"Itinéraire de l’emploi" délocalise les partenaires de l’emploi sur les trottoirs des quartiers prioritaires de Montpellier

Les différents partenaires de la Commission Insertion ont déployé l’action "Itinéraire de l’emploi" dans différents quartiers prioritaires de la ville à Montpellier. Objectif : aller au-devant des populations qui connaissent d’importantes difficultés d’insertion sociale et professionnelle pour les informer des outils existants pour les accompagner sur leur parcours mais aussi pour leur proposer directement des offres d’emplois. Une initiative qui a suscité la curiosité du préfet de l’Hérault, Hugues Moutouh. Reportage au Petit Bard le 28 octobre.
Cécile Chaigneau
Le 28 octobre, l'action Itinéraire de l'emploi faisait sa 2e étape dans le quartier du Petit Bard Pergola, à Montpellier.
Le 28 octobre, l'action "Itinéraire de l'emploi" faisait sa 2e étape dans le quartier du Petit Bard Pergola, à Montpellier. (Crédits : Cécile Chaigneau)

Ce jeudi matin 28 octobre, sur un trottoir non loin du marché du Petit Bard Pergola, un attroupement inhabituel s'est formé devant de longues tables et quelques kakemonos. A 10h30, quelques habitants du quartier passent doucement en regardant de loin, certains s'approchent timidement, d'autres viennent discuter avec les personnes de l'autre côté des tables.

L'action "Itinéraire de l'emploi" fait là sa 2e étape dans ce quartier de l'ouest de la ville, un quartier dit sensible, classé quartier "prioritaire de la politique de la ville" car particulièrement touché par la pauvreté et par de fortes difficultés d'insertion sociale et professionnelle (voir encadré ci-dessous). La veille, "Itinéraire de l'emploi" était dans le quartier des Cévennes et sera dans celui de la Mosson le lendemain.

Cette action est portée par de nombreux partenaires de la Commission Insertion de l'Hérault (Pôle Emploi, Missions Locales, Ville de Montpellier, FACE Hérault, CRIJ...). Elle a vocation à favoriser le rapprochement de la population d'un quartier avec le service public de l'emploi, en allant au-devant des habitants le temps d'une journée. Et c'est bien là une de ses principales vertus : permettre à une partie de la population, qui appréhende de pousser les portes des organismes institutionnels tels que Pôle Emploi, de se renseigner sur les différents dispositifs existants qu'elle pourrait solliciter en matière d'accompagnement, de formation, de recrutement. Certains partenaires de l'emploi présents proposent également des offres d'emploi.

« L'idée d'un guichet unique : une vision théorique et bureaucratique »

 « Le principe de l'action "itinéraire de l'emploi", c'est d'occuper l'espace public, de remettre une dynamique, souligne Marc Lajarige, responsable territorial de la Mission Locale des Jeunes de Montpellier. Le public cible, ce sont les 16-25 ans mais pas uniquement. Certains n'osent pas franchir nos portes car on est estampillés institutions. Une telle action permet de désacraliser un peu. Mais l'objectif, c'est aussi de toucher ceux qui ne nous connaissent pas, qui ne savent pas qu'il existe des outils qui peuvent les accompagner sur un parcours vers l'emploi. On ne cherche pas à faire du nombre mais plutôt à activer le bouche-à-oreille. On veut redonner confiance. »

Le préfet de l'Hérault Hugues Moutouh, qui a récemment pris ses fonctions à Montpellier, circule parmi les habitants et fait le tour des partenaires de l'emploi présents.

« On s'est aperçu, depuis ces dernières années, qu'on avait beau avoir des agences avec des professionnels extrêmement compétents, des Missions locales très dévouées, s'ils restent dans leurs murs, ils n'arrivent pas à séduire un public qui est quand même un peu en rupture de ban avec l'insertion économique et sociale, souligne le haut fonctionnaire de l'État. Donc il faut faire cette démarche très volontariste. Car même s'il y a beaucoup de bonnes volontés dans les associations, on ne peut pas s'improviser spécialistes de l'insertion. On a besoin de professionnels de l'emploi, de l'insertion par l'emploi. Le public est très diversifié et l'idée d'un guichet unique, c'est une vision qui me semble extrêmement théorique et très bureaucratique : il faut offrir des solutions diversifiées pour un public diversifié, et c'est ce qui se fait ici... Cela permet un contact avec des mères de famille, des femmes, et des jeunes intéressés par de la formation et par l'insertion économique. Car je le redis, il y a toute une batterie d'aides sociales pour les personnes en situation de vulnérabilité mais l'insertion par l'économie, avoir un emploi, c'est quand même essentiel dans le chemin vers l'autonomie et dans le respect de soi-même. On peut le regretter, mais la valeur travail, c'est une valeur fondamentale pour notre société. »

Mamadou Samassa, conseiller médiateur de la Mission locale, discute avec des jeunes du quartier : « Ils sont en recherche d'information, de formation, de stage ou d'emploi, et c'est plus simple pour eux de s'adresser à nous dans ce cadre que d'aller dans une institution ».

« On n'a pas notre ordinateur devant nous, on est vraiment dans le contact humain, renchérit Cindy Beugnot, responsable d'équipe dans une agence Pôle emploi installée dans le quartier. Les commerçants qui se sont proposés de relier l'information sur cette action sont contents et les habitants nous remercient. »

« De la motivation et du savoir-être »

Pour Valérie Divol, assistante RH chez Breveco, une entreprise de nettoyage industriel (40 salariés) présente à Nîmes, Montpellier, Agde, Béziers et Martigues, l'objectif de l'opération est double : « Nous travaillons beaucoup avec FACE Hérault (Fondation Agir Contre l'Exclusion, NDLR) qui nous ont proposé cette action "itinéraire de l'emploi" dans l'objectif de nous aider à créer des partenariats avec d'autres structures sur le volet recrutement. Et nous sommes aussi venus avec des offres d'emploi : des contrats de 16, 20 ou 30 heures mais aussi des CDI pour des postes d'agent d'entretien à Montpellier. Notre problème majeur, c'est la mobilité, c'est à dire la possibilité pour les agents d'entretien d'aller d'un site à l'autre. Il leur faut le permis de conduire et une voiture... Ce que nous recherchons, c'est de la motivation et du savoir-être. Et si besoin, nous les formons en interne ».

« Kangourou Kids est un réseau d'agences de garde d'enfants, explique un peu plus loin Lynda, responsable RH de Kangourou Kids pour l'agence de Montpellier. Nous employons des salariés qui interviennent au domicile de parents pour garder leurs enfants. Cet été, nous avons eu un gros creux de candidatures donc nous travaillons avec tous les réseaux possibles pour rencontrer d'éventuels candidats. Il y a beaucoup de mixité dans les profils que nous recrutons. Les personnes doivent être diplômées d'un CAP petite enfance pour garder des enfants de moins de 3 ans, et sinon présenter de l'expérience. Et nous pouvons leur proposer une formation dans notre centre de formation à Pérols pendant un an... Beaucoup viennent chercher un emploi de complément. Par exemple, je viens de discuter avec un jeune qui cherche un emploi en parallèle de ses études. »

« La politique de la ville, ça ne suffit pas »

Les intervenantes du CRIJ (Centre régional information jeunesse) sont venues avec différents outils qui vont leur servir d'accroche pour engager le dialogue, créer un lien de confiance et entrouvrir une porte vers un projet professionnel : un masque de réalité virtuelle pour mettre les jeunes en immersion dans un métier, un jeu de photos-langage où un jeu de cartes.

Se prêtant au jeu de cartes, le préfet salue les procédés : « L'État agit énormément sur la politique de la ville mais ça ne suffit pas, la politique de rénovation urbaine ne suffit pas... C'est essentiel pour les cadres vie mais ce n'est rien sans cette politique de contact humain et d'individualisation ».

Promesse de Michaël Delafosse, le maire et président de la Métropole durant sa campagne, la Ville de Montpellier, partenaire de l'opération "Itinéraire de l'emploi", va s'engager dans une démarche territoire "Zéro chômeur de longue durée", comme le confirme Jean Maillet, conseiller du maire et président de la Métropole de Montpellier : « La commune de Montpellier et celle de Grabels sont intéressées pour candidater ensemble. Cette démarche consiste à regarder, dans le vivier des demandeurs d'emploi de longue durée, leurs compétences et leurs envies, et en parallèle, de diagnostiquer les services qui n'existeraient pas encore sur le territoire dans l'objectif de créer une "entreprise à but d'emploi". Il faut bien compter un à deux ans de préparation, on est au début de la démarche ».

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Le Petit Bard Pergola, quartier prioritaire

Selon l'Observatoire des publics les plus éloignés de l'emploi, établi en juin 2021 par le Carif-Oref Occitanie (Centre d'animation, de ressources et d'information sur la formation et observatoire régional de l'emploi et de la formation), les 105 quartiers prioritaires de la ville en Occitanie - dont fait partie le Petit Bard à Montpellier - comptent environ 385.000 habitants, affichent un taux de pauvreté de 48,7% et le taux d'emploi des 15-64 ans est de 42%. Selon les données 2018 de l'INSEE, le taux de pauvreté est même de 57,8% dans le quartier du Petit Bard Pergola (près de 6.000 habitants) et le taux d'emploi des 15-64 ans de 35%...

Sur l'unité urbaine de Montpellier, trois quartiers sont en situation de fort décrochage et constituent de vraies poches de pauvreté : les quartiers prioritaire Petit Bard Pergola, Mosson et Gély, où le niveau de vie médian est inférieur à 11.800 euros annuels. En conséquence, au Petit Bard Pergola, le revenu disponible provient pour 28% des prestations sociales, contre 25% dans l'ensemble des quartiers prioritaires d'Occitanie et 7% dans l'agglomération montpelliéraine.

Selon la typologie des quartiers prioritaires d'Occitanie, le Petit Bard Pergola est classé dans la catégorie des grands quartiers très pauvres et précaires, les habitants y cumulant forte pauvreté et difficultés importantes d'insertion sociale et professionnelle. Lorsque les habitants en âge de travailler (15-64 ans) ont un emploi, il s'agit une fois sur quatre d'un emploi précaire (CDD, intérim, etc.). En lien avec ces difficultés d'accès à l'emploi, les niveaux de diplômes des habitants sont également parmi les plus bas.

Cécile Chaigneau

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