Scénario toujours flou pour la filière audiovisuelle en Occitanie

Alors que l’annonce d’une année blanche pourrait être une bouffée d’air pour les intermittents, les tournages de films et séries télé en Occitanie sont toujours à l’arrêt. Une reprise progressive pourrait être envisagée dès la fin du mois, mais la filière se heurte toujours à de multiples problématiques, dont celle des assurances.
Le film Selon la police, réalisé par Frédéric Videau, a été tourné en Occitanie (ici à Carcassonne), avec notamment Laetitia Casta.
Le film "Selon la police", réalisé par Frédéric Videau, a été tourné en Occitanie (ici à Carcassonne), avec notamment Laetitia Casta. (Crédits : Ulrich Lebeuf - Occitanie Films)

Face à l'inquiétude grandissante des intermittents, Emmanuel Macron a fini par annoncer, le 6 mai 2020, une série de mesures visant au soutien du secteur de la culture : « Je veux qu'on s'engage à ce que les artistes et techniciens intermittents soient prolongés d'une année au-delà des six mois où leur activité aura été impossible ou trop dégradée, c'est à dire jusqu'à fin août 2021 », a déclaré le chef d'Etat.

Loin d'être un apanage, cette sécurisation des intermittents, qui attendent d'ailleurs un décret officiel, est plutôt vécue comme un sursis, d'autant que des zones d'ombre subsistent.

« Comme l'a rappelé la comédienne Jeanne Balibar, le diable est dans les détails. Tant que cette année blanche ne sera pas actée, les acteurs continueront à payer le prix fort en étant dans une situation de précarité extrême », s'inquiète Jérôme Léguillier, comédien et agent artistique ayant fondé à l'automne 2019 l'Agence Singulière, à Sète (34).

En Occitanie, 1 924 techniciens et comédiens sont recensés dans la base de données de référencement d'Occitanie Films. Or depuis le 15 mars 2020, les tournages sont à l'arrêt total.

17 projets à l'arrêt

Pourtant l'année s'annonçait sous les meilleurs auspices : l'Occitanie, troisième région de France (après l'Ile-de-France et PACA) en termes de tournages de séries télé et films, grignotait encore du terrain.

En 2018 déjà, les retombées économiques générées en Occitanie par les 1 497 jours de tournage avaient été estimées entre 28 et 30 M€, juste pour la fiction (hors animation). Les chiffres 2019 n'ont pas encore été publiés, mais d'après Marin Rosenstiehl, responsable de la commission "films" à Occitanie Films, « la tendance 2019 était encore meilleure que 2018 du fait d'un surcroît d'activité, avec notamment le tournage à l'année d'Un si grand soleil, la série produite dans les studios de France Télévisions (Vendargues, près de Montpellier, NDLR), qui a entraîné un effet levier ».

Avec 18 fictions TV (dont Tandem, Demain nous appartient, Un Si grand soleil ou Candice Renoir... pour ne citer que les plus connues), 11 longs métrages (dont Serre-moi fort de Mathieu Almaric et Poly de Nicolas Vanier), des documentaires, des courts-métrages et des films d'animations, la filière professionnelle était en plein développement. Mais c'était juste avant le Covid-19...

Si les dernières prises du film Selon la Police, réalisé par Frédéric Videau (avec Laetitia Casta), ont été tournées in extremis, les réalisateurs Bernard Campan et Alexandre Jollien n'ont pas eu cette chance. Le tournage de leur long-métrage Presque s'est arrêté net, tout comme les projets en cours.

« C'est une grande claque dans la figure, d'autant que la période faste d'activité pour les tournages est au printemps (notamment en raison de la lumière, NDLR), se désole Marin Rosenstiehl. Dix-sept projets qui allaient démarrer ont été reportés ».

Dans son agence sétoise, Jérôme Léguillier fait le même constat : « Après un beau démarrage au mois de janvier, où les acteurs commençaient à être castés pour des séries en région mais aussi des longs métrages nationaux, tout s'est arrêté brutalement et officiellement, aucune date de reprise n'a été annoncée ».

Le triptyque règles sanitaires/assurance/autorisations

Malgré l'annonce du chef de l'Etat d'un plan pour la culture, avec notamment la création d'un fonds d'indemnisation temporaire pour les séries et les tournages annulés, la filière audiovisuelle a du mal à imaginer une reprise dans ce contexte sanitaire exceptionnel.

« Plusieurs problématiques se posent, expose Marin Rosenstiehl. D'abord, aucun accord officiel n'a été passé avec le Comité Central d'Hygiène et des Conditions de Travail de la production audiovisuelle. Ensuite, aucune assurance ne veut à ce jour couvrir un tournage avec le risque de pandémie. Imaginez un cas de Covid-19 avec un comédien ou un technicien : c'est toute la production qui se retrouve de nouveau à l'arrêt mais engagée financièrement. Aux dernières nouvelles, la mise en place d'un fonds de garantie qui permettrait de faire face financièrement à ces arrêts est à l'étude. Enfin, reste la question des autorisations de tournage sur le domaine public. A qui va incomber la responsabilité en cas de problème sanitaire ? Pour l'heure, ces trois volets ne sont toujours pas réglés. Le scénario le plus optimiste serait que les tournages reprennent progressivement cet été, voire début septembre. »

Des séries prêtes à redémarrer ?

Particulièrement bien positionnée sur le format de la série, l'Occitanie pourrait cependant être la première région à voir l'activité audiovisuelle se relancer. Des éclaircies se dessinent : des sources non officielles évoquent une possible reprise de tournages de certaines séries ayant les moyens de s'adapter en équipe réduite, de limiter le nombre de figurants, de simplifier les découpages, voire même de changer quelques scénarios.

Ainsi les tournages de Plus belle la vie et Demain nous appartient pourraient reprendre à la fin du mois, Un si grand soleil courant juin, et Candice Renoir dès la rentrée. Interrogée à ce sujet, France TV studio ne se prononce pas.

« Il est vraiment trop tôt pour évoquer la reprise des tournages d'Un si grand soleil. Les équipes sont mobilisées pour travailler sur une reprise dans les meilleures conditions », explique la direction de la communication du groupe.

Pour rappel, en 2019, 257 épisodes de la série Un si grand soleil ont été tournés, soit 756 jours de tournage (228 en équipe studio et 528 en décors naturels). La série a employé 2 491 salariés (1 830 sont basés dans la région) et généré, sur 18 mois, plus de 16 M€ de retombées économiques.

Des surcoûts de plus de 100 000 €

Si aucun tournage en Occitanie n'a été jusqu'à présent annulé, reste que de nouvelles questions épineuses vont se poser à la reprise. A commencer par les surcoûts : respect du protocole sanitaire avec réduction des équipes, déplacement individuel des comédiens et techniciens, temps de travail et délais de tournage plus longs, relocations des lieux de tournage, réinstallation des décors...

Ces coûts supplémentaires sont estimés à minima à 100 000 € pour un tournage de 8 semaines. Un montant faramineux pour des films comme Teddy, des frères Boukherma, tourné dans les Pyrénées-Orientales avec un budget de moins de 1 M€.

Dans certains cas, il faudra même revoir les modes d'écriture, telle la scène avec une centaine de figurants. Sans parler de l'embouteillage des projets, des disponibilités des comédiens et des équipes, des nouveaux financements à trouver...

« Tous ces facteurs nous laissent à penser qu'il y aura deux à trois fois moins de tournages que d'habitude. Si nous avons une dizaine de films en tournage cette année, ce sera bien, estime Marin Rosenstiehl. Tout l'édifice cinéma a été fragilisé avec un calendrier des sorties bousculé. En Occitanie, ce sont 7 ou 8 films qui vont devoir décaler leur sortie. Certains attendaient de savoir s'ils étaient sélectionnés au Festival de Cannes... Cela redistribue totalement l'organisation des line up ».

On l'aura compris, sous le soleil, la filière audiovisuelle est encore à bout de souffle.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.