Intelligence artificielle : Digital 113 veut « permettre à n'importe quelle entreprise de se lancer »

SÉRIE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (1/3) - Si beaucoup regardent l’intelligence artificielle avec enthousiasme et espoir, cette technologie reste encore méconnue et source d’inquiétude, notamment pour les dirigeants des TPE-PME. Pour la démystifier, mettre en lumière des cas d’usages pertinents et montrer comment elle peut être intégrée efficacement dans les processus opérationnels pour améliorer la productivité et l’innovation d’une entreprise, le cluster numérique occitan Digital 113 vient de lancer son programme « Occitanie is AI » avec l’ambition d’acculturer les acteurs régionaux. Amélie Leclercq, directrice générale de Digital 113, en explique le périmètre.
Cécile Chaigneau
Amélie Leclercq, directrice générale du cluster numérique Digital 113 en Occitanie.
Amélie Leclercq, directrice générale du cluster numérique Digital 113 en Occitanie. (Crédits : Digital 113)

Digital 113 représente, en 2024, près de 300 entreprises et plus de 17.000 emplois, répartis sur les treize départements de l'Occitanie. Présidé depuis le 21 juin dernier par Françoise Nauton-Inglis, dirigeante de l'agence montpelliéraine de conseil en transformation digitale Spiriit, le cluster s'est bien sûr emparé de la question de l'intelligence artificielle, notamment pour favoriser son adoption par les TPE et PME régionales. C'est pourquoi il a lancé, en mai dernier, la démarche « Occitanie is AI » avec la création d'un collectif et d'un parcours dédié.

LA TRIBUNE - 200 acteurs de l'IA ont été cartographiés à ce jour en Occitanie. Qui sont-ils ?

Amélie LECLERCQ, directrice générale de Digital 113 - Cela fait maintenant trois ans que nous cartographions les acteurs de l'IA en Occitanie. Ce sont des entreprises, des clusters, des acteurs de la formation ou des organismes de recherche. Cette liste n'est pas encore exhaustive, mais notre objectif est de bien qualifier chacun d'entre eux. La région Occitanie compte quelques acteurs phares en IA. Par exemple Aniti, l'Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute qui vient d'être à nouveau labellisé 3IA, le cluster IA Méditerranée à Montpellier ou encore l'entreprise montpelliéraine Wefight qui développe des assistants virtuels pour la gestion des soins de patients atteints de cancers ou de maladies chroniques.

Le baromètre trimestriel publié le 21 mai dernier par Bpifrance Le Lab et Rexecode (3.265 dirigeants de PME/TPE interrogés par internet du 15 au 25 avril 2024) montre que le tissu économique français est encore loin d'avoir adopté l'intelligence artificielle : au cours de ces trois dernières années, seulement 9% des TPE-PME ont investi dans l'IA. Mais 18% des dirigeants comptent augmenter leur investissement contre 4% qui veulent le réduire, 11% souhaitent le maintenir et 66% ne savent toujours pas.

Pourquoi un programme dédié à l'IA et qui en sont les partenaires ?

Les partenaires d'Occitanie is AI, avec Digital 113, sont Numeum, le Medef, ANITI, Ekitia, La Mêlée, l'agence Ad'Occ, le Sicoval, Montpellier Méditerranée Métropole, Toulouse Métropole et la Région Occitanie... L'objectif est de proposer aux TPE-PME un programme complet, avec notamment des événements et de la formation, et un collectif engagé en faveur d'une IA éthique et responsable. Nous voulons proposer une meilleure compréhension des différentes formes d'IA, y compris les IA génératives, et expliquer l'essor actuel de ces technologies. Le but étant de rendre l'IA accessible à tous, notamment les TPE et PME régionales. En Occitanie, nous avons la chance d'avoir un monde académique, des écoles, des entreprises, des grands groupes, beaucoup d'acteurs associatifs, etc. experts en IA. Mais une petite entreprise peut rapidement être perdue quand elle démarre une démarche autour de l'IA. L'ambition est donc de simplifier son parcours et de lui donner une porte d'entrée afin de l'orienter selon sa maturité. D'où un parcours en huit étapes.

Quelles sont ces huit étapes ?

Ces huit étapes sont s'acculturer, se former, évaluer sa maturité, phosphorer et explorer, challenger ses projets, innover, passer à l'action et valider-labelliser, notamment être conforme à l' « IA Act »... L'objectif de ce parcours est de permettre à n'importe quelle entreprise de lancer une démarche IA au bon niveau de maturité. Nous avons organisé, en mai, des événements de lancement en formats courts à Toulouse et Montpellier pour démystifier et donner envie. Dire que l'IA n'est pas que de la R&D mais surtout des cas d'usage. Et ensuite, si les entreprises ont besoin d'être accompagnées, elles peuvent se référer à la cartographie pour trouver des prestataires.

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Selon le baromètre trimestriel Bpifrance Le Lab et Rexecode, l'une des explications au faible investissement des TPE-PME dans l'IA vient du fait qu'il est difficile, pour ces petites entreprises, d'estimer leurs besoins en investissement, notamment dans des technologies récentes comme l'IA. Une enquête d'Adecco, publiée début avril 2024, montre que 61% des dirigeants interrogés pensent que l'IA va changer la donne pour leur secteur, la proportion grimpant à 82% dans le secteur de la technologie, contre 51% dans l'automobile, le transport et la logistique. Mais 57% avouent manquer de confiance dans les compétences et connaissances sur l'IA de leur propre équipe dirigeante. Cette enquête révèle aussi que 41% des dirigeants interrogés s'attendent à ce que leurs effectifs diminuent d'ici cinq ans à cause de cette technologie.

L'IA est encore méconnue et génère de la peur. Vous le dites, il faut encore aujourd'hui démystifier ces technologies. Est-ce là le principal frein chez les dirigeants de TPE-PME à s'emparer clairement du sujet de l'IA ?

Les principaux freins sont des freins humains... Il faut se poser la question des besoins en IA, des usages où et comment. Il y a donc d'abord des freins chez ceux qui ne connaissent pas l'IA et à qui ça fait peur. La peur que ça tue leur métier est l'idée préconçue la plus véhiculée ! On essaie d'expliquer que ça va modifier les métiers en allégeant certaines tâches au profit d'autres, réduire la pénibilité de certains gestes, et permettre de gagner en performance. A chaque événement de présentation du programme « Occitanie is AI », à Toulouse comme à Montpellier, nous avons accueilli quelque 130 personnes, ce qui démontre l'appétence des dirigeants et leur besoin de s'acculturer sur le sujet.

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Le plan IA de la Région Occitanie

Réunis en Assemblée plénière le 11 juillet, les élus régionaux ont adopté le Plan Intelligence Artificielle pour la période 2024-2028, doté d'une enveloppe de 60 millions d'euros.

« A travers son Contrat de filière numérique voté en 2022 (150 millions d'euros d'ici 2027, NDLR), la Région est un soutien des acteurs de l'IA pour notamment densifier les collaborations entre la recherche et les entreprises, a déclaré la présidente de Région Carole Delga. Aujourd'hui, nous avons pris la mesure du défi que représente l'IA. C'est un accélérateur d'innovation, un outil pour aller plus vite mais en aucun cas l'IA ne remplacera les talents. C'est pourquoi nous devons structurer la filière et accompagner les entreprises régionales dans l'intégration de cette technologie pour accompagner cette révolution. Ce plan de 60 millions d'euros traduit cette ambition collective. »

Le Plan Intelligence Artificielle se répartit comme suit : 22 millions d'euros pour la structuration et l'animation d'une filière « IA Occitanie » (accompagner 100 projets d'innovation sur cinq ans et doubler le nombre de création d'entreprises innovantes dans la filière IA pour porter ce nombre à 30 par an), 10 millions d'euros  pour accompagner les entreprises des filières régionales économiques clés (santé, agriculture, eau, énergie, aérospatial, mobilité, industries culturelles et créatives) sur l'intégration de l'IA dans leurs projets ou leurs innovations, 14 millions d'euros  pour soutenir la recherche en IA (particulièrement l'IA-Cluster ANITI ou IA Méditerranée), 9 millions d'euros pour la formation des métiers de demain et l'acquisition des compétences, et 5 millions d'euros pour intégrer l'IA dans les services et  politiques publiques de la Région Occitanie.

Les élus ont également adopté un dispositif doté d'une enveloppe de 2 millions d'euros en 2025 et dédié aux jeunes entreprises innovantes (de moins de 8 ans ayant développé un produit/une solution technologique et travaillant régulièrement avec un laboratoire de recherche régional) pour les accompagner dans la mise sur le marché de leurs innovations.

Cécile Chaigneau

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