« Les donneurs d'ordres comprennent que leur compétitivité dépend de leur capacité à travailler en bonne intelligence avec les startups »

A l’occasion de la première édition du Crealia’s week, l’accélérateur d’innovation Crealia interroge les relations entre startups et grands comptes et analyse synergies possibles et bénéfices mutuels. Un sujet qui n’est pas nouveau mais qui continuer d’évoluer. Témoignages croisés sur les base de l’amorçage et de la pérennité d’une relation.
A Montpellier, la Crealia's week s'est interrogé sur les règles qui régissent les relations entre startups et grands comptes.
A Montpellier, la Crealia's week s'est interrogé sur les règles qui régissent les relations entre startups et grands comptes. (Crédits : DR)

« En 1984, lorsque j'ai créé ma société, les relations entre startups et grands comptes n'existaient pas, les réseaux, les pépinières, ou les incubateurs non plus. On avait face à nous des banquiers. Depuis, la situation a beaucoup évolué, les passerelles sont facilitées », déclare Daniel Thebault, vice-président de Crealia Occitanie, en préambule de la première édition digitale de Crealia's week qui s'est tenue du 15 au 19 novembre 2021.

Allier l'agilité des startups à la capacité d'action des grands comptes a tout de séduisant, sur le papier du moins. Encore faut-il que cette complémentarité ne soit pas un leurre. Incubateurs, accélérateurs, programmes d'"intrapreneuriat"... Les dispositifs mis en place au sein des grands groupes sont nombreux. Mais derrière cette stratégie, n'y a-t-il pas la volonté d'absorber la jeune pousse ?

« Certaines startups qui ont produit des innovations disruptives viennent nous chercher spécifiquement pour des levées de fonds, et nos fonds venture investissent alors par des prises de participation minoritaire, mais ce n'est pas très courant, défend Muriel Biasiato, cheffe de projet innovation et numérique chez EDF Occitanie. Nous avons plusieurs autres dispositifs d'open innovation déclinés dans les régions, comme EDF Pulse. Nous parlons là de partenariat et de co-développement. Tout l'écosystème œuvre afin que les acteurs puissent échanger autour de préoccupations mutuelles. »

Sylvain Morel, cofondateur de Sportihome, plateforme montpelliéraine de réservation d'hébergement pour les sportifs, témoigne : « Nous n'avons jamais eu peur de nous faire avaler. Avec du dialogue, le bénéfice opportunités/risques est maîtrisé. »

Agir comme catalyseur

Précurseur en la matière, Orange a mis de l'open innovation dans sa stratégie dès 2012, notamment par la création du fonds capitalistique Orange Ventures puis par un dispositif d'accélération, Orange Fab.

« Assez centralisé à l'époque, l'open innovation a évolué vers des dispositifs en région comme les "villas", et par de l'inclusion numérique, notamment en Afrique avec les Orange Digital Center qui permettent d'accueillir les entreprises à tous les stades de leur développement, analuse Stéphane Vialle, responsable Orange Villa Occitanie. Mais une startup n'appartient qu'à elle-même. Nous sommes des catalyseurs au service des entrepreneurs et des startups. »

Un avis pleinement partagé par Véronique Allibert, chargée d'affaire entreprises innovantes du groupe bancaire BPCE : « Si aujourd'hui la Caisse d'Epargne s'implique autant dans l'innovation, c'est parce que cela a du sens. Nous venons d'ailleurs de nous structurer avec la création d'un pôle Grand compte innovation ».

La vitesse de frappe des startups

Alors qu'ils innovent beaucoup en interne, quel intérêt alors pour les grands groupes de se tourner vers les startups ?

« Les grands comptes ont conscience que s'appuyer sur une startup, c'est avoir une capacité d'innover beaucoup plus rapide, souligne Nicolas Capet, président de la société Anywaves, spécialisée dans la fabrication et la conception d'antennes pour les constellations de satellites. Dans le spatial, on vit une vraie révolution avec l'avènement de la miniaturisation. Des tas d'innovations ont émergé pour développer non plus un mais des milliers de satellites. Cette mouvance a bousculé les rapports. Historiquement, les grands donneurs d'ordres travaillaient sur des programmes colossaux. Ils comprennent aujourd'hui que leur compétitivité va dépendre de leur capacité à travailler en cohérence et en bonne intelligence avec les startups qui génèrent de nouvelles propositions de valeur et rendent tout l'écosystème plus compétitif. D'autant que la compétition est mondiale. »

« Au culot »

Entrer en contact avec des grands comptes est souvent vécu par les startups comme le parcours du combattant. Outre le manque de notoriété ou la difficulté d'approche, les obstacles restent nombreux. Les portes d'entrée étant multiples, le premier défi consiste à identifier la bonne personne. Et à oser, comme l'a fait la société Hopper, pour son projet de lame de course innovante dédiée aux sportifs amputés.

« Le projet de la lame en carbone est né du partenariat entre un groupe d'élèves ingénieurs et deux porteurs de projets représentant Airbus, raconte Victor Premaud, directeur général de Hopper. Pour la semelle, c'est au culot que nous avons contacté Salomon. La période de confinement a joué en notre faveur car nos interlocuteurs avaient plus de temps à nous consacrer. Notre projet portait des valeurs communes. Leur expertise nous a permis de développer un prototype. Par la suite, d'autres grands groupes ont rejoint le mouvement - Irun, Décathlon, etc. - et notre lame de course devrait voir le jour au printemps 2022. »

Le marketing d'influence

Autre porte d'entrée pour capter les grands comptes : les réseaux sociaux.

« Lorsque nous avons créé l'entreprise, nous avons imaginé l'univers que nous souhaitions développer, confie le cofondateur de Sportihome. Nous avons listé les marques susceptibles de partager nos valeurs, nous les avons ajoutées sur les réseaux sociaux puis nous avons trouvé des interlocuteurs. Par le biais d'une influenceuse, nous sommes entrés en contact avec Décathlon, avec qui nous collaborons depuis trois ans. Cela nous a permis de gagner la confiance des utilisateurs. En parallèle, l'ancienne championne de windsurf Nathalie Simon avait posté une annonce de son logement sur notre plateforme : nous lui avons proposé d'être ambassadrice de la marque. »

La startup vient de lever 2 millions d'euros auprès du fonds Acurafy, de la banque des territoires, de BPI France, et de ses business angels historiques et... de Nathalie Simon. Elle compte parmi ses clients Le vieux campeur ou Go Sport.

Garder le lien

Si la nécessité d'instaurer un climat de confiance ne fait aucun doute, le turn-over dans certains grands groupes génère plus d'inquiétude.

« Le vrai risque pour nous se situe dans la pérennisation de la relation construite, mais que se passe-t-il si l'interlocuteur change ? », se demande Sylvain Morel.

« D'où l'importance de garder le lien, sur LinkedIn notamment, répond la cheffe de projet innovation EDF Occitanie. Il ne faut pas hésiter non plus à fixer des calendriers, des indicateurs, à faire des comptes-rendus réguliers pour entretenir cette confiance. »

Lenteur opérationnelle, lourdeurs administratives, contractualisations, propriété intellectuelle, produit pas assez mature, difficulté d'intégration dans les process internes... De part et d'autre, la cohabitation est parfois complexe et nécessite un modus vivendi. Mais les six intervenants en sont convaincus : « Anticiper et échanger permet de lever ces inquiétudes ». Alors la confiance, socle d'une nouvelle organisation de l'entreprise pour une vraie relation win-win ? Ils sont nombreux à le penser.

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