Comment OOmade veut disrupter le SAV des opticiens avec l’impression 3D

Imprimer en 3D des lunettes de dépannage en attendant la réparation d’une monture cassée. Tel est le pari et la solution développée par la startup OOmade, non loin de Montpellier. Ce service de gestion « SAV lunetterie », que la startup teste depuis un an principalement dans les points de vente de l’enseigne Krys, est maintenant commercialisé en mode SaaS. Une innovation disruptive pour le secteur, contraint jusqu’à présent au « bricolage » de lunettes dans l’attente de la réparation.
Cécile Chaigneau
Michel Hodzaj et Paul-Éric Robert, cofondateurs de OOmade.
Michel Hodzaj et Paul-Éric Robert, cofondateurs de OOmade. (Crédits : OOmade)

Environ 10% des lunettes subiraient des dommages nécessitant des réparations. Les réparations définitives peuvent prendre en moyenne entre une semaine et dix jours, en fonction des disponibilités des pièces. Pour les opticiens comme pour les clients, les solutions temporaires, comme l'utilisation de branches de dépannage ou une réparation à la colle, pallient l'urgence d'une manière pas toujours satisfaisante. C'est pour répondre à cette problématique que Paul-Éric Robert, opticien depuis quinze ans, et Michel Hodzaj, ancien d'Alcatel et serial-entrepreneur dans le secteur IT et les télécom, ont fondé OOmade en 2022, au Crès, près de Montpellier.

« Jusqu'à présent, les opticiens font du bricolage pour réparer des lunettes en attendant les réparations définitives, souligne Michel Hodzaj. Ma rencontre avec Paul-Éric Robert, c'est celle d'un opticien et son client. C'est lui qui a émis l'idée d'une réponse plus appropriée à la réparation de lunettes via la technologie d'aujourd'hui : l'impression 3D. »

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20 millions de paires de lunettes vendues par an

Après deux ans de R&D, OOmade débarque sur un marché très actif. Le marché de l'optique français est l'un des plus dynamique d'Europe... Boosté par des tendances structurelles comme le vieillissement de la population ou la généralisation des supports numériques, il continue de rester très attractif.

Ainsi, selon une étude d'Additi Media sur le marché de l'optique en France, parue à l'été 2022, « un peu plus de 7 Français sur 10 (76%) portent des lunettes de vue » et « le secteur de l'optique a généré un chiffre d'affaires total de 6,75 milliards d'euros en 2021 ». L'étude fait état d'un marché en hausse, avec « 16 millions de paires de lunettes de vue vendues en 2020, contre 13 millions en 2016, les verres de correction représentant 62% du chiffre d'affaires et les montures optiques 27% ». Aujourd'hui, OOmade évoque plutôt 20 millions de paires vendues chaque année... Enfin, l'étude indique qu'en 2020, la France comptait 40.783 opticiens (+6% par rapport à 2019) pour 12.440 magasins d'optique, dont la moitié sont des opticiens indépendants.

Plus récemment, l'étude de GfK Market Intelligence révélait que les revenus 2023 du secteur ont atteint 7,8 milliards d'euros en France (incluant les ventes de lunettes de vue, lunettes de soleil, lentilles de contact et produits d'entretien), en hausse de 6,8% sur un an. Optical Center mène le marché avec 600 magasins et un chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros, suivi de GrandVision et de Krys Group. Les opticiens indépendants représentent environ 20% du marché avec 3.000 points de vente.

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Des « lunettes de courtoisie » en amidon de maïs

OOmade introduit donc une première dans le monde de l'optique : une solution de gestion de SAV et du dépannage de lunettes par impression 3D. Disponible sous la forme d'une solution SaaS associée à la mise à disposition d'une imprimante 3D, OOmade permet aux opticiens de saisir les dimensions des montures et des verres des clients pour générer un modèle 3D, qui est ensuite imprimé directement en magasin. Ce processus, breveté, utilise des matériaux biosourcés et recyclables tels que le biopolymère obtenu à partir d'amidon de maïs ou de betterave, permettant de réutiliser les matériaux « entre cinq et huit fois », précise Michel Hodzaj.

« L'opticien utilise un palpeur pour prendre les dimensions de la monture et envoie ce fichier au verrier : notre solution permet de récupérer ce fichier, qu'un logiciel transforme pour qu'il soit compréhensible par une imprimante 3D et en moins de dix minutes, elle imprime une monture de dépannage correspondant aux verres du client en attendant que l'opticien ait commandé les pièces de réparation ou la nouvelle monture, explique le dirigeant. Ce sont en quelques sortes des "lunettes de courtoisie" dont la durée de vie peut aller de quelques jours à quelques mois, et qui seront ramenées chez l'opticien quand le client aura récupérer ses lunettes réparées... Personne n'avait pensé créer une monture par rapport à la configuration du verre car normalement, c'est l'inverse qui se fait. C'est une vraie rupture dans la manière de gérer le SAV. »

Une imprimante 3D est fournie par OOmade à l'opticien qui peut, en moins de 10 minutes, imprimer une paire de lunettes de dépannage.

Une imprimante 3D est fournie par OOmade à l'opticien qui peut, en moins de 10 minutes, imprimer une paire de lunettes de dépannage. (© OOmade)

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L'enseigne Krys séduite

Le service est gratuit pour les clients dont les lunettes sont sous garantie, et payant, à la discrétion de l'opticien, pour les autres. Pour l'opticien qui choisit de s'abonner à ce service de gestion « SAV lunetterie », il lui en coûte 99 euros par mois, comprenant l'abonnement à la plateforme logicielle et l'imprimante 3D.

« Un de nos clients a fait une étude sur une dizaine de magasins et s'est aperçu que cela renforçait la fidélité des clients mais aussi permettait d'en acquérir de nouveaux, donc dès les deux ou trois nouveaux clients, le retour sur investissement est fait, affirme Michel Hodzaj. D'autant que l'imprimante permettra, à terme, d'autres services comme le prototypage pour faire des lunettes sur mesure, en adaptant des montures au visage. Mais en attendant, à la demande de certains opticiens, nous avons ajouté la possibilité d'imprimer des goodies à leur effigie. »

OOmade a lancé la commercialisation de ce service de gestion « SAV lunetterie » en janvier 2023 : « Nous avons travaillé avec une grande enseigne, Krys, avec laquelle nous avons pu faire une sorte de POC fonctionnelle en équipant un grand nombre de ses points de vente (le dirigeant insiste sur le fait qu'il n'y a pas eu de soutien financier et que OOmade n'est d'aucune façon liée à l'enseigne, NDLR). Aujourd'hui, 160 opticiens, de grandes enseignes ou indépendants, ont intégré notre technologie dans leur quotidien, utilisant la solution environ deux fois par jour ».

Levée de fonds en perspective

La startup, qui emploie neuf personnes, aurait ainsi déjà permis la production de près de 8.000 paires de lunettes de remplacement. Les fondateurs indiquent également mener des discussions avancées avec de grands groupes optiques pour étendre leur solution aux réseaux de franchises, sans en communiquer de noms.

OOmade souhaite élargir son impact sur le marché, en France mais aussi à l'international où, selon Michel Hodzaj, « tous les opticiens ont les mêmes problèmes avec le même type de réponse insatisfaisante ». La startup a fait breveter sa solution dans une soixantaine de pays et pourrait attaquer ces marchés à compter de 2025.

Pour se donner les moyens d'accélérer, les fondateurs de OOmade envisagent une levée de fonds en fin d'année 2024, qui leur permettrait notamment de recruter tant sur la R&D que sur les forces commerciales.

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Cécile Chaigneau

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