Les Handipreneurs, 1e plate-forme de mécénat participatif pour entrepreneurs handicapés

Elle sera lancée le 19 novembre lors de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées : la plate-forme www.leshandipreneurs.org a vocation à soutenir les projets professionnels portés par ce public. Jean-Philippe Murat, chef d’entreprise resté tétraplégique après un accident en 2006, en est à l'origine.
Cécile Chaigneau
(Crédits : REUTERS)

« Après avoir été chef d'entreprise, j'ai moi-même expérimenté ce qu'est le parcours du combattant du chef d'entreprise handicapé, et c'est comme ça que j'ai réfléchi au projet d'un dispositif qui soutiendrait les handipreneurs. »

Handipreneurs

Jean-Philippe Murat est un entrepreneur dans l'âme. Passé par M6 ou Canal Web (premier opérateur européen de télévision numérique sur le web), spécialiste des médias (il a structuré l'offre de programmes et développer les coproductions de chaînes thématiques avec les groupes Lagardère, TF1, Pearson TV et Universal, Libération, Le Monde ou Les Echos, et déployé avec TV Web Régions, la filiale médias numériques du Syndicat de la PQR, les premières chaînes locales web des grands titres régionaux), il se lance ensuite dans la téléphonie puis dans l'industrie du luminaire. En 2006, sa trajectoire est stoppée net : suite à un accident, il reste tétraplégique.

« Ce qui est étonnant, lorsque vous devenez handicapé moteur, c'est que les gens ne peuvent pas s'empêcher de considérer que vous êtes aussi diminué sur le plan intellectuel ! J'ai eu envie de changer les regards. »

Jean-Philippe Murat n'est pas le premier à porter ce message d'urgence. Sa voie sera celle de l'entrepreneuriat et il s'empare du néologisme « handipreneur », désignant très clairement une personne en situation de handicap qui se lance dans l'entrepreneuriat et crée sa propre activité de travail.

C'est ainsi que Jean-Philippe Murat vient de créer la première plate-forme de mécénat participatif dédiée aux projets professionnels portés par des personnes handicapées, baptisée www.leshandipreneurs.org et qui se veut donc une réponse à l'exclusion des personnes handicapées du monde du travail, mais également au gisement d'activités né de la révolution numérique et à l'émergence de nouveaux métiers qui peuvent s'exercer en télétravail. Elle sera officiellement lancée le 19 novembre, à l'occasion de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées.

A la faveur de la loi Macron

Car Jean-Philippe Murat a constaté les nombreux freins qui rendent complexe l'insertion des personnes handicapées dans le monde professionnel, aussi bien pour les salariés (taux de chômage deux fois supérieur aux personnes valides) que pour les travailleurs indépendants ou les chefs d'entreprise handicapés. Les entreprises de plus de 20 salariés ont obligation d'embaucher un quota de 6 % de travailleurs handicapés, mais elles ne sont que 27 % à l'atteindre, rappelle-t-il par exemple.

« En janvier, j'ai créé l'association Les Handipreneurs, qui regroupe des chefs d'entreprises handicapés, explique Jean-Philippe Murat. Depuis la loi Macron, en vigueur depuis début 2016, les entreprises peuvent passer des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestation de services avec des travailleurs indépendants handicapés ou Handipreneurs, ce qui leur permet de déduire le volume d'heures sous-traitées de leur contribution financière Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, NDLR). Jusque là, elles ne pouvaient le faire qu'auprès des seuls établissements spécialisés, entreprises adaptées n'employant que des personnes handicapées de type ESAT. La France compte 75 000 entrepreneurs handicapés, avec une augmentation de 6 % de création d'entreprises par cette population pour la seule année 2015. Il existe une vraie dynamique entrepreneuriale qui change le regard sur le handicap car elle crée de la richesse. »

Faire un don ou tutorer

L'association Les Handipreneurs, dont le siège social est à Rodez (12), ville d'origine de Jean-Philippe Murat, ouvrira un bureau à Montpellier (au centre d'affaires Baya Axess au Millénaire) à partir du 1e décembre. Le dirigeant veut y établir son « camp de base, car la ville est adaptée au handicap en matière d'accessibilité, donc propice à l'installation de travailleurs handicapés ».

« Les activités de l'association s'organisent autour de trois axes de travail, souligne-t-il. Fédérer et faire entendre la voix des Handipreneurs auprès des institutions, être lanceur d'alerte auprès des décideurs politiques et économiques sur la situation de grande précarité et de paupérisation de la population du handicap et provoquer un changement de regard en démontrant que les handicapés peuvent aussi créer de la richesse économique, et favoriser la dynamique entrepreneuriale des personnes handicapées. »

Les donateurs (des particuliers, des entreprises ou des associations) peuvent contribuer à un projet à partir de 10 €. Du fait de leur caractère reconnu d'utilité publique, les dons bénéficieront de déductions fiscales.

« Il est aussi possible de tutorer un handipreneur et son projet, précise Jean-Philippe Murat. Dans un premier temps, nous lançons un appel à projets national. Pour s'inscrire, on peut être travailleur indépendant, profession libérale, commerçant ou chef d'entreprise, tous les profils sont acceptés... Avec LesHandipreneurs.org, nous comptons rassembler autour de valeurs communes les acteurs d'une culture collaborative, innovante, et ouverte et d'une citoyenneté active au profit d'un monde inclusif autour de toutes les formes du handicap. »

Avant-projet de loi

Le combat de Jean-Philippe Murat se poursuit également par la voie législative : en 2016, il a fait des propositions très précises dans un avant-projet de loi remis à la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale, dans l'objectif d'obtenir la création d'un véritable statut d'handipreneur.

« J'ai encore rendez-vous au ministère le 16 novembre pour poursuivre les discussions autour de ce statut. Pourquoi un statut spécial ? Parce qu'un handipreneur est plus vite fatigué et du fait de ses difficultés de mobilité, développer un marché lui demande plus de temps. Nous demandons de pouvoir bénéficier d'exonération de charges sociales et patronales la 1e année, et d'avoir un accès aux crédits liés à bpifrance avec une couverture assurance qui nous protège et nous garantit au niveau des banque. »

Cécile Chaigneau

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