La filière des industries agroalimentaires en panne de candidats à l’emploi en Occitanie

Les professionnels des entreprises agroalimentaires d’Occitanie sont inquiets et alertent sur les difficultés grandissantes qu’ils rencontrent pour recruter. Leurs métiers ne séduisent plus (pas ?) et les candidats ne se bousculent pas au portillon. Différents acteurs de la filière se rassemblent pour tenter des opérations de séduction…
Cécile Chaigneau
Les entreprises de l'agroalimentaire ont du mal à attirer des candidats à l'emploi et veulent communiquer sur l'amélioration des conditions de travail et la modernisation de leur processus de production.

Selon les dernières données consolidées (2018), l'agroalimentaire en Occitanie, c'est 46.200 emplois dans 8.300 entreprises. Un tissu dense de TPE/PME réparties sur tout le territoire, avec plus de 85% d'entre elles qui ont 20 salariés ou moins. Parmi les gros leaders régionaux, on compte Andros, Nutrition & Santé, Cémoi, Florette ou Vinadéis... La filière régionale affiche une grande diversité de productions agroalimentaires, avec une nette dominante du secteur du vin, mais aussi des produits de la mer, des fruits et légumes et des produits carnés et laitiers.

Alors que le secteur agroalimentaire n'a jamais cessé de travailler pendant la crise sanitaire et que la reprise économique est amorcée, la filière peine à trouver des candidats à l'emploi dans un contexte où de nombreux secteurs recrutent également. L'Association des entreprises alimentaires de l'Occitanie (AREA) tire aujourd'hui la sonnette d'alarme et a décidé de réunir autour d'une même table Pôle Emploi, l'OCAPIAT (opérateur de compétences pour la coopération agricole, l'agriculture, la pêche, l'industrie agro-alimentaire et les territoires) et IFRIA Occitanie (acteur de l'enseignement agroalimentaire en Occitanie, avec plus de 360 apprentis en 2020 dans ses CFA).

Une réunion avait lieu le 13 octobre dans les locaux de l'Huilerie Cauvin, dans le Gard. Sorte de task-force de la filière pour trouver des solutions aux problématiques des entreprises.

« Le secteur agroalimentaire en Occitanie est majeur et bien réparti sur tous les départements, et ce sont des métiers non délocalisables, rappelle en préambule Thierry Lemerle, le directeur de Pôle Emploi Occitanie. Aujourd'hui, il y a des tensions sur l'emploi et des spécialités que tout le monde recherche. C'est pourquoi nous mettons en place un plan d'action pragmatique ciblé. Pas de déclaration philosophique mais des actes concrets ! »

« Des métiers qui font sens »

Florence Pratlong, vice-présidente de l'AREA, dirige la Fromagerie Le Fedou, sur la commune lozérienne de Hures-la-Parade. Ses inquiétudes sont elles aussi concrètes : « On cherche actuellement deux apprentis fromagers, et on a mis un an et demi pour trouver un conducteur de maintenance... Ce sont des postes d'autant plus difficiles à pourvoir quand on se trouve en zones rurales. Et il y a urgence car quand on est en sous-effectifs, le travail repose sur les autres salariés et on altère la qualité de vie au travail ».

« Aujourd'hui, je n'ai pas de poste à pourvoir, mais il y a quatre mois, je cherchais 4 CDI, témoigne Evelyne Butian, DRH pour L'Huilerie Cauvin (54 salariés). On a mis 3 à 4 mois pour les pourvoir. Et si demain, un conducteur de ligne part, je ne sais pas combien de temps je mettrai pour le remplacer... Nous prenons volontiers des apprentis pour former des "petits Cauvin" et assurer les recrutements futurs. »

De son côté, l'entreprise Poppies-Berlidon, usine gardoise (Laudun-l'Ardoise) du fabricant belge de pâtisserie industrielle dit avoir beaucoup de mal à pourvoir près de 50 CDI sur ses chaînes de production.

Chez Olives & Co, producteurs d'olives fraîches, de tartinables et de soupes de poissons (160 salariés entre le siège à Nîmes, deux sites à Frontignan, des sites dans le Centre Val de Loire et en Paca), la responsable RH assure que « cette situation nous pousse à offrir de bonnes rémunérations mais aussi de bonnes conditions de travail. Et nous proposons maintenant une visite d'usine aux candidats avec lesquels nous avons bien avancé dans le processus de recrutement pour leur donner envie ».

Opération séduction

Car c'est bien une opération de séduction et d'attractivité que veut lancer la filière, en déficit d'image et de reconnaissance. Voire de connaissance tout court...

« On a besoin de visibilité, de reconnaissance sur ces métiers préjugés manuels et pas intellectuels, alors que ce sont des métiers qui font sens, confirme Florence Pratlong. D'ailleurs, une fois que les gens commencent à travailler dans ce secteur, en général, ils restent... »

Anne chassang, en charge des ressources humaines à l'AREA, observe en effet qu'« il y a peu de turn-over au-delà d'un an... Malheureusement, les entreprises agroalimentaires ne sont connues du grand public qu'au travers d'émissions de télévision, qui donnent une mauvaise image, et il y a encore beaucoup d'inquiétude sur les conditions de travail. Aujourd'hui, il n'y a pas une entreprise qui ne nous interpelle pas sur une problématique de l'emploi ».

Alors, comme si on pouvait encore imaginer qu'elle en soit restée au XIXe siècle, la profession martèle qu'elle a modernisé ses processus industriels et que les conditions de travail se sont beaucoup améliorées...

6.400 recrutements prévus en 2021

Selon une étude des Carif-Oref Occitanie (centre animation ressources d'information sur la formation, observatoire régional emploi formation), datée d'octobre 2021, les évolutions annuelles de l'emploi sont contrastées selon les départements et les secteurs : -10,7 % dans les Hautes-Pyrénées, en lien avec l'évolution dans la préparation industrielle de produits à base de viande (secteur qui affiche la baisse la plus forte en 2020 au niveau régional : - 8,2 %) et +7,5 % en Ariège.

Quelque 6.400 recrutements étaient prévus en 2021 dans les industries agroalimentaires de la région Occitanie (- 16 % par rapport à 2019, avec une baisse essentiellement concentrée dans le Gard, - 39 %, et le Lot, - 59 %). Sur ces projets, une moyenne régionale de 43,3% sont jugés « difficiles » (- 3,4 % par rapport à 2019), avec des difficultés très hétérogènes selon les départements (17,6% dans les Pyrénées-Orientales mais 85,7% dans les Hautes-Pyrénées) et des difficultés plus marquées dans les territoires excentrés et/ou ruraux.

Sur les douze dernier mois, Pôle Emploi annonce ainsi avoir enregistré 4.212 offres d'emplois dans les métiers de l'agroalimentaire en Occitanie (soit l'équivalent d'environ 10% des emplois de la filière, et 1,5% de la totalité des offres déposées), un chiffre en augmentation de 3% en un an. 39% des offres sont concentrée sur la Haute-Garonne, l'Hérault et l'Aveyron.

Sur ces 4.212 offres, 95% portent sur cinq métiers (conduite d'équipement de production alimentaire, opérations manuelles d'assemblage, tri ou emballage, conduite d'équipement de conditionnement, management et ingénierie de production, et abattage et découpe des viandes) et 97% pour des postes à temps complet. Enfin, 30% des contrats s'adressent à des personnes qualifiées et 58% à des personnes peu ou pas qualifiées, et 55% des projets de recrutement sont saisonniers.

Impossible, toutefois, de savoir auprès de Pôle Emploi combien d'offres n'auraient pas été pourvues et resteraient ouvertes à ce jour...

Formation et compétences transférables

Une identification des métiers en tension a été effectuée en vue d'améliorer l'orientation des demandeurs d'emploi vers des formations ou des métiers en adéquation avec les besoins du marché du travail. Et c'est là un des axes de travail qu'impulse l'ensemble des partenaires pour apporter des réponses à la filière : booster l'apprentissage.

« La profession a des CFA, on est à la rentrée scolaire, et malgré tout le travail pour provoquer des vocations, il y a une soixantaine de places disponibles, surtout sur la conduite de ligne et la maintenance, souligne Thierry Lemerle. Pôle Emploi va faire un travail d'analyse pointu des candidatures pour les orienter vers la formation, où ils sont sûrs de trouver un emploi à la sortie... Nous allons également faire, sur trois bassins, en Lozère, à Nîmes et à Auch, un travail expérimental plus poussé pour voir les candidats qui pourraient répondre à ces offres en élargissant les critères, sur ce qu'on appelle les compétences transférables. Les agences de Pôle Emploi ouvriront leurs portes aux entreprises, on y fera des job-dating, par exemple. On teste et on déploiera ensuite ce qui aura fonctionné sur d'autres départements. »

Le directeur régional de Pôle Emploi veut également donner une meilleure visibilité aux différentes mesures de politiques publiques (contrats aidés, contrats pro, dispositifs financiers, etc.) pour les entreprises qui pourraient bénéficier de coups de pouce pour recruter.

Enfin, point d'orgue, la filière devrait déployer ses plus beaux atours lors de la Semaine nationale de l'emploi agroalimentaire du 15 au 19 novembre

« Pôle Emploi ouvrira les portes de ses agences pour y organiser des ateliers, proposer la découverte de métiers, organiser des tests de compétences », promet Thierry Lemerle.

Cécile Chaigneau

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