Menace sur le logiciel libre

Dans cette tribune, l'ADULLACT et l'AFUL, associations de promotion du logiciel libre, alertent les pouvoirs publics sur la place de la création libre dans l'écosystème national, au regard des futures dispositions législatives françaises et européennes.
(Crédits : DR)

Il n'est presque plus utile aujourd'hui de préciser que le numérique est venu modifier les équilibres économiques entre les pouvoirs publics et ses fournisseurs. Et il est évident que l'État fait, désormais et au mieux, jeu égal avec ses fournisseurs informatiques qui maîtrisent la technologie bien mieux que lui. On ne dénombre plus les projets publics dans lesquels la collectivité est liée à un fournisseur pendant plusieurs années alors que les résultats ne sont pas satisfaisants, ou encore aux pertes d'exploitation et de données intervenant à la fin d'un contrat.

Il en résulte que la transformation numérique de la société française prend du retard, subit des surcoûts énormes qui auraient pu être évités et que les usagers n'ont pas le niveau de service qu'ils sont en droit d'attendre.

Les pouvoirs publics doivent rééquilibrer les relations avec leurs fournisseurs afin de conserver la maîtrise des outils logiciels qui sont nécessaires à son fonctionnement, mais aussi au maintien de sa souveraineté dans l'espace numérique. Ils doivent refuser les partenariats qui limitent son champ d'action, les contrats qui le lient trop fortement à un fournisseur unique ou qui accaparent ses données.

Cela passera nécessairement par une révision des mécanismes, obsolètes, de la commande publique. Mais, en attendant, choisir des outils qui lui permettent nativement de conserver cette maîtrise est une démarche indispensable.

C'est le cas des logiciels libres, qui permettent à chacun de connaître la manière dont ils fonctionnent, de les modifier, de les adapter au besoin de l'administration, de faciliter la mutualisation entre les différentes administrations tout en n'emprisonnant pas celles-ci dans une relation contractuelle potentiellement toxique.

Toutefois, cela passe par un soutien indéfectible de l'ensemble des pouvoirs publics. Y compris par celui du ministère de la Culture qui assure les négociations du projet de directive sur le droit d'auteur. Rappelons que le droit d'auteur permet au logiciel libre d'exister et de ne pas être revendu sous une forme propriétaire. Mais il nous apparaît que le ministère de la Culture ne prend que trop peu en compte la création libre et fait le jeu des seules sociétés de gestion collective. Il est indispensable que la future réglementation européenne prenne en compte les fonctionnements inhérents aux communautés libres et en particulier les forges logicielles (sites de dépôt et partage des codes, permettant à plusieurs développeurs de contribuer à un logiciel), et dispose enfin d'un principe général d'interopérabilité des contenus numériques.

Il ne s'agit plus seulement de protéger l'exception culturelle française, mais de valoriser les outils qui nous permettront d'assurer notre souveraineté numérique face aux multinationales et aux autres nations. C'est la raison pour laquelle deux associations de promotion du logiciel libre, l'ADULLACT2 et l'AFUL3 appellent la ministre de la Culture à soutenir la création libre.

Parallèlement, le logiciel libre, généralement créé et mis à jour par une communauté de développeurs, repose sur un nouveau paradigme qui est la gratuité du logiciel en contrepartie d'une maintenance payante et/ou d'une participation à la communauté des développeurs. Il est temps que les pouvoirs publics jouent le jeu et participent enfin aux logiciels qu'ils utilisent et en mutualisent l'usage. Nul doute que cela réduira les coûts globaux de fonctionnement de nos administrations, et que cela lui permettra de reprendre son autonomie perdue en matière de logiciels.

Frédéric Duflo, représentant de l'ADULLACT au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique

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