations. Elle n'est pas une simple animatrice. Cependant notre structure est légère donc agile. S'il devait y avoir une recette, ce serait d'abord celle de simplifier les organisations. Nous trouvons que beaucoup de groupes comptent trop de strates. Nous, nous appliquons un principe de subsidiarité. En laissant de l'autonomie commerciale, RH, relations clients et fournisseurs aux filiales, on les responsabilise. Et elles deviennent plus efficaces. La holding est bien sûr présente en cas de besoin, notamment pendant les premières années, mais avec l'expérience, cette efficacité vient d'elle-même. Parfois, nous rachetons des sociétés où il n'y a pas de culture du "cash" et où seul le chiffre d'affaires compte. C'est là que nos équipes passent du temps et font un effort de pédagogie pour faire comprendre que, comme on dit en Angleterre, "Turn-over is vanity, profit is sanity, cash is king" (le chiffre d'affaires est vanité, le bénéfice c'est la salubrité, le cash est roi, NDLR). 
Altrad dispose d'une confortable trésorerie et se trouve peu endetté. Votre ratio dette/ebitda était inférieur à 1 avant l'acquisition d'Endel. Cela illustre cette culture du cash...
C'est une culture du cash et de la performance qui se travaille au quotidien. Ce n'est pas chose facile, c'est vrai. Mais si on peut le maintenir, c'est aussi grâce au soutien de nos conseils et des banques. Nous restructurons d'ailleurs notre dette pour un montant de 2,4 milliards d'euros afin de nous tourner vers l'avenir. Dans le détail, cette somme est composée d'un refinancement auquel s'ajoute une capacité additionnelle.
L'activité de services, maintenance et ingénierie est aujourd'hui majoritaire. Elle est également plus rentable que l'activité industrielle d'échafaudage. Comptez-vous conserver cette activité historique du groupe ?
Oui, il le faut absolument.  
Le Groupe Altrad détient une filiale un peu particulière, le MHR (Montpellier Hérault Rugby... Acceptez-vous qu'elle ne reste pas rentable ?
(Rires) No comment ! Plus sérieusement, le sport, c'est la passion et c'est d'abord celle du président Mohed Altrad. C'est aussi un levier de communication sur nos valeurs en externe comme en interne. La Coupe du Monde féminine arrive en fin d'année en Nouvelle-Zélande et il y aura la Coupe du Monde masculine l'an prochain en France. Nous allons nous appuyer sur ces deux événements pour travailler l'image du groupe mais aussi pour faire de la promotion afin de recruter davantage de femmes dans nos équipes.
Vous avez fait un choix rare en France qui est de changer les couleurs de votre logo sur vos réseaux sociaux pour adopter les couleurs de l'Ukraine. Pourquoi ce choix, alors même que vous avez des équipes en Russie ?
Nous avons 300 personnes qui travaillent pour le groupe en Russie. Ces personnels se sentent isolés et notre rôle, c'est de garder le contact, qui est très bon par ailleurs, avec eux. Nos équipes ne sont pour rien dans ce qui arrive... Sur le plan des affaires, nous sommes très attentifs à la règlementation internationale et nous nous y conformons évidemment. Il n'y a notamment pas de livraison dans le pays. Pour ce qui est de la couleur du logo, cela vient peut-être en partie du fait que j'habite en Angleterre où beaucoup de sociétés n'ont pas eu peur de montrer leur solidarité et cela a peut-être participé de notre prise de décision.

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