Eau recyclée : Nereus va équiper le Village des athlètes construit pour les JO Paris 2024

La réutilisation des eaux usées fait progressivement son chemin. Dans l’Hérault, la PME Nereus, qui conçoit des unités industrielles de recyclage de l’eau, fait la démonstration des usages possibles, au gré de l’évolution des réglementations en la matière. Déjà présente dans l’industrie, l’hôtellerie de plein air ou l’hôtellerie, elle va faire son entrée dans le bâtiment à l’occasion de l’équipement d’un des immeubles du Village des athlètes, commandé par la Solideo, en charge de la livraison des ouvrages olympiques pour les JO Paris 2024. Dans le même temps, elle prépare une levée de fonds d’une quinzaine de millions d’euros.
Cécile Chaigneau
Nereus conçoit des unités industrielles de recyclage de l'eau à faible consommation d'énergie.
Nereus conçoit des unités industrielles de recyclage de l'eau à faible consommation d'énergie. (Crédits : Nereus)

Alors que la sécheresse actuelle pousse l'idée de davantage réutiliser les eaux usées, la perspective fait (lentement) son chemin, tentant notamment de déconstruire les préjugés sur le recours à cette typologie d'eau. Dans l'Hérault, au Pouget, l'entreprise héraultaise Nereus conçoit des unités industrielles de recyclage de l'eau à faible consommation d'énergie. Le principe : récupérer de l'eau et des ingrédients d'intérêt contenus dans des déchets liquides polluants et les recycler.

L'une de ses futures installations pourrait bien ouvrir des portes sur de nouveaux usages : Nereus a en effet été choisie par la Solideo, l'établissement public chargé des infrastructures olympiques et paralympiques (constructions comme rénovations) qui demeureront après les Jeux olympiques de Paris 2024. Elle équipera un des bâtiments du Village des athlètes pour la réutilisation des effluents du village olympique et déploiera sa solution de refroidissement d'îlots de chaleur urbains par extraction des eaux usées d'une eau qui servira à irriguer en souterrain les plantations du Village des athlètes.

« Nous avons multiplié les échanges avec les Agences régionales de santé et avec les ministères sur ce cas concret et on va vers des usages de plus en plus nombreux, déclare Emmanuel Trouvé, fondateur et dirigeant de Nereus. Ce projet n'est pas un marché énorme mais il est considéré comme expérimental. »

Distillerie et industrie

En attendant, Nereus poursuit ses objectifs et déroule sa feuille de route. L'entreprise emploie aujourd'hui 32 salariés et annonce un chiffre d'affaires de 4 millions d'euros. Chacune de ses installations vient démontrer la faisabilité et renforcer l'intérêt de sa solution pour la réutilisation des eaux usées.

« Nous avons mis en service une unité industrielle dans une distillerie en Martinique, traitant 40 m3/heure, et à l'issue de la 2e saison de fonctionnement, le client a entièrement utilisé de l'eau recyclée pour mouiller les cannes à sucre, en substitution de l'eau de forage, rapporte le dirigeant. Ce qui lui apporte l'avantage de ne pas dépendre de la ressource naturelle et d'utiliser une eau de meilleure qualité. Le concentré de matières organiques a été intégralement valorisé dans la compostière voisine pour retourner au sol. Du coup, ils ont fermé leur station d'épuration. Ce qui nous ouvre des perspectives pour équiper d'autres distilleries. On sait aussi que cette approche peut intéresser l'industrie laitière, qui pourrait trier les effluents qui ont servi dans le process industriel, plutôt que faire du traitement qui consomme de l'énergie et prend de la place. »

L'entreprise a récemment livré des unités de taille moyenne sur un site de lavage de verre à recycler à Albi et sur un site de déconditionnement de biodéchets en Île-de-France : « L'installation à Albi nous a permis de mettre le système à l'épreuve de la situation réelle, qui était de traiter l'eau d'un bassin à ciel ouvert, où les feuilles et autres plumes d'oiseaux peuvent venir perturber le cycle... Le site de déconditionnement de biodéchets, lui, fonctionne en boucle fermée : les biodéchets vont servir à fabriquer des soupes pour alimenter des unités de méthanisation, on traite les résidus, le concentré est mélangé aux soupes tandis que l'eau extraite retourne laver les camions de collectes et les cuves ».

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« Ce qui va compter maintenant, c'est ce qu'on laisse dans l'eau »

Depuis cinq ans, Nereus s'est implantée sur le marché de l'hôtellerie de plein air, notamment pour satisfaire les besoins en arrosage par des eaux recyclées. Mais le dirigeant évoque un changement de paradigme.

« La prise de conscience et les deux sécheresses de 2022 et 2023 accélèrent les bonnes intentions. Mais il y a un changement de paradigme important à considérer : quand vous traitez l'eau, vous êtes responsable de ce que vous enlevez, or ce qui va compter maintenant, c'est ce qu'on laisse dans l'eau ! Aujourd'hui, avec des eaux usées, on peut déjà arroser les espaces verts, nettoyer des espaces publics, amener des eaux usées dans les wc, et c'est déjà pas mal... Nereus a mis au point une machine qui est partie en test dans un hôtel 5* à Saint-Barthélemy début juillet : l'établissement cible les espaces verts et les wc, mais veut aussi garantir la qualité "eaux de baignade" de l'eau qu'ils rejetteront... Notre solution en est à sa 6e saison au camping Le petit mousse à Vias (Hérault, ndlr) où la moitié des besoins en eau provient du recyclage et sert à l'arrosage et à certains nettoyages. Des discussions réglementaires sont en cours pour savoir quelle qualité d'eau demander pour faire l'appoint dans les piscines. Le principe qui semble émerger dans les décrets en préparation, que le gouvernement a promis pour l'été, c'est que si les gens font des propositions d'installation respectant une qualité "eau de baignade", ils pourront obtenir des autorisations de réutilisation d'eaux usées avec une surveillance et des contrôles sur le volet sanitaire ».

Levée de fonds et nouveau décret

Nereus travaille actuellement au bouclage d'une levée de fonds.

« Nous voulons lever 15 millions d'euros, en première phase, pour passer à l'échelle industrielle, précise Emmanuel Trouvé. Notre projet d'agrandissement d'usine est conditionné à cette opération, dont le closing devrait intervenir dans quelques mois, voire semaines, et alors nous le relancerons. »

Enfin, dans son viseur, un nouveau décret que devrait prendre le gouvernement français et qu'évoque Emmanuel Trouvé : « C'est une avancée majeure que nous attendons dans les prochains mois. Ce décret rendra beaucoup plus simples les demandes d'autorisation de recycler de l'eau sur leur site pour les industries agroalimentaires. Dans certaines industries, des sites pourraient même devenir positifs en eau car beaucoup d'ingrédients apportent de l'eau, comme le lait, les légumes et les fruits ».

Cécile Chaigneau

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